Tout d’abord, pourquoi ne pas repartir pour un second mandat alors que tout le monde semble souhaiter vous voir rester au poste ?
Christine Cabau-Woehrel : Cela n’a rien à voir avec le port. C’est une décision personnelle. Je suis à un moment de ma vie où je pense qu’il faut changer. Le mandat que j’ai fait ici m’a réellement passionné et je ne l’oublierai jamais. Mais la CMA CGM m’a fait une proposition très intéressante sur un poste à haute responsabilité. J’ai déjà géré une ligne chez eux mais demain, ce seront tous leurs actifs industriels avec lesquels je vais travailler. C’est un challenge très tourné vers l’international qui me convient très bien.
Pendant ces cinq ans de mandat, quel a été votre plus grand challenge ?
C.C.W : Le sujet principal, c’était la diversification. Le pétrole, première ressource du port, ne faisait que baisser à mon arrivée. Il fallait donc trouver de nouveaux débouchés en s’appuyant notamment sur les conteneurs ou la croisière. Pour cela, le Port de Marseille a pris une dimension plus internationale. On a appris à faire valoir notre performance sur ces nouvelles filières auprès des clients du monde entier. Il fallait mettre dans la tête de tout le monde que le GPMM était pertinent pour développer une activité de croisière par exemple. On a développé une approche cliente différente, améliorer la fiabilité des dockers et des manutentionnaires et enfin fait de lourds investissements pour accueillir nos nouveaux partenaires. C’est comme ça qu’on a vu revenir des grands armateurs comme Maersk et arriver les américains de Carnival.
Vous avez réussi à concrétiser tous vos projets d’investissements ?
C.C.W : Sur les 350 millions d’euros programmés, on a réussi à faire aboutir 250 millions. On a jamais le temps de tout faire dans le temps imparti, ça peut-être frustrant. Parfois, nous ne délivrons pas assez vite, d’autres fois, c’est la prise de décision des opérateurs qui tarde… Mais les progrès sont énormes. Les manutentionnaires, par exemple, ont plus investi sur ces cinq dernières années qu’au cours des quinze précédentes. On a su développer une véritable stratégie de développement économique et d’aménagement. Elle a été largement validée par les investissements des opérateurs privés.
On entend beaucoup de critiques, de la part d’élus notamment, sur le manque de disponibilité du foncier économique détenu par le port à Fos notamment. Est-ce que le Port veille jalousement sur ces terrains pour choisir lui-même les entreprises qui s’y installent ?
C.C.W : Pas du tout. On ne refuse jamais à des entreprises de venir s’installer chez nous. On le voit bien d’ailleurs sur Distriport qui connaît un succès fou et affiche bientôt complet. Après, il faut savoir prendre les dossiers un par un. Si on pouvait en gérer 200 à la fois, on le ferait mais ce n’est pas raisonnable dans les conditions actuelles. Pour l’industrie, je sens que certains s’impatientent de voir de nouvelles usines s’installer sur Fos mais le temps de décision des industriels n’est pas le même que pour la logistique. On l’a bien vu avec Quechen. C’est une belle victoire mais il faut du temps pour les convaincre car ce sont des investissements très lourds qui sont souvent prévus pour rester au moins vingt ans. On a des contacts avec des candidats à l’installation mais ils prennent leur temps pour se décider. Il faut être patient.
Pour Quechen d’ailleurs, où en est le projet ? Ils ont signé la promesse de bail en octobre et depuis plus rien. Faut-il s’inquiéter ?
C.C.W : Non, pas de soucis à avoir. Nous entrons dans la phase des procédures réglementaires habituelles. Ils vont déposer le permis de construire dans le courant de l’année pour s’installer comme prévu sur la zone de Piicto.
Le Port est aussi critiqué comme étant un Etat dans la ville, inaccessible. Certains élus militent pour que son territoire s’ouvre davantage aux marseillais. Qu’est ce que vous leur répondez ?
C.C.W : Je trouve que nous nous sommes déjà beaucoup ouvert ! Avec les Terrasses du port, le Silo et bientôt le J1… ce sont de beaux exemples d’ouverture sur la ville. Très franchement, quand on peut le faire, on le fait. Mais il y a des problématiques de sûreté. Le port n’est pas un lieu de promenade. Il y a beaucoup de trafic de camions, des activités industrielles parfois sensibles. Il faut penser cette question en bonne intelligence avec les marseillais et les élus. De la même façon qu’on ne doit pas opposer développement économique et écologie, il ne faut pas opposer la Ville et le Port. On travaille ensemble tous les jours et les choses se font petit à petit en fonction des possibilités.
Sur le volet environnemental, vous êtes pointé du doigt comme étant une des principales sources de pollution du territoire. Comment répondre aux exigences de la population ?
C.C.W : En tant qu’entité publique, je comprends que nous soyons la première cible des attaques. On a un devoir de transparence. Depuis plus de deux ans, on a fait de gros efforts de communication auprès du grand public. Tout d’abord, il faut combattre les contre vérités. Je ne veux plus entendre qu’un bateau sur le port pollue comme un million de voitures, c’est faux ! On respecte la réglementation et on va même plus loin. Le Port de Marseille est le plus proactif de la région sur les sujets environnementaux. On est les seuls à avoir des branchements à quai sur toute la Méditerranée. L’écologie sera le fil rouge du prochain volet stratégique. Le port doit notamment investir davantage pour devenir un producteur d’énergies renouvelables en installant plus de panneaux solaires par exemple.