À 47 ans, Isabelle Julien va vivre son rêve : participer au marathon de Boston. Qui plus est, elle sera la seule Marseillaise, voire métropolitaine, présente au départ de cette course mythique. Portrait d’une femme pour qui la course fut aussi révélatrice d’une maladie auto-immune.
Boston, ce n’est pas un marathon comme les autres et à plus d’un titre. Créé en 1897, il est le plus ancien mais c’est là également, qu’en 1967, inscrite avec seulement ses initiales, Kathrine Switzer fut la première femme à y participer, provoquant la colère des organisateurs et des participants. L’épreuve ne s’ouvrira aux femmes qu’à partir de 1972. Pour Isabelle Julien, qui va y participer pour la première fois : « C’est mythique parce qu’on ne peut pas s’inscrire comme cela. Il faut justifier un temps qualificatif dans l’année pour avoir le droit de déposer une demande de participation, puis entrer dans les quotas par séries car le nombre de dossards est très limité. En ce qui me concerne, j’ai effectué l’an passé le marathon de Rotterdam en 3h36 et mon dossier a été accepté. Je serai dans le 4e départ de la 3e vague ». Ce lundi 16 avril, près de trente mille participants, échelonnés sur quatre vagues de huit départs chacune, fouleront le célèbre bitume. Parmi eux, cent cinquante Français environ dont la Marseillaise Isabelle Julien.
Le parcours douloureux d’une incroyable autodidacte
C’est un peu par hasard qu’Isabelle a commencé à courir, il y a treize ans, lorsqu’une amie lui a offert le livre Le corps de rêve des paresseuses d’Anita Naik, elle qui ne faisait aucun sport. Un titre fort bien trouvé puisqu’elle avoue n’avoir lu qu’un seul chapitre, « celui sur la course à pied, qui proposait de courir 30 minutes en six semaines. J’ai suivi le programme pour m’amuser et, en effet, au bout de six semaines, je courais bien 30 minutes ». Depuis, Isabelle n’a cessé de courir. Partout. Et malgré les problèmes de santé insoupçonnés jusqu’alors, qui vont se révéler au fil des marathons.
Dès les premiers entraînements, elle découvre une allergie à sa propre sueur et développe de l’urticaire cholinergique. Malgré cela, elle commence à faire quelques petites courses locales et décide, pour ses 40 ans, de tenter un marathon. « Mes amis me disaient qu’il fallait faire d’abord un semi, mais j’avais l’impression que le marathon était l’épreuve qu’il me fallait. J’étais sûre que c’était mon truc. » En mai 2011, Isabelle Julien s’inscrit donc au marathon de Saint-Michel « parce que je n’y étais jamais allée. Et quand on passe la ligne d’arrivée du premier marathon, se souvient-elle, c’est très émouvant quel que soit son temps. J’ai mis d’ailleurs 4h45. Avec le stress et la fatigue, je me suis fait une petite fracture au talon, 6 km avant la ligne d’arrivée, mais j’ai fini. J’ai eu le shoot de ma vie ! » Suivront les marathons d’Athènes, de Budapest, de Berlin, là où le rêve d’Isabelle de courir un jour à Boston a bien failli s’évanouir « car je n’ai pas pu finir. Au bout de 19 kilomètres, je ne pouvais plus avancer, j’étais en larmes. » De retour à Marseille, on lui diagnostique une polyarthrite rhumatoïde, une maladie auto-immune qui touche notamment les articulations.
Le choix de surmonter la maladie
Il a fallu plusieurs temps au corps médical pour trouver le dosage d’un traitement immunosuppresseur supportable pour Isabelle qui, elle, ne lâche rien et poursuit ses courses. « Après ces épreuves, j’ai fait le marathon de Séville pour me rassurer, pour me dire que je pouvais continuer malgré la maladie. » Puis, un jour, elle découvre un documentaire sur le jeûne thérapeutique qui soulagerait ce genre de douleurs et qui se pratique en Sibérie. Partir au bout du monde, pour cette scripte de productions audiovisuelles lyriques, c’est du quasi quotidien, mais là c’est une toute autre affaire. En août 2016, après avoir trouvé une traductrice qui l’accompagnera, Isabelle s’envole pour Goriachinsk sur les rives du lac Baïkal, là où le jeûne est étudié depuis de nombreuses années, encadré et reconnu comme un élément de la politique de santé publique. « Et après sept jours de jeûne suivis de sept jours de sortie de jeûne, j’ai senti la fatigue inflammatoire disparaître. Depuis, je jeûne une fois par semaine. Je cours à jeun, je ne me trimballe plus avec une « épicerie » autour de la taille qui me détruisait », précise-t-elle.
2018 sera la belle année américaine pour cette marathonienne amateur. Boston lundi puis New-York le 4 novembre. D’ici là, vous pouvez la soutenir en la suivant grâce l’application 2018 Boston Marathon, numéro de dossard 19456.