Ils s’inventent des racines
D’aucuns, un peu prompts à comparer… l’incomparable, ont vu dans Gomora et sa description de Naples, une réplique de la réalité marseillaise. Il faut raison garder. La série que diffuse Canal plus peut certes proposer des faux airs de Marseille, dans les séquences qui ont pour décor notamment les cités napolitaines. Mais l’apparentement s’arrête là, ne serait-ce que si l’on tient compte de la comptabilité morbide de la fiction imaginée par Roberto Saviano. Pourtant à décrypter cette saison III, il nous revient le témoignage récent d’un enseignant marseillais évoquant le quotidien de ses élèves condamnés à survivre dans les quartiers les plus paupérisés de Marseille. « Lorsqu’on leur propose des stages hors du périmètre qu’ils connaissent, ils sont inquiets » expliquait le pédagogue. Comme dans les épisodes télévisés où la caméra balaye les espaces urbains les plus dévastés de Naples, mais auxquels sont attachés les acteurs de cette fiction sanglante. Ils y inventent un langage, des codes, une famille. Peut-être même un commencement d’enracinement, eux dont les espoirs ont été fauchés dès le berceau. La littérature, relativement abondante, qui s’est plongée ces dernières années dans les quartiers nord ne dit pas autre chose. Et les seuls mots délinquance, crime, drogue sont loin de tout expliquer. Les oubliés de la République se sont inventés à Marseille un pays qui les rassure et les détruit. Et ce n’est pas une fiction.
Question d’angle
Les chercheurs parlent de sémiologie de l’image. Celle que nous a donné à voir cette semaine La Provence (signée Thierry Garro) a en effet du sens. Elle représente Jean Luc Mélenchon, sans cravate mais veste de charpentier, posant sur le marbre du Vieux-Port. On dirait un député marseillais, sauf que l’image donne à voir une étendue liquide qui file vers le grand large. Elle nous prive également, sur sa droite, d’un petit palais bien connu des Marseillais, la mairie. A lire le long entretien on comprend en effet que tel n’est pas le sujet, puisque le leader des insoumis promet pour les municipales une équipe du cru. Si l’on a écouté cette même semaine Gérard Miller, le psychanalyste et animateur du Média (Web-chaîne proche des Insoumis), une des critiques formulées par Mélenchon et ses supporters à l’encontre des médias, pointe du doigt leur propension à ne montrer qu’un aspect des choses. Question d’angle encore donc ! Miller défendait en l’occurrence le témoignage de son correspondant au Liban reprochant aux télévisions de ne montrer que des victimes de l’opposition à Assad en Syrie et s’étonnait que des hommes en armes (les opposants) n’apparaissent pas sur ces images. A jouer les journalistes nos Insoumis se prennent les pieds dans le tapis d’Orient (ou d’ailleurs) et enregistrent quelques départs de leur rédaction à commencer par le très médiatique… Noël Mamère. Bon, on l’aura compris, l’approche de Mélenchon reste manichéenne. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir devant les journalistes en qui il a confiance des moments de vérité. Europe 1 s’en faisait l’écho avec une pointe d’ironie, parce qu’il a ainsi choisi cette semaine un hebdomadaire réputé people du groupe Prisma. Il faudra s’y faire. La révolution sera bel et bien un dîner de Gala.
Muselier comme Foch
« Ma droite est enfoncée, ma gauche cède, tout va bien ; j’attaque ! » ainsi parlait le général Foch pendant la bataille de la Marne. Petit-fils d’amiral, Renaud Muselier connait ses classiques militaires et il a repris, à sa manière et à son compte, la stratégie d’un des héros de 14-18. La bataille, c’est aujourd’hui celle de la mairie de Marseille et le président de la Région Sud a bien l’intention de la mener tambour battant. Il s’appuie sur un sondage qui le place en tête des candidats possibles avec un flatteur 26%, devançant respectivement Mmes Vassal et Boyer puis Mélenchon. Muselier sait pourtant qu’il n’est pas à la barre d’un destroyer et il lui manque encore un équipage solide pour prétendre succéder à Jean-Claude Gaudin. Il a la certitude, dans cette pré-campagne, à la manière d’un Foch, que seule l’audace paiera et que les ralliements suivront. Martine Vassal depuis son vaisseau bleu choisit d’attendre. Valérie Boyer députée des 10/11 souque ferme pour critiquer l’imprudence de la manœuvre. Muselier n’en a cure. Il a trop attendu et trop longtemps. Il est en marche et va jusqu’à tendre une main amicale à Christophe Castaner. Retour de politesse puisqu’il doit en partie sa présidence régionale à l’ancien maire de Forcalquier ? Ou plutôt le constat, comme l’a fait tant d’années Gaudin, qu’il y a au centre, à Marseille, une variable d’ajustement ?
