La nouvelle ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, aurait diffusé une circulaire dans laquelle elle invite les maires à mettre en place des cours d’arabe dans les écoles maternelles et primaires en guise d’activité périscolaire. Diffusé depuis samedi 6 septembre 2014 sur les réseaux sociaux, le document n’a jamais émané du ministère, qui a d’ailleurs décidé de porter plainte pour usurpation. Depuis cette rumeur, les publications d’informations fictives de ce genre apparaissent sur les réseaux sociaux, notamment sur le territoire d’Aix-Marseille-Provence où deux fausses informations circulent depuis quelques jours.
Le petit cochon rose d’Istres
À Istres d’abord, on raconte que l’imam a fait retirer un cochon rose d’un manège pour enfants parce qu’il perturbait les enfants musulmans. L’information a été relayée sur différents blogs dès l’automne 2013 et dans le courant du mois d’août 2014 mais elle est récemment revenue dans l’actualité et remonte dans les discussions sur les réseaux sociaux, Twitter et Facebook notamment. « Il paraît que le cochon n’y est plus. Il aurait été expulsé du manège à la demande de parents musulmans… (sans aucun doute « modérés », intégrés et de nationalité française) et de l’imam de la ville « parce qu’il troublait leurs enfants » …», peut-on lire ainsi sur l’un de ces blogs. Des propos qui ne sont pas du tout du goût de la ville d’Istres.
« C’est une rumeur ! Il n’y a même jamais eu de cochon rose sur ce manège, explique-t-on du côté de la mairie d’Istres*. Le carrousel est toujours en place et il n’est pas question de le retirer… C’est le Front National qui a lancé la rumeur sur sa page Facebook au moment des élections municipales de 2014 et ça revient sur le tapis en ce moment. C’est aberrant de penser qu’un tel événement puisse être vrai. Ce n’est vraiment pas la philosophie de la ville. »
Il n’y a jamais eu de cochon rose sur ce manège. Vrai mais le cochon rose a tout de même bien existé. En réalité, le carrousel que l’on peut voir aujourd’hui dans cette artère principale de la ville n’est pas le même que le manège installé en juin 2013, au moment de l’inauguration de ce nouvel espace. Car à ce moment-là, le véritable carrousel de la ville – celui d’aujourd’hui – n’était pas encore prêt. « Il n’a été livré qu’en septembre 2013. Entre temps, notre fournisseur nous a prêté un manège pour ne pas pénaliser la ville. Manège sur lequel l’un des sujets était un petit cochon. » Un “personnage” qui a disparu au moment de la livraison du véritable carrousel, en septembre 2013, puisque celui-ci était différent. « Durant l’automne, un candidat aux élections municipales s’est emparé de ce sujet faisant naître une polémique artificielle qui prospère depuis sur la toile. »
Absurde, faux, impensable, certes mais le mal est fait. La Ville est obligé de démentir. L’imam de la mosquée istréenne Arrahma est contraint de calmer le jeu et alors que l’on croyait la rumeur étouffée, la voilà qui revient sur le devant de la scène ! « Il va falloir que l’on regarde à nouveau et que l’on communique encore sur le sujet », prévient la Ville.
Deux policiers abattus à la Kalachnikov à Miramas
À Miramas cette fois-ci, c’est un vrai faux article qui a fait son apparition sur la toile, mardi 9 septembre 2014. On y apprend qu’un particulier aurait entendu des coups de feu ce jour-là et que deux policiers auraient été abattus à la Kalachnikov. Là encore, totalement faux. Personne n’est mort mais une enquête a été ouverte.
En janvier dernier, des parents d’élèves avaient reçu des SMS et des messages sur les réseaux sociaux les incitant à boycotter l’école un jour par mois pour lutter contre « la théorie du genre », selon laquelle on apprendrait aux enfants « qu’ils ne naissent pas fille ou garçon mais qu’ils choisissent de le devenir ». De simples messages qui ont pourtant eu de vraies conséquences puisque les taux d’absentéisme relevés à ce moment-là dans de nombreuses écoles ont été anormalement hauts.
Ces rumeurs, souvent plus folles les unes que les autres, peuvent donc, lorsqu’elles sont bien mises en avant sur les réseaux sociaux, rapidement dégénérer.
Des rumeurs qui collent à l’actualité
Qu’elles soient racistes, anti-gouvernementales ou personnelles, ces rumeurs sont en tout cas de plus en plus fréquentes. En France, un site internet, Hoaxbuster – détecteur de canulars – a même été créé pour débusquer et lutter contre ces rumeurs. « Avec l’explosion des réseaux sociaux, la diffusion des hoax est beaucoup plus massive, confiait Guillaume Brossard, l’un des fondateurs du site à La Nouvelle République en mars 2013. 50 % des demandes de vérification de hoax qui nous sont envoyées concernent des faits islamophobes ou anti-musulmans. La plupart ont une connotation politique ou sociétale, ce qui n’existait pas du tout il y a dix ans. »
En règle générale, ces rumeurs collent à l’actualité et si on parle d’elles, c’est d’abord parce qu’elles sont partagées, échangées, suivies et commentées. « Le but de ces chaînes, ce n’est pas de convaincre, explique au Monde.fr le sociologue Pascal Froissart, auteur de La Rumeur. Histoire et fantasmes. Les gens ne font jamais suivre à la totalité de leur liste d’adresses. Ils choisissent ceux avec lesquels ils veulent rester en connivence. Ce qui compte, ce n’est pas tant de diffuser une nouvelle que de vérifier que l’on fait partie d’une communauté. » Du côté d’Istres et de Miramas, on espère en tout cas que le phénomène s’arrête là.
(Crédit photo : Flickr/cc/Frédéric Bisson)