Dans la métropole Aix-Marseille-Provence, la promotion du territoire comme destination business est éclatée entre une multitude d’acteurs. Sans parler du tourisme… Malgré les incantations au jeu collectif, notamment une mise en garde par l’OCDE, chacun avance dans son coin. Alors de là à imaginer une marque territoriale…
« Les actions de marketing territorial, de prospection internationale et d’accompagnement des projets d’accueil sont conduites de manière dispersée, rendant peu lisibles les atouts du territoire métropolitain d’Aix-Marseille et concourant au déficit de notoriété de la métropole ». Voila ce qu’écrivait l’OCDE dans un rapport en décembre 2013(1). Un constat qui souligne toujours l’absence de marque territoriale, outil cognitif et structurel adoptée par la plupart des métropoles pour concentrer leurs efforts.
L’OCDE accuse
Des atouts peu lisibles ? Et pour cause, le rapport de l’organisation internationale identifie un nombre pléthorique de parties prenantes : « Invest in Paca », piloté par la MDER, l’agence régionale de développement et correspondant régional de l’Agence Française pour les Investissements Internationaux (AFII) ; « Provence Promotion » de l’agence de développement économique des Bouches-du-Rhône (financée par la CCIMP et le Conseil Général), la ville de Marseille avec son plan d’actions « Marseille Attractive 2012-2020 » ; Pays d’Aix développement ; ITERentreprises… Jean-Luc Chauvin, président de l’UPE13 jusqu’en 2014 (et nouveau président de la CCI MP élu en novembre 2016 depuis la publication de cet article en mars 2016) depuis avait fait le calcul : « Lorsque l’on globalise l’ensemble des budgets des diverses collectivités on arrive à la somme de 16,7 millions d’euros. Londres ne dépense que 16 millions et Lyon 10,3 millions d’euros. En ce qui nous concerne chaque collectivité va de son côté, saupoudre »(2).
Aix joue sa marque perso
Théoriquement, depuis le 1er janvier, la métropole a récupéré la compétence de développement économique et donc la mission promotion du territoire auprès des entreprises à l’international. Pourtant, la stratégie collective n’existe pas. Aix-en-Provence, en première ligne des communes réfractaires à la création de la métropole, freine dans tous les sens. La mairie d’Aix, appuyée par l’agence MMAP (Lyon), connue pour avoir piloté Only Lyon a déposé la marque Aix Unique Provence (Aix Up) à l’INPI en septembre 2015. Un coup dans le dos alors que les changements administratifs poussent théoriquement au jeu collectif. « Je travaille pour mon territoire, pas contre les autres », temporise Karima Zerkani, adjointe aixoise au marketing territorial et aux relations internationales. L’élue précise le positionnement « d’exception provençale » de sa ville et refuse « d’être diluée. Nous avons notre propre identité. Aix c’est la Provence, Marseille c’est la Méditerranée, différencie-t-elle, c’est compliqué de mélanger deux identités fortes ». L’élue annonce pour son Aix Up, un comité de marque composé de chefs d’entreprises, de directeurs d’école, d’étudiants, de fonctionnaires, d’acteurs du monde touristique. « Mobiliser les forces à l’intérieur pour rayonner à l’extérieur », formule Karima Zerkani. Tout est une question de savoir quelles sont les frontières intèrieures.
La CCI MP met les collectivités d’accord
De son côté, la CCI Marseille Provence n’a de cesse d’exhorter au jeu collectif entre Aix et Marseille. « Nous pensons que la métropole est la bonne échelle pour communiquer et attirer des entreprises à l’international », affirme Jacques Pfister, président (lors de la publication de cet article) de la chambre consulaire. C’est de cette institution qu’est venue la dernière prise de parole structurée du territoire avec la campagne « Aix-Marseille-Provence – Si vous saviez tout ce qui se passe ici » fin 2014. Un message construit avec BDDP&Fils et projeté sur les télés et radios nationales avec une conférence de presse à Paris pour un investissement d’environ 1 million d’euros. « Nous voulions continuer sur la lancée de la réussite de la capitale européenne de la culture en 2013 », explique Jacques Pfister, président de la CCI Marseille-Provence. L’événement international avait permis pour la première fois une prise parole collective grâce la création d’une association ad hoc dans laquelle toutes les collectivités et le secteur privé avait pris part. Jacques Pfister en tant que président. « L’expérience de Marseille-Provence Capitale européenne de la culture 2013 permet de décaler le regard des espaces publics non coopératifs vers des formes privées et collaboratives de mobilisation en faveur de l’adoption d’une identité marquetée commune »(3), analysait le politiste Nicolas Maisetti en 2013. Prosaïquement, ça donne : dans une organisation sans combat entre collectivités, sans chef de village politique, la création d’une identité est facilitée sur l’hôtel de l’exigence économique.
Marseille part bille en tête
« La campagne de la CCI est un exemple à suivre », confirme Didier Parakian, adjoint au maire de Marseille en charge de la relation avec les entreprises et à la prospective. Pour la municipalité, l’engagement dans le marketing territorial était une promesse de campagne, une priorité du mandat. Après avoir rassemblé les services dédié à l’attractivité du territoire sous une même direction et créer le club M ambassadeur pour répondre ”Marseille loving” au ”Marseille bashing”, l’élu porte le projet d’une association type « MP 2013 » pour construire la politique de marketing territorial de demain. « Mélanger public et privé pour présenter l’excellence du territoire ».
