Pour définir le projet d’entreprise de 13 Habitat, vous avez décidé de vous faire accompagner par des cabinets externes afin de réaliser un audit financier et organisationnel, pourquoi cette décision ?
Lionel Royer-Perreaut : Je pense que nous n’avons pas en interne le regard suffisamment critique ni peut-être les compétences pour réaliser ces audits. Et quand je regarde ce qui se fait ailleurs, notamment dans les plus gros offices – nous sommes le plus important de la région Paca avec 35000 logements – je vois que les confrères font la même chose. Il y a des cabinets qui sont spécialisés dans ce domaine et qui ont suffisamment de matière pour nous aider à nous positionner. Sur le Plan stratégique du patrimoine, il y a un véritable enjeu d’une part sur la réhabilitation du bâti et la capacité de produire du logement social. Il faut qu’on repose les principes fondateurs de ce que doit être notre ambition en terme de production de logements sociaux. Il y a en fait nécessité d’avoir une réflexion. Il va nous appartenir de fixer les curseurs du niveau en terme de rénovation, de production et le curseur au niveau d’ambition de gestion au quotidien : quelles sont les patrimoines que nous souhaitons garder ou pas. Il y a un modèle financier et économique derrière tout ça.
Concernant l’audit financier, quelles en sont ses principales conclusions ?
[pullquote]Maintenant il faut stabiliser et pérenniser un modèle économique[/pullquote] L. R-P. L’office sur un plan comptable laisse apparaître un mode de gestion plutôt sain mais avec une capacité à puiser un peu trop facilement dans les fonds propres. Au niveau de l’endettement on est dans des ratios acceptables. Mais quand on veut équilibrer les comptes, on a pris l’habitude de faire entrer des recettes exceptionnelles. Par exemple l’année dernière on a une rentrée exceptionnelle parce que l’on vend un bien dans les Hautes-Alpes. Alors facialement quand vous regardez, c’est équilibré. On peut considérer que la gestion est saine. Mais on sent bien qu’on a joué de beaucoup de paramètres « chanceux », si je puis dire, pour équilibrer les comptes. Maintenant il faut stabiliser et pérenniser un modèle économique d’autant plus que par le passé département se trouvait être un généreux donateur. 15 à 16 millions d’euros par an, c’est un âge d’or qui est révolu. Cette somme nous permettait de produire 700 à 900 logements par an. Aujourd’hui au regard des contraintes budgétaires qui pèsent sur le département et toutes les collectivités et que la compétence logements est transférée à la métropole il y un véritable enjeu de re-positionnement du département.
[pullquote]Guérini, en fonction de si ce maire avait été sympathique ou pas sympathique, il donnait ou pas…[/pullquote] Dans le cadre du plan stratégique du patrimoine, on est dans un temps qui tombe bien. Moi j’ai besoin de définir mes orientations sur 5 à 10 ans et le département a lui aussi besoin de redéfinir ses objectifs. Donc ce que je dis à Martine Vassal, c’est qu’il faut que nous partions sur des engagements triennaux pour que nous puissions au moins avoir une visibilité au moins sur trois ans qui nous permettent de maintenir notre capacité d’engagement. Guérini lui faisait en fonction de l’humeur du jour. Tel maire voulait construire des logements sociaux sur sa commune. en fonction de si ce maire avait été sympathique ou pas sympathique, il donnait ou pas… Donc il faisait inscrire au budget primitif cinq millions d’euros, et après il distribuait ensuite au fur et à mesure. Et on arrivait en fin d’année à 17 millions d’euros. Je trouve que ce n’est pas une pratique saine. On va voir où on va passer le curseur. Nous sommes en pleine négociation avec Martine Vassal. La fourchette se situe entre 10 et 14 millions d’euros.
Quel est l’état du bâti aujourd’hui ?
L. R-P. Concernant l’audit sur le plan stratégique du patrimoine, il montre que 55% du patrimoine a été correctement entretenu et que nous avons une défaillance sur 45% du patrimoine, 45% de 35 000 logements sociaux. Je vous laisse deviner ce que ça signifie. Si nous voulons remettre en l’état les 45% de logements concernés, cela suppose un effort d’investissement de 600 millions d’euros… ce qui est énorme. Ca signifie une capacité d’investissement de 60 millions d’euros par an. La où on me dit que nous avons bien géré, bien accompagné le mouvement, je dis que l’on aurait pu mieux faire et anticiper.
