A droite comme à gauche, on souffle depuis dimanche ; 20 heures. On a tort comme le disait l’autre : « c’est là que les emmerdes vont commencer ». Et Jacques Chirac fin connaisseur d’ajouter « en plus elles volent en escadrille ». Mais le soulagement est là. La droite a une majorité absolue, pour diriger, après plus de soixante ans de social-defferrisme, le département. La gauche a sauvé quelques meubles malgré la vague. Et le FN a pour un temps était relégué à sa fonction : aiguiller une République qu’il veut en fait abattre et défendre une démocratie qu’il a toujours combattue pour sa faiblesse et sa tolérance. C’est pourtant à droite comme à gauche un moment historique à saisir à condition d’obéir aux commandements que la situation du département et de la région exige.
Premièrement : la droite UMP-centre reproduira-t-elle à l’infini le système qu’elle a si longtemps dénoncé chez les autres. Si des personnalités nouvelles et assez fortes pour résister à l’omnipotence de Jean-Claude Gaudin peuvent s’imposer, elle peut réussir ce qu’un Raymond Barre est parvenu à faire à Lyon ou un Alain Juppé à Bordeaux. Sinon elle traînera avec elle les vieilles méthodes qui gangrènent depuis si longtemps le fonctionnement des municipaux, des hôpitaux ou comme on l’a vu, pour l’année de la culture, qui altèrent la moindre nomination d’un responsable et ostracisent toute énergie qui n’appartient pas à la famille.
Deuxièmement : la même droite peut assoir un succès définitif en s’imposant comme le seul rempart au Front National aux prochaines élections régionales, qui lui redonneraient la présidence de la Provence Alpes Côte d’azur. A condition là encore d’être claire sur des valeurs qui ont vu une partie de l’électorat de gauche apporter le complément nécessaire pour gagner de justesse le deuxième tour des cantonales, ou y triompher. Sinon comme, elle a pu le faire ici dans le passé, elle entrera à nouveau dans le jeu des arrangements entre ennemis dans l’ombre complice de coulisses malodorantes.
Troisièmement : il va se jouer bien des drames et mélodrames d’ici jeudi dans les rangs de l’UMP et du Centre. L’attente a été si longue et les ambitions personnelles sont voraces. Si Martine Vassal impose, sans être cornaquée outre mesure par son puissant mentor, son autorité d’emblée, elle peut installer une assemblée départementale inédite. Elle devra faire oublier ce qu’un Renaud Muselier désigne en solitaire depuis des années et qu’un Jean-Claude Gaudin a toujours abordé mezzo voce : les affaires qui accompagnent depuis si longtemps la fratrie Guérini. Un vaisseau bleu transparent est une prouesse qui installerait cette quinquagénaire pour un long bail à la tête du 13.
Quatrièmement : en finir avec une vision médiévale de ce territoire qui est sans aucun doute un de ceux qui réunit le plus de contradictions, de désespérances et d’espérances. Un chômage endémique, des pôles universitaires dispersés et budgétivores malgré l’université unique, une désindustrialisation patente, une insécurité latente d’un côté, une dynamique entrepreunariale avérée, une recherche en pointe, une situation géostratégique avec des réseaux autoroutiers, ferroviaire et aériens modernes, une attractivité confirmée de l’autre côté. Il faudra passer pour y parvenir par un puissant axe de développement Aix-Marseille maîtrisé, une vraie politique d’investissement culturel et social dans les cités dortoirs (Vitrolles, Marignane, Berre), une métropole qui diffuse jusqu’aux frontières du Var et du Gard, autant qu’elle agglomère les énergies.
Cinquièmement : il est grand temps pour la majorité nouvelle du département de laisser poindre les talents qui donneront du souffle aux lendemains d’élection. Les partis que vilipende de tribune en tribune Marine Le Pen n’ont plus de vie militante. On y adhère par tradition familiale ou culturelle, rarement par conviction. La doctrine est peau de chagrin, les idées nouvelles y sont rares, les vrais débats absents. La France se distingue depuis plusieurs années déjà par la montée des corporatismes et la défense à tout crin des avantages acquis. Cela fait parfois des dessins drôles sur les pancartes, rarement un dessein collectif.
Sixièmement : et la gauche dans tout ça. Elle a connu dimanche le petit frémissement de ceux qui supplient Marianne de leur laisser encore quelques instants à survivre. Elle est en fait en miette et les jours qui viennent ne lui permettront que de mesurer la profondeur de son naufrage. Ils se sont tant désaimés.
Septièmement : Patrick Mennucci regrettait à l’issue du scrutin qu’il faille passer par cette débâcle pour en finir avec Guérini. Ils sont ainsi quelques-uns à avoir personnalisé leur critique, en les focalisant sur un seul homme. C’est un peu facile de se débarrasser ainsi de l’inventaire nécessaire que les Bouches-du-Rhône socialistes devront faire pour prétendre au renouveau. Ce PS est né après la guerre avec Gaston Defferre et l’exercice démocratique n’a jamais été en son sein une priorité. Mais il y avait alors cet homme puissant et charismatique qui a défaut de sauver Marseille en imposait à Paris. Aujourd’hui la rue de Solférino regarde le PS du 13 comme un cadavre plutôt que comme un malade auquel il pourrait apporter remède. Il est urgent que ceux qui ont conduit à cette ruine se taisent et entendent le silence des amers.
Huitièmement : d’autres pourraient tirer les leçons que le PS avec ses fortes têtes est incapable aujourd’hui de tirer. Le Parti Communiste ne le fera pas. On ne se défait en un jour du fonctionnement qui a traversé des décennies et qui a été aveugle à bien des mouvements de l’Histoire. La question la plus urgente qu’il aurait à examiner c’est celle de cette classe ouvrière se livrant sans une hésitation à ceux qui, de loin, l’ont la plus combattue. Les scores phénoménaux du FN chez les plus déshérités devraient trouver d’autres réponses que la seule condamnation de la politique menée par Hollande-Valls. Il a une occasion de montrer prochainement une étincelle de clairvoyance. Faire de La Marseillaise en difficulté un vrai média d’information et d’opinion. On verra.
Neuvièmement : peut-on imaginer des visages nouveaux ou des énergies renouvelées pour bâtir une opposition capable d’affronter une droite qui détient aujourd’hui tous les leviers de ce département et peut légitimement penser à reconquérir la région ? C’est peu probable et les temps où certains intellectuels savaient hausser le ton – Richard Martin, Marcel Maréchal, Guédiguian – pour prévenir des dangers et affronter les obscurantismes semblent bien lointains. On attend Paul Mac Cartney au vélodrome. Il chantera peut-être « Imagine ».
Dixièmement : les Bouches-du-Rhône trouveront-elles finalement leur salut en dehors de la sphère politique. A l’heure de la mondialisation certains attendent peu des pouvoirs publics et beaucoup de leurs seules capacités à changer le cours des choses. Ils sont sans doute parmi les 50% qui ne se sont pas rendus aux urnes dimanche.