Dans un premier temps, MJ1 (le nom pressenti pour l’association) s’appuierait sur le J1, bâtiment portuaire désaffecté ravivé en 2013, avec un contenu semblable au Pavillon M, installation éphémère en face de la mairie qui, pendant la capitale européenne de la culture présentait une exposition permanente sur les richesses du territoire. « Un pavillon M puissance 10. Sur 10 000m², un lieu ludique qui présente nos atouts touristiques, nos secteurs économiques d’excellence », s’enthousiasme l’élu. Il évoque pelle-mêle ce lieu qui pourrait servir de guichet unique pour l’installation des entreprises, d’espace de co-working et pourquoi pas une vocation culturelle dans un second temps. Bref, la totale. Mieux encore, la structure serait celle chargée à terme de porter la marque territoriale ? « C’est notre ambition. Au lieu de travailler chacun dans notre coin, on la créera tous ensemble », dit euphorique l’élu.
Si Didier Parakian souhaite le « tous ensemble », là encore, il faudra forcer le destin. « Le département, la région, la métropole adhère ainsi que l’union patronale, la CCI MP et les grandes entreprises du territoire que ce soit la Caisse des dépôts, que ce soit Eiffage, EDF, CMA, Caisse d’Epargne, on a une trentaine d’entreprises, soutient Didier Parakian, le tout sous la présidence souhaité d’un acteur privé ». Oui mais Aix ? « On est convaincu qu’à un moment, ils arrêteront de freiner, en ce moment, c’est un peu compliqué. Mais il ne faut pas oublier les autres villes du territoire, Martigues, Salon, qu’il va falloir aussi convaincre ».
Une marque territoriale ? Pas si vite !
« Je ne vois pas comment on peut faire une même marque ensemble, les images de Marseille et d’Aix sont complètement différentes. A Aix on a pas de problème dans nos écoles, ni dans nos quartiers. Il faut peut être améliorer l’image de Marseille avant d’en faire une marque », fini par lâcher l’Aixoise Karima Zerkani tout en restant « ouverte à la discussion ». Une marque territoriale « ce n’est ni une baguette magique, ni un joujou, averti Jacques Pfister, le président de la CCI MP (lors de la publication de l’article), le marketing territorial ne sert que si on a une ambition et qu’on a conscience de là ou on est. Il ne s’agit pas de se prendre pour les plus beaux, ni d’accepter de se faire laminer par la presse parisienne tous les matins ». La nouvelle présidente du Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône Martine Vassal est dans le même état d’esprit : « déjà, avant toute chose, travaillons mieux ensemble notamment dans le domaine des transports, pour répondre aux problématiques concrète de la métropole ». Romain Thomas, le conseiller en communication de la présidente va plus loin « est ce qu’on arrivera à harmoniser nos communications ? Déjà laissons les institutions prendre leur rythme de croisière. Peut-être qu’on avancera ensemble, pour l’instant c’est trop tôt ». Aujourd’hui la coopération entre institutions se limite à des délégations commune à l’étranger entre la Ville, la CCI et le département.
Si la marque n’est pas une fin en soi, l’idée est devenue une gageure. L’élu marseillais assurait déjà en octobre 2014 « travailler actuellement sur une marque pour tout le territoire ».(4) Pour sa défense, l’exemple Lyonnais avec Only Lyon ou Toulousain avec So Toulouse n’est pas transposable à Aix-Marseille-Provence et ces deux villes aux identités fortes. Même la loi sur les métropoles reconnaît Aix-Marseille comme une exception. Comme pour la métropole parisienne, le tourisme y reste une compétence communale pour permettre à la diversité des territoires de s’exprimer.
Plus loin que la guéguerre politique, l’explication à ce blocage se trouve peut-être dans l’histoire des deux villes. Elle se sont construites dos à dos. L’une bourgeoise, l’autre industrielle. Pas évident à marier ces deux là. Quoi que… Dans le monde de la mode, le ”chic et rebelle” fait recette. Une idée comme une autre pour éviter que les 200 pages du rapport de l’OCDE se perde en route. L’exhortation à une politique d’attractivité plus lisible et moins fragmentée est aujourd’hui entrée dans le débat public. L’implication des deux villes à la centralité revendiquée reste la clé de la réussite d’une politique commune… « Il faudra faire du sur-mesure », prévoit Karima Zerkani depuis son bureau aixois.
1 : Vers une croissance plus inclusive la métropole Aix-Marseille : une perspective internationale. Rapport réalisé dans le cadre de la réunion ministérielle du Comité des politiques de développement territorial de l’OCDE.
2 : Entretien. Jean-Luc Chauvin, président de l’UPE 13 : « La métropole pour reprendre notre destin en main », Destimed.fr, 1er août 2014.
3 : « City branding et fragmentation métropolitaine : l’impossible recherche d’une marque territoriale dans le cas du territoire marseillais ». Nicolas Maisetti, Communication et Langages n°175, mars 2013
4 : Aix-Marseille peine à trouver sa marque, marséco, lundi 27 octobre 2014.