Lorsqu’Angelina Jolie et Brad Pitt ont eu une petite fille, ils l’ont prénommée Nouvel. Tant ils admirent ce bâtisseur qui aura 70 ans l’an prochain. Jean Nouvel nait en Dordogne a la mi-août 1945, entre les deux bombes atomiques que l’Amérique largue sur le Japon. Fils d’un prof d’histoire-géo, il désire devenir plasticien et ira étudier les beaux arts à Bordeaux.
Au club local de Sarlat, il joue troisième ligne dans l’équipe de rugby. Sa taille actuelle, (1m85), sa carrure , attestent de cette aptitude. Le crâne totalement rasé, et luisant, toujours entièrement vêtu de noir, il aime à méditer et travailler dans l’obscurité. La célébrité le gagne dans les années 80, notamment avec l’Institut du Monde Arabe, au bord de la Seine, à Paris. Il a réalisé là une façade tout en verre et métal. Dotée de mécanismes tels que l’ouverture et la luminosité varient en fonction de l’éclat du soleil. Nouvel construit encore dans la capitale le musée du quai Branly, dédié aux arts premiers. Il achève le mois prochain, entre les portes de Pantin et de la Villette, une salle philharmonique de 3400 places. Les mauvaises langues calculent que chaque fauteuil aura coûté cent mille euros !
[pullquote]Sa griffe à tanger, Barcelone, Copenhague, Sydney[/pullquote]Un peu partout dans le monde des édifices portent la griffe Jean Nouvel… A Copenhague ou à Sydney, comme à Barcelone où il a colorié la tour Agbar, une silhouette genre suppositoire. Le Louvre d’Abu Dhabi et le musée national du Qatar, c’est encore lui. Encore en chantier, à Tanger, un immense complexe portuaire. Sans doute gagne-t-il beaucoup d’argent, mais il en dépense tout autant, voire plus – assurent ses amis. A la différence d’un prestigieux confrère comme Gehry, il n’a pas même dessiné sa propre demeure.
Hédoniste avoué, il conserve de son Périgord natal un penchant assumé pour la bonne chère, avec truffe et foie gras. S’il doit louer une voiture, ce sera plutôt une Ferrari qu’une Twingo. Avec Nemausus à Nîmes, voici 30 ans, il réalise néanmoins du logement social : un double paquebot en tôle industrielle, des matériaux peu coûteux, cursives en aluminium sur voiles de béton brut. Et de vastes logements, lumineux et bien aérés. Les moins fortunés n’ont-ils pas aussi droit au confort et à la modernité ?
[pullquote]La Marseillaise brillera de trois couleurs.[/pullquote] A la tête d’ateliers où coopèrent 140 personnes, l’homme peut se montrer brutal et colérique. En soutenant que ce métier exige rigueur et autorité. Jean Nouvel a « horreur des espaces où il ne se passe rien. » Avant de signer un projet, il a besoin d’écouter, de s’imprégner de la situation, de ce qui environne la future construction. On comprend mieux pourquoi sa prochaine Marseillaise (à 100 millions les 30 étages), en front de mer, près de l’armateur CMA, brillera de trois couleurs : bleu du ciel, blanc de l’écume marine et rouge des tuiles provençales. Dans son lit, le matin, masque sur la tête et bouchons dans les oreilles, il dresse mentalement une double liste : ce qu’il ne faut pas faire, versus, ce qu’il faut faire. Par la suite seront traitées les contradictions entre les deux colonnes.
Consultez notre vidéo
Jean Nouvel et la transformation de Marseille
Bardé d’à peu près toutes les récompenses qu’un constructeur peut convoiter, (Équerre d’argent, Pritzker, le Nobel des architectes, Médaille d’or britannique, Lion d’or de Venise, etc), ce chauve affirme :« l’architecture est la pétrification d’un moment de culture.» S’accordant le privilège de n’être ni modeste, ni dogmatique, l’enfant de Sarlat se borne à tenter de « construire juste. »
D’autres informations :
> L’autre projet marseillais de Jean Nouvel sur le site Architecture Urbanisme
> Jean Nouvel, président de la Friche de la Belle de Mai (1995-2002).