Les fresques de la L2 ont séduit le ministère de la Culture. Jusqu’au 10 juin 2018, ses vitrines parisiennes du 182 rue Saint-Honoré affichent une série de photographies grand format, et les colonnes du Palais-Royal ont un air bien connu des Marseillais. Retour sur l’événement À l’échelle de la ville, une exposition qui vise à faire avancer la légitimité et la reconnaissance des arts urbains pour l’aménagement des territoires et la création de lien social. À Marseille et bien au-delà.
Avec ses 36 000 mètres carrés de fresques, le chantier artistique de la L2 a retenu toute l’attention du ministère de la Culture. Son ampleur exceptionnelle et ce travail collaboratif mené pendant quatre années par Planète Émergence nous permettent aujourd’hui de percevoir toute la force de l’art mural en tant que pratique artistique mais également outil à part entière de l’aménagement des territoires. Et bien plus, puisque, comme le souligne Dominique Aris, chefs de projets pour l’art dans l’espace public à la direction générale de la création artistique, « l’ambition du ministère est de porter au plus loin des territoires la culture vivante là où il n’y en a pas. Et même si nous ne sommes pas commanditaires, nous pouvons susciter l’envie dans d’autres villes. D’autant que le ministère des Finances nous l’a fait savoir : à l’instar de l’estuaire de Nantes devenu un spot touristique, le retour sur investissement est intéressant ». Alors, si la reconquête urbaine artistique a désormais l’aval du ministère des Finances et parfois le soutien financier du ministère de la Culture, les collectivités pourraient voir autrement l’art mural et le street art pour leur accorder dorénavant droit de cité.
Les autres projets aux côtés de la L2
Aux côtés des panneaux sur la L2, sont également exposées d’autres expériences d’art mural et street art menées à Mayotte, Grigny, Paris et Tours. Des projets très différents les uns des autres mais avec la volonté commune de créer du lien.
Les exemples de reconquête urbaine artistique à Mayotte, Grigny et Paris Porte de la Villette
C’est tout d’abord dans le cadre d’un festival de hip-hop à Mayotte qu’a été mené un projet, porté par Street Art Sans Frontières et réalisé par le graffeur Martin Dezer et les habitants, de mise en couleur graphique, géométrique d’escaliers et de murs de quartiers peu enclins à laisser entrer l’un chez l’autre. ET au-delà, le désir d’abolir les frontières géographiques ou sociales. Puis Jean-Marc Lacaze, Megot et Papajan ont mené également sur l’île un travail de mémoire contre le repli identitaire et pour l’ouverture aux multicultures. Woya Shi Havi (Tu viens d’où ? en mahorais) est composée de plusieurs fresques narratives dans quatre quartiers et verra, en 2018, un second volet réalisé au cœur de la Réunion, sur les hauteurs de Saint-Paul.
À Grigny, La croisée des chemins est un projet porté par La Constellation, une association à la fois compagnie de théâtre et structure de diffusion des arts de la rue. Une ville traversée de façon inimaginable par l’autoroute et qui s’est retrouvée ainsi divisée en deux, sans réelle liaison hormis une passerelle. Une ville stigmatisée par les grandes difficultés sociales qu’elle rencontre. Aire de jeux, plusieurs édicules électriques, maison de quartier et centre social… ont pris des couleurs, toujours dans des styles très différents. À noter que la compagnie marseillaise Générik Vapeur a fait partie des artistes accueillis sur Grigny.
Autre exemple de « réconciliation urbaine » symbolisée par Le Point Zéro situé sous l’autoroute A10, à la frontière entre Tours et Saint-Pierre-des-Corps pour lequel l’Agence nationale de psychanalyse urbaine (ANPU) a rassemblé des artistes et des architectes d’horizons très divers pour « apaiser les villes de leur névroses, complexes, traumatismes, qu’ils soient historiques, morphologiques ou politiques ».
Enfin , la Reconquête urbaine est carrément le nom de l’opération d’urbanisme culturel voté en 2014 par la Ville de Paris et qui a concerné quatre portes et passages du périphérique : Porte de la Villette (19e arr.), Porte de Montmartre (18e Arr.), Passage de l’Ourcq (19e arr.), Rue de la Fontaine au Roi (11e arr.). Du revêtement des murs en matériaux de récupération permettant par la même occasion d’officialiser une partie du marché clandestin comme des Puces, à l’éclairage reprenant les codes du passage piéton ou l’idée d’un ciel étoilé contemporain disparu sous un pont, la requalification artistique a également des aspects très pratiques. À quand l’inspiration positive pour la Ville de Marseille et le chemin de la Madrague-Ville ?
À l’échelle de la ville ! > exposition organisée par le ministère de la Culture en partenariat avec Planètes Émergences et avec le soutien de la Société Rocade L2 > jusqu’au 10 juin 2018 – exposition extérieure en accès libre