Après un feuilleton de 5 mois, La Marseillaise (journal quotidien du Sud-Est) a pu éviter la liquidation judiciaire et poursuit son aventure commencée pendant la Résistance. Le Tribunal de commerce a déclaré recevable l’offre de l’Edition des Fédérés portée par Pierre Dharréville, le secrétaire départemental du Parti Communiste par ailleurs romancier et journaliste essayiste. Elle était la seule en lice après la défection de celle des Nouvelles Editions Marseillaises aux contours ambitieux, mais qui n’a pas réussi à trouver de financements.
C’est le soutien du Fonds de développement économique et social et sa garantie des emprunts à hauteur de 70% qui a fini par convaincre les banques d’accorder des prêts (Caisse d’Épargne, la Société Marseillaise de Crédit et le CIC) sans lesquels toute survie était impossible. Conjugué aux dons récoltés par les Amis de La Marseillaise, ce sont 700 000 € de fonds propres que les Fédérés ont présenté pour la poursuite du journal.
Pour la suite, le journal garde la même ligne éditoriale ancrée à gauche et la même zone de couverture soit 6 départements (34, 30, 13, 84, 04, 83), mais regroupe les territoires en 3 éditions (Marseille / Bouches-du-Rhône ; Provence 84, 83, 13, 04 ; La Marseillaise du Languedoc qui regroupe L’Herault du jour et le Gard). Le nombre d’agences passe de 16 à 8 et sont conservées celles de Marseille, Martigues, Aubagne, Toulon, Avignon, Nîmes, Montpellier et Manosque. Béziers, Sète, Arles entre autres, ferment leurs portes.
Accompagnant la fermeture des agences, le nombre de salariés va passer de 208 à 117, sacrifiant au passage le service photo et l’impression du journal va être externalisée auprès de l’imprimeur Riccobono. Outre le plan de licenciements, le projet de reprise s’articule autour de 3 axes : “Le support papier avec la volonté d’être plus agréable (ndlr : travail sur une nouvelle formule), le développement du numérique pour faire passer la sensibilité du titre sur le web, et la présence du titre dans la société (ndlr : organisation de débats et d’événements). On est passé du média de masse au média de lien”, détaille Pierre Dharréville dans son journal. Un anonyme sans expérience dans le monde de la presse : Robert Voisard (cadre retraité de l’énergie, présent sur une liste divers gauche à Semur-en-Auxois, 21, aux dernières municipales) devient quant-à lui Directeur général des Editions des Fédérés.
Malgré les économies, la viabilité du journal à long terme du journal n’est pas assurée. Aucun renouvellement de paradigme économique n’a été engagé et l’argument de maintien du pluralisme de la presse viendra un jour à s’essouffler. Le quotidien s’appuie une fois de plus sur le réseau communiste pour sortir la tête de l’eau, mais son poids et son importance se réduit avec le vieillissement des militants et les défaites électorales, coupant la manne des généreuses insertions publicitaires des collectivités gérées par le PCF.
Revendiquant 110 000 lecteurs, le nombre de ventes de La Marseillaise est impossible à vérifier à cause de la non inscription du titre à l’OJD. Le Ravi a révélé dans son édition du mois d’avril que techniquement, les rotatives ne sortent pas plus de 13 000 journaux par jour. Malgré une marque forte (ancrée dans le système cognitif de la résistance, la différence, l’alternative) et installée historiquement sur le territoire, les logiques partisanes qui l’ont toujours poussé et son manque d’inventivité pourraient conduire le journal dans une prochaine crise à moyen terme.