Il aimait Marseille pour son côté canaille ou rebelle. Et il concevait son métier ainsi : loin des corridors étroit de la communication, mais au plus près des chemins de la liberté d’informer. Il avait fait ses études à l’école de journalisme de Marseille à la fin des années 80, lorsqu’elle dominait la mer depuis le palais du Pharo, qui n’était pas encore une forteresse administrative.
Sur ces hauteurs, il a humé le vent du large et dès qu’il fut journaliste, il a choisi les tempêtes plutôt que la vie assise des observateurs immobiles. Hervé Ghesquière était un grand reporter (France 3, France 2, Envoyé Spécial) et il traina ses guêtres du Rwanda en ex-Yougoslavie, en passant par l’Afghanistan. Là-bas, il se fit prendre par les talibans qui l’embastillèrent plus de 500 jours pour lui apprendre que toute vérité n’était pas bonne à dire. Pourtant, avant que la maladie ne lui prenne la tête, une fois libéré, il n’eut de cesse que de porter cette nécessaire parole dans les amphis de France et de Navarre, pour que vive l’idée qu’il se faisait de son métier. Il laisse des copains et autant de confrères abattus. Ils se feront un devoir de promouvoir ce métier qu’on enseignait encore, avant que les experts des sciences cognitives s’en emparent. Ses choix n’étaient pas toujours académiques et c’est pour cela que nous le chérissions, ce garnement lumineux.
La dernière fois que j’ai serré son bras, c’était à Sciences-Po Aix, pour accompagner un sanglot qui étranglait sa voix. Hervé était un bon gars, aux viriles convictions. À 54 ans, il a rejoint le paradis des grands reporters, où il n’y pas le Dieu de ceux qui ont voulu le bâillonner. Juste une plaine infinie où il fonce au triple galop.
(Crédit photo XDR)