Il est 20h à la Cité du Livre d’Aix-en-Provence quand entrent dans un amphithéâtre comble l’auteur David Foenkinos et l’actrice Elsa Zylberstein. Le premier est venu présenté son livre « Charlotte » tandis que la seconde est venue pour lire des passages de l’ouvrage afin d’illustrer les propos de l’auteur.
Cette complémentarité entre écrivain et comédien/lecteur était très importante pour Paule Constant car cela permet d’apporter une nouvelle dimension à l’œuvre que « ne peut pas donner un critique littéraire ». La présentation commence donc après un rapide discours de Marie-Pierre Sicard-Desnuelles, adjointe à la mairie d’Aix-en-Provence et de Paule Constant qui est à l’origine de ce Festival des Écrivains du Sud.
Les premières questions sont ensuite posées par Marie Godfrin-Guidicelli à David Foenkinos, lauréat en 2014 du prix Renaudot et du prix Goncourt des lycéens pour son livre « Charlotte ». Cette œuvre à mi-chemin entre biographie et récit romanesque narre la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre juive allemande déportée en 1943 à l’âge de 26 ans.
Mais l’invitation de David Foenkinos n’a pas attendu son succès auprès de la critique puisque Paule Constant l’avait convié au festival dès octobre 2014 car il s’agit d’un écrivain qu’« elle chérit particulièrement ».
Ce festival, dont c’est la première édition cette année, s’étend sur quatre jours (du 12 au 15 mars) et présente un programme extrêmement riche avec des rencontres entre la centaine d’auteurs présents et les lecteurs, des lectures et des dédicaces. Un « prix des écrivains du Sud » y sera également remis à l’écrivain et journaliste Clara Dupond-Monod le vendredi 13 mars à 19h. Paule Constant a évidemment pour volonté que « le festival se reconduise l’année prochaine et les années suivantes » mais ambitionne même « que ce soit l’embryon d’un grand salon du livre qui soit celui d’Aix-Marseille ».
Verbatim : la présentation de “Charlotte” par David Foenkinos (Interview réalisée par Marie Godfrin-Guidicelli)
« Charlotte, c’est un livre majeur dans ma vie. C’est un livre sur lequel je travaille depuis 10 ans. Ma grande chance c’est d’avoir pu être sur la liste du prix Goncourt et d’avoir eu le Goncourt des lycées qui est pour moi une des plus grandes émotions de ma vie littéraire : des milliers de jeunes qui ont adhéré à ce livre, qui ont fait en sorte que Charlotte existe dans leurs vies. »
« Il faut savoir que pour avoir le Goncourt des lycéens, il faut être sur la première liste du Goncourt. Donc j’en profite pour remercier Paule de son soutien vraiment majeur pour le destin de ce livre, qui était pour moi un livre très important, car je sortais de livres plus légers qui avaient connu un certain succès, mais celui-ci j’étais prêt à l’affronter d’une manière beaucoup plus confidentielle à la fois par la forme et par le sujet. »
« J’ai découvert l’œuvre de Charlotte Salomon par le plus grands des hasards. C’est-à-dire je ne savais pas ce que j’allais voir, je ne savais pas qui était Charlotte Salomon. J’ai déjeuné avec une amie qui m’avait dit ”Tu devrais aller voir cette expo” et ça a été un choc majeur dans ma vie, qui ne m’a jamais quitté, un bouleversement total. J’ai été fasciné tout d’abord visuellement par l’œuvre de Charlotte Salomon et en même temps c’est une œuvre qui vous attrape émotionnellement car c’est une œuvre autobiographique. Des centaines de gouaches, qui racontent l’histoire de cette jeune femme alors qu’elle est en en exil dans le Sud de la France, à Villefranche-sur-Mer, à Saint-Jean-Cap-Ferrat, seule au monde. Elle a tout quitté : l’Allemagne nazie, sa famille, ses amis, l’amour de sa vie. »
« Elle va survivre, se plonger corps et âme dans une œuvre picturale extraordinaire. Donc on est à la fois bouleversé par sa puissance intellectuelle, son intelligence, sa sensualité, son humour alors qu’on voit tous les drames qu’elle a traversé dans sa vie et en même temps, c’est un éclat extraordinaire d’une vie sauvée par la création. Après finalement, on va comprendre que la malédiction va gagner, elle va être dénoncée puis déportée à l’âge de 26 ans alors qu’elle est enceinte. […] Les gens me disent en lisant ce livre que j’ai dû inventer des choses mais non, ce destin bref et tragique, ce que je raconte est la réalité, le fruit de mon enquête sur de nombreuses années. »
(Illustration : Paule Constant et David Foenkinos. Crédit Jules Bedo)