L’actualité du transport ferroviaire dans la région est intense. Du chantier de la Ligne Nouvelle Provence Côte d’Azur, au projet de Services express régionaux métropolitains (SERM) en passant par l’arrivée des opérateurs étrangers sur les grandes lignes ou encore la modernisation de la ligne Marseille-Briançon dans la perspective des JO 2030, le train est loin d’avoir dit son dernier mot. L’ouverture à la concurrence des TER, lancé il y a plusieurs années par la majorité au Conseil régional présidé par Renaud Muselier (Renaissance), est désormais concrétisée avec la mise en service pour le public, le 29 juin, de la ligne opérée par Transdev entre Marseille et Nice. Jean-Marc Coppola (PCF), ancien cheminot et élu régional, aujourd’hui adjoint à la Culture à la Ville de Marseille, a vivement réagi à cette ouverture à la concurrence. Il présente dans cette tribune (*), adressée le 6 juillet à la rédaction de Gomet’, ses arguments.
Depuis quelques jours, la Région Sud Provence Alpes Côte d’Azur se distingue tristement comme la première à ouvrir la concurrence des TER. Pour le Président de la Région, l’ouverture à la concurrence permettrait une meilleure régularité, une baisse des prix, une amélioration de la qualité de service… Pas besoin d’être grand clerc pour deviner un échec à plus ou moins long terme.
En effet comment avoir une meilleure régularité avec un nouvel opérateur (Transdev), quand les causes sont essentiellement l’infrastructure et le matériel ferroviaires ? Concernant la baisse des prix, le leurre est vérifiable avec d’autres ouvertures à la concurrence comme dans la téléphonie, l’énergie… Concernant l’amélioration des services, comment croire en cet objectif quand les opérateurs privés réduisent les coûts pour engraisser les actionnaires ?
Une privatisation rampante soutenue tout de même par l’argent public de la Région et de l’Etat, donc des contribuables
L’objectif est d’en finir avec le monopole de la SNCF, en tant qu’entité publique, de détruire le service public ferroviaire pour répondre aux objectifs de baisse de la dépense publique, et la phase d’ouverture à la concurrence n’est que provisoire pour in fine, créer un monopole privé.
Or la particularité française des transports ferroviaires, est que l’histoire bégaie. La SNCF est née en 1937 de la faillite des Compagnies privées. Pourquoi au 21ème siècle la donne serait différente, alors que l’économie est plus financiarisée ?
Les exemples sont légion montrant l’échec des privatisations ferroviaires, comme en Grande-Bretagne où le service rendu s’est dégradé et les tarifs ont augmenté de 175% entre 1987 et 2008, en Allemagne qui a fait marche arrière.
La libéralisation du fret ferroviaire en France est aussi un exemple éclairant. Présentée comme la solution au développement du transport ferroviaire de marchandise en 2003, les résultats ont montré l’absurdité d’une telle idéologie. De 50 millions de tonnes par kilomètre (MT/Km) assurés par la SNCF en 2003, l’ensemble des transporteurs privés et publics ne transportent aujourd’hui qu’environ 30 MT/Km.
Pourtant la période de canicule devrait faire réfléchir aux actions à entreprendre pour lutter contre le réchauffement climatique. Le transport ferroviaire n’assure actuellement qu’une faible proportion des déplacements pour lesquels il pourrait être pertinent, efficace et utile socialement et écologiquement. Imaginer à quelles conditions le train pourrait occuper une place conforme à ces ambitions dans une société soucieuse du développement durable, telle est la question posée à tous les citoyens, usagers et acteurs impliqués dans son fonctionnement.
Et si la solution résidait non pas dans la concurrence mais dans la complémentarité des modes de transport ?
Il suffirait pour cela que :
- L’Etat définisse et mette en œuvre une véritable politique de transport et assume le rôle d’aménageur du territoire en finançant les infrastructures
- La Région contracte avec la SNCF une convention qui prenne en compte les questions de multimodalité, de complémentarité, de respect de l’environnement, des questions de sécurité et de sûreté, d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite, de démocratie participative et de transparence
- L’Etat (propriétaire de la SNCF) mette tout en œuvre pour lui donner les moyens humains, matériels et financiers de répondre aux défis sociaux et environnementaux. Les moyens financiers existent, comme les 1,7 milliard d’euros d’intérêts financiers versés chaque année aux banques au titre de la dette qu’a la SNCF.
Jean-Marc Coppola
Ancien cheminot
Adjoint à la Culture pour toutes et tous,
la création et le patrimoine culturel
de la Ville de Marseille
(*) Gomet’, attaché à la vitalité du débat local, publie régulièrement des tribunes et points de vue de contributeurs extérieurs.