Instances politiques, universitaires et scientifiques inaugurent vendredi 19 septembre 2014 les nouvelles plateformes Spatial et Polaris. Ces innovations technologiques s’inscrivent dans la fusion initiée au début des années 2000 entre le Laboratoire d’Astronomie spatiale, l’Observatoire de Marseille et le pôle optique et photonique animé par l’association Pop Sud. Installé depuis 2008 sur le site du Technopôle de Château-Gombert, le Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM), avec ses tout derniers fleurons, se replace ainsi au niveau des structures européennes les plus performantes en termes d’élaboration d’instruments spatiaux.
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Mais au fait : de quoi s’agit-il ? Afin de mieux en comprendre les ressorts, nous avons posé trois questions à l’astrophysicien Michel Marcelin, directeur de recherche au CNRS.
GoMet’.Présentez-nous Polaris et Spatial : que sont-elles et à quoi servent-elles ?
Michel Marcelin. Polaris est une plateforme optique, unique en son genre pour un laboratoire public : elle offre en effet une capacité de surfaçage asphérique de 2,5 mètres de diamètre et facilite les montages optiques complexes. Elle a pour objectif de permettre la réalisation, dans un temps raisonnable, des miroirs de télescopes d’envergure (comme l’E-ELT : télescope européen de 39 mètres de diamètre). Le miroir de ce télescope est constitué d’un assemblage d’un millier de petits miroirs et seule une machine comme Polaris permettra de les fabriquer dans un délai raisonnable. Cette plateforme existait déjà sur le site Longchamp de l’ancien Observatoire de Marseille : le LAM a finalement profité du déménagement pour la moderniser. Elle peut ainsi pleinement s’inscrire dans le projet de télescope géant European xtremly large telescope dit E-ELT, dont l’idée originelle a germé en 1998.
Spatial est quant à elle destinée à tester les satellites avant qu’ils ne quittent la terre. Pour ce faire, ces derniers seront désormais placés dans Erios, la nouvelle cuve à vide de 90 m³ : l’ambiance spatiale y est reproduite en pompant l’air et en remplissant une double parois d’azote liquide — pour le froid. Tout comme Polaris, cette plateforme été mise en place à la faveur de la fusion des deux laboratoires marseillais. Avant cette innovation, nous ne pouvions tester que les petits éléments des satellites qui pouvaient entrer dans des cuves, dont la plus volumineuse n’excédait pas 7 m³.
G.Que changent finalement ces nouvelles plateformes dans votre travail et pour le Laboratoire d’Astrophysique de Marseille (LAM) ?
M.M. Étant donné la nature de mes recherches — l’étude de la cinématique des galaxies avec des télescopes de taille moyenne — ces plateformes ne modifieront que peu mon quotidien d’astrophysicien. À l’échelle du LAM, il en va tout autrement ! Polaris et Spatial vont permettre au laboratoire de disposer des moyens techniques suffisants pour répondre à de nouveaux appels d’offres, notamment lancés par l’Observatoire européen austral (ESO), l’Agence spatiale européenne (ESA) et le Centre national d’études spatiales (CNES).
G. À plus long terme, quelles découvertes les scientifiques peuvent-ils espérer faire grâce à ces nouveaux engins ?
M.M. Le LAM participe à l’élaboration du satellite Euclid. Cet engin spatial devrait nous permettre d’en savoir davantage sur la formation de l’univers, la matière noire et l’énergie noire. À travers les images qu’il nous fournira, nous remonterons ainsi jusqu’au Big Bang afin d’étudier la naissance des premières galaxies. L’observation de la vitesse de rotation de ces dernières permettra notamment de voir si elles se comportent comme les galaxies actuelles. En effet, la vitesse de rotation est plus grande que ne le laisse supposer la matière visible ; cela révèle l’existence d’une masse supplémentaire : c’est cette fameuse matière noire dont nous tenterons de percer les mystères. Nous essaierons enfin de commencer à comprendre ce qu’est l’énergie dite noire car jusqu’alors indéfinissable. Les scientifiques ne s’y intéressent que depuis une vingtaine d’années, suite à l’observation de l’accélération de l’expansion de l’univers.
(Crédit photo : Flickr/cc/Carsten Frenzl)