L’annulation du conseil municipal, prévu lundi 10 décembre, n’a pas empêché plusieurs centaines de défenseurs du droit au logement de se mobiliser sous les fenêtres de l’Hôtel de Ville.
L’image est saisissante. Elle l’est volontairement. Pour marquer les esprits. Eveiller les consciences. Pour que personne n’oublie la tragédie du 5 novembre 2018, à Marseille. Huit cercueils confectionnés dans du carton et intégralement recouverts de noir. Sur chacun d’eux claque en blanc une inscription : le nom d’une victime du drame de la rue d’Aubagne. Chérif, Ouloume, Niassé, Fabien, Marie-Emmanuelle, Taher, Julien et Simona ne sont pas seulement un souvenir. Ces Marseillais sont devenus le symbole de la lutte contre le mal-logement dans la deuxième ville de France. Malgré l’annulation du conseil municipal, en partie consacré à la problématique de l’habitat indigne, plusieurs centaines de personnes, se sont retrouvées devant l’Hôtel de Ville.
Le dialogue plutôt que l’éviction
Emmenés par le collectif du 5 Novembre, créé après l’effondrement des deux immeubles de la rue d’Aubagne, les familles des victimes, les personnes évacuées, les opposants aux projets de La Plaine, du PPP pour la rénovation des écoles, la fondation Abbé Pierre, mais aussi des habitants des quartiers Nord de la ville, solidaires, se sont mobilisés pour, une nouvelle fois, exprimer leurs revendications. « Nous ce que l’on veut c’est que Jean-Claude Gaudin réponde aux attentes des collectifs citoyens et des associations, plutôt que d’éviter le débat. Qu’il mette en place des vraies mesures pour le relogement et qu’il demande avec nous la réquisition des logements vides. Qu’il mette en place un vrai plan de lutte contre l’habitat indigne, dans le parc public et privé », détaille Kevin Vachet, membre fondateur du collectif du 5 Novembre.
« Réquisitions inconditionnelles des logements vides », « Evacuons les marchands de sommeil, pas les habitants », « Noailles meurt, Marseille en deuil »… Alors que les messages sur les banderoles s’agitent sous les fenêtres de la mairie, poussées par le mistral, dans le froid matinal, le café et les viennoiseries proposés par Emmaüs viennent réchauffer les corps, à défaut des cœurs. Car plus d’un mois après la catastrophe, ce sont toujours les mêmes sentiments de colère et d’injustice qui habitent les manifestants. « Je suis là pour protester contre un laisser-aller. Contre cette gentrification des quartiers populaires », clame Ben, qui ne tient pas en place. Antoinette, elle, « de tous les combats » s’est levée aux aurores. Au-delà de la colère, elle ressent surtout « de la honte pour la municipalité. »
Tour à tour, les membres des différents collectifs prennent la parole pour exprimer leur détresse, leur tristesse, leurs espoirs parfois et un certain « un ras-le-bol ». « Il est temps de faire progresser les choses aujourd’hui. Le problème ce n’est pas seulement Gaudin, c’est tout un système », lâche Suzelle, révoltée, alors que le slogan « Gaudin démission » s’élève devant la mairie. Les manifestants n’appellent plus seulement à la démission du maire LR de Marseille, mais à celle de ses élu(es) : Arlette Fructus, déléguée au logement, Gérard Chenoz, délégué au centre-ville et président de la Soleam, Laure-Agnès Caradec, en charge de l’urbanisme ou Sabine Bernasconi, maire des 1/7 arrondissements. C’est d’ailleurs dans sa mairie de secteur, l’un des QG de la gestion de crise, où le maire s’est rendu pour une visite éclair, que le cortège s’est dirigé dans le calme, pour tenter de l’interpeller (lire par ailleurs).
La nouvelle date du conseil annoncée mardi 11 décembre
Peine perdue. La rencontre n’aura pas lieu. C’est sur cet échec que la foule se disperse, dans le calme. L’association « Un centre-ville pour tous » remballe. Cela fait des années que la structure travaille sur les questions de l’habitat. Au travers de la mobilisation, ses membres veulent faire de « l’éducation populaire ». « Notre enjeu dans cette mobilisation, c’est d’abord de partager tout ce qu’on a fait en terme de chiffres, de rapports, pour montrer que cette problématique est connue de tous depuis très longtemps », explique Pierre-Alain Cardona. « Notre responsabilité est dans le partage de cette documentation, surtout sur un sujet aussi complexe que l’habitat. Notre objectif, c’est aussi de faire en sorte que la ville se construise avec les habitants ». Comme d’autres, l’association ressortira sa banderole « Construisons un centre-ville avec les habitants » à l’occasion de la prochaine mobilisation. Car une chose est sûre, reprend Kévin Vachet : « les Marseillais sont prêts à se mobiliser des semaines, des mois s’il le faut. Je pense que personne n’a envie de lâcher l’affaire aujourd’hui ».
Ns sommes actuellement reçus par le directeur de cabinet de @jcgaudin où je lui exprime mon désaccord profond avec l’annulation du conseil municipal. Mépris pr les familles des victimes et les sinistrés, rupture du dialogue ac les marseillais. Je demande en urgence un conseil https://t.co/Jzghhh62q8
— Samia GHALI (@SamiaGhali) 10 décembre 2018
Dans l’après-midi, Jean-Claude Gaudin a accepté de recevoir, à leur demande, une délégation de cinq élus du groupe socialiste désireux de connaître la date de la prochaine séance du conseil municipal. Le maire de Marseille annoncera cette date dès mardi 11 décembre, une fois toutes les dispositions administratives, réglementaires et de sécurité qui s’imposent étudiées.
Devant l’Hôtel de Ville, les Marseillais se mobilisent avec dignité.
Plutôt qu’annuler le Conseil municipal, ou monter des barrières, la Mairie doit entamer le dialogue. #BalanceTonTaudis #RueDAubagne pic.twitter.com/gl6xznIidj— Benoît Payan (@BenoitPayan) 10 décembre 2018
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