Quel sera le ressenti ?
Sans se consulter Jean-Marie Le Pen et Marion Maréchal Le Pen auront volé la vedette cette semaine à Marine Le Pen. Les choses vont ainsi dans cette famille décomposée. Le premier député, européen du Sud-Est, a choisi ce mois de mars, réputé guerrier, pour publier le premier tome de ses mémoires. La seconde est sortie de l’ombre où elle semblait se complaire, pour entamer, sous les sunlights US, ce qui a toutes les apparences d’un grand retour en politique. Et Marine Le Pen de s’ébattre du coup dans une indifférence quasi-générale. En Indochine devant des poignards tendus Le Pen aimait bien, avec ses camarades, prononcer devant les photographes le serment des Horace. Mais Corneille nous a aussi appris qu’il existait les Curiace et que leur querelle fut sanglante. Les partisans marseillais du fondateur du Front National, qui sont encore nombreux, seront sans doute déçus de lire que leur guide n’assume pas, comme il le fit si longtemps, la pratique de la torture en Algérie, l’attribuant à un service auquel il n’appartenait pas. Ils seront aussi chagrinés de découvrir que l’œil de leur chef n’a pas eu à souffrir d’une bagarre – à la manière d’un Sabiani sur la Canebière – mais d’un bête accident domestique. On ne lui en voudra pas au crépuscule de sa vie de s’inspirer, à sa manière, de Nietzsche « humain, trop humain ». Sa fille aurait aimé sans doute avoir sa part.
Ça déménage
Des rayons quasi vides où quelques clients fantômes cherchent à faire une dernière (petite) bonne affaire. Noël est passé, mais ça sent encore le sapin au Centre Bourse et aux Galeries Lafayette. Inexorablement, quoi qu’en dise, les élus chargés d’y remédier, l’hypercentre se désincarne. Sa substance commerciale s’échappe vers des périphéries proches et forcément plus attractives. Exit Lafayette Gourmet donc, comme le grand magasin qui fit les beaux jours de la rue St Fé. L’opposition dira que l’on paye des années d’imprévoyance, de laisser-aller, de manque de perspective. Sans doute en partie, mais cela n’explique pas tout. Les consommateurs ont aussi leur mot à dire, leur humeur, leur choix. Ils migrent vers le front de mer, comme ils iront sans doute vers le Vélodrome. D’autres capitales régionales ont vécu ce type de mutation. Des quartiers entiers de Paris traversent aussi ces difficultés. Il faut plus qu’une volonté pour endiguer le déclin.
Chaud et froid
Ils jurent qu’on ne les y reprendra pas. Et ils se font reprendre. En quelques années, dans notre bonne région réputée la plus ensoleillée de France (près de 3 000 heures par an en moyenne pour Marseille), les épisodes neigeux se succèdent et se ressemblent. Où l’on constate que la neige et le verglas sont des pièges glissants. Où l’on se rend compte que l’autoroute peut être un filet dont il est difficile de s’échapper. Où l’on râle parce qu’il n’y a pas un chasse-neige pour chaque kilomètre parcouru. Ce n’est pas faute pourtant d’avoir été prévenu. Le salon de l’agriculture a pratiquement disparu des étranges lucarnes au profit des flocons, des bouchons et autres reporters portant double protection, pour nous seriner, à chaque quart d’heure, qu’il est plus prudent de rester au chaud. Sans oublier les réseaux sociaux où Salvatore Adamo a recueilli les suffrages de beaucoup, exhumant « Tombe la neige » et les souvenirs douillets qui allaient avec. Les Gaulois avaient peur que le ciel leur tombe sur la tête. Leurs petits-petits-petits-petits enfant perpétuent la tradition.