Il suffirait de presque rien
Un ancien élève de Sciences Po Aix poste sur Facebook un témoignage enjoué de Rome. Des merveilles patrimoniales à chaque coin de rue. On aurait du mal à le contredire car du Colisée au Palais Farnèse, en passant par la chapelle Sixtine, la capitale italienne recèle de trésors. Certains même comme la fontaine de Trevi où il est d’usage, notamment pour les amoureux, de jeter quelques pièces porte-bonheur, rapportent gros puisqu’on y a puisé plus d’un million d’euros en 2016. Marseille n’a de commun avec sa lointaine voisine méditerranéenne que l’azur, le soleil et les étourneaux qui, à l’automne, dessinent des arabesques dans leur ciel respectif. Pourtant il y a ici aussi, accumulée strate après strate, une profusion architecturale qui vaut le détour. Manque comme à Rome une cohérence, la dispersion étant le prix à payer à une des communes les plus étendues de France. Et sans doute le ciment qu’apporte une culture partagée. On dit souvent le peuple de Marseille, surtout lorsqu’on parle de ce qui l’unit « le ballon ». Mais il y a des peuples – Arméniens, Grecs, Italiens, Corses, Maghrébins, Africains, Comoriens – et ils n’ont pas encore trouvé la langue commune qui exprimerait leurs richesses associées. C’est un chantier pour les hommes et les femmes de bonne volonté qui vont courir après nos suffrages au mois de juin.
Le centre au centre des préoccupations
Jamais les trottoirs n’ont été aussi éventrés dans le centre-ville. On ne sait si, comme à Toulouse – et selon Nougaro – c’est l’Espagne (ou la Camargue) qui pousse ainsi sa corne mais les Marseillais râlent sur les terrasses et dans les commerces. Ils ont tort. C’est par le nombril que respire une ville et à force d’avoir été trituré maladroitement celui de Marseille est dans un piteux état. Pour autant cette reconquête programmée devrait s’accompagner d’une communication puissante car les utilisateurs restent d’indécrottables citoyens inciviques. Les tranchées ici et là se remplissent au fur et à mesure des travaux de cannettes, bouteilles en plastique, et autres emballages de la restauration rapide. On ne parle pas des tickets de métro ou des mégots que les rigoles, mises en eau par les services de nettoiement ne suffisent pas à éradiquer. Enfin les conteneurs à ordure dont la manipulation n’est toujours pas maîtrisée par les employés affectés à cette tâche. Combien faudra-t-il de temps encore pour exiger que ces conteneurs soient vidés, refermés et placés correctement. Vue la brutalité avec laquelle ils font l’objet du ramassage, on imagine le rythme avec lequel il faut les remplacer. Mais comme on le dit du côté des responsables, on y travaille.
La faute à qui ?
Les deux roues paient dans la métropole le plus lourd tribut en termes d’accidents de la route. Ce devrait même être une cause départementale de mobiliser les énergies et les consciences pour tenter de réduire la liste des handicapés qui augmente chaque année. La jeunesse est malheureusement très représentée dans cette population des cabossés de la circulation. A fréquenter nos boulevards et nos rues on observe que seuls des obstacles physiques – dos d’âne ou gendarmes couchés – ont un effet dissuasif, les lignes blanches et autres couloirs réservés étant parfaitement ignorés aux heures de pointe. Autres remarques, il semble que les fameux sonomètres qui permettaient de lutter, par la sanction, contre la pollution sonore ont rendu l’âme. Les apprentis bikers s’en donnent à cœur joie en faisant ronfler leurs puissantes motos méprisant les riverains et menaçant les piétons qui auraient l’audace de vouloir emprunter un passage protégé. Avez-vous remarqué combien les bipèdes marseillais sont étonnés lorsqu’un véhicule s’arrête pour respecter ce qui est gravé dans le marbre du code de la route. L’automobiliste prend dès lors le risque de diriger un concert de klaxons et de voir un excité l’interpeller par la fameuse injonction phocéenne : « avance ». La ville a du retard dans ce domaine, là aussi.
Une charte de l’accueil
C’est un long couloir. Très lumineux en raison des matériaux choisis. Le carré d’artistes est un joli lieu où l’on farfouille pour dénicher le pastel, la sanguine ou encore la lithographie de ses envies. Cette chaîne de galeries a fait souche dans toutes les grandes capitales du monde et il est heureux qu’elle ait pignon sur rue ou plutôt sur place Estienne d’Orves. L’accueil y est discret et attentif. Du coup on se prend à rêver que d’autres commerces s’inspirent d’un tel professionnalisme. La métropole marseillaise, on ne cesse de le répéter, tant c’est une évidence, a des atouts exceptionnels. Elle rivalise désormais, comme l’ouverture réussie du village des Marques à Miramas en témoigne, avec les autres régions. Mais il est impérieux que le service soit à la hauteur des ambitions. Trop de visiteurs de passage nous font savoir qu’ils ont été surpris par l’agressivité, la légèreté voire la grossièreté, d’un serveur ici, d’une réceptionniste là, d’un vendeur là-bas. La chambre de commerce et d’industrie qui annonçait de prometteuses ambitions il y a quelques jour,s devrait inscrire sur ses tablettes la mise en place d’une charte de l’accueil.
Lange vivante
Le vocable des quartiers se rêve dans le dictionnaire. Après tout pourquoi pas certains mots utilisés dans les cours de collège, au bas des tours bétonnées, ou encore sur nos places et nos cours sont plus vivants que ceux sur lesquels on bute à l’université ou dans des cercles réservés. Victor Hugo lors d’un séjour aux confins du sud-ouest était arrivé à cette conclusion « la langue basque est une patrie ». Le marseillais, à bien des égards, en est une autre. Plus complexe sans doute mais qui révèle, lorsqu’on s’y attarde, l’association de nombreux parlers méditerranéens. Vous avez dû remarquer que souvent le « a » ou le « i » se métamorphose en fin de mots en «e » muet sous l’influence de la diction corse. Le « t » sans doute bousculé dans la fameuse « tchatche » chère aux pays d’Afrique du Nord a muté en « tch ». On allonge ici et là certaines voyelles pour faire « genre » comme le disent les ados. S’ajoutent à ces mutations phoniques un vocabulaire tous les jours bonifié et mis en musique dans le rap ou le slam. Nos nouveaux académiciens s’appellent Soprano ou Akhenaton. D’aucuns font la fine bouche. Ils ont tort à bien écouter, on entend le souffle de la vie. Marseille tu cries trop fort disait la chanson. Peut-être, mais faut-il refuser de l’entendre ?
Densité majuscule
Le gros œuvre est déjà loin et on achève les finitions. Un nouveau quartier a émergé autour du stade Vélodrome. Ce dernier a été rebaptisé Orange. A juste titre si l’on observe de près les quartiers qui composent ce nouveau périmètre. Une galerie marchande, un grand magasin, des hôtels, des appartements, une clinique, tout cela avec des audaces architecturales qui peuvent surprendre mais qui annoncent a priori une vitalité à venir singulière. Le pari qui est tenté est d’avoir associé un espace éminemment populaire, le vélodrome, à des infrastructures qui n’ont pas cette vocation puisque ce qui est érigé vise une clientèle plutôt haut de gamme. C’est un peu comme si on avait voulu associer le quartier de la Défense à Paris à celui des Halles. C’est audacieux et le temps nous dira si la coexistence de publics très différents est possible. Aux Terrasses du port la réponse est positive. Qu’en sera-t-il boulevard Michelet ?