Grosso modo, il y a 40 millions d’euros qui auraient dû être engagés et qui ne l’ont pas été sur les six dernières années.
Il y a trois trois catégories de bâti. Le HBM (habitation bon marché) date du Front populaire (petit, mal isolé, pas de salle de bain, …) a été plutôt bien rénové. Ça été fait dans les 15 dernières années. Le bâti fin années 60-70 et années pour accueillir les rapatriés d’Algérie et loger le baby boom. On est dans des résidences à taille inhumaine comme à Campagne Lévèque dans le 15ème arrondissement de Marseille. Ce sont 800 logements construits sur 10 ou 12 étages. On entasse et on fait dans le vertical. Les appartements y sont très mal isolés aussi. Ce bâti a été très franchement négligé et c’est aujourd’hui sur ce bâti là que l’on va devoir porté notre attention. A côté on un bâti construit dans les années 90 et 2000 2010, avec des tailles plus humaines et avec une meilleure conception. Il n’y a pas d’intervention majeure. Il faut juste gérer le quotidien.
Comment allez-vous gérer cet habitat des années 70-80 ?
L. R-P. Une partie est concernée par les projets de rénovation urbaine, une autre ne l’est pas. Donc il y a ce que nous allons faire au titre de la rénovation dans le cadre de nos obligations de bailleur et il y a ce que nous devons faire pour les résidences qui ne sont pas dans ce périmètre. Exemple, à Mazargues les HLM de l’obélisque de Mazargues. Il ont été construits dans les années 50. Depuis il n’y a jamais eu de travaux.
[pullquote]Les gens qui habitent le logement social ils n’ont pas être les victimes collatérales de bisbilles politiques[/pullquote] L’un de mes axes, c’est d’être équitable. C’est à dire que la mobilisation de 13 Habitat doit se faire de manière équitable sur le territoire et non pas en fonction de la couleur politique du maire. Parce que ce qui c’est passé avant, c’est très net, on faisait chez les amis et pas chez les adversaires. Or les gens qui habitent le logement social ils n’ont pas être les victimes collatérales de bisbilles politiques ou de choix électoraux. Il faut être beaucoup plus juste. C’est la volonté de Martine Vassal et c’est la mienne. Quand je vois que quand c’est une ville de gauche les locaux de bas d’immeubles c’est gratuit et quand c’est une ville de droite c’est payant, ce n’est pas possible. J’ai missionné une administratrice qui fait un état des lieux qui va nous permettre d’établir une délibération cadre pour fixer des règles partout les mêmes. C’est un des leitmotiv : la justice. Je veux être juste pour le personnel, je veux être juste pour les locataires je veux être juste pour la maison. Donc ça présuppose de changer un peu de paradigme et de rappeler à certains comment l’on doit fonctionner.
En termes d’organisation interne, quels sont les changements ?
L. R-P. L’audit organisationnel montre la nécessité d’avoir une meilleure organisation dans la maison et la nécessité de nous renforcer sur trois pôles : le pôle RH, le pôle « audit interne et contrôle de gestion » et le pôle « commande publique. » C’est la raison pour laquelle sur la commande publique j’ai lancé une demande d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour nous aider a construire un politique des achats et de la commande publique. Aujourd’hui il y un service des marchés, relativement décentralisé. Si le ressenti du besoin doit effectivement remonter du terrain, la construction du marché doit s’effectuer par une direction dédiée. Il nous faut aussi des acheteurs qui soient en capacité de mieux négocier les prix pour optimiser notre dépense. Dans une entreprise de 950 personnes décentralisées il faut muscler l’audit qui ne doit pas être que comptable mais aller aussi sur le terrain pour pointer d’éventuels dysfonctionnement.
Quand on me signale que l’on paie le changement de cinq portes et que l’’on en livre que quatre, je veux savoir ou est passé la cinquième.
Il nous nous faut un service qui soit en capacité de répondre. Concernant les ressources humaines, il faut très clairement mieux accompagné le personnel dans un plan de carrière et dans la formation permanente. Exemple le métier de gardien ça s’append, il faut s’adapter à la professionnalisation du métier. Or souvent ce poste à servi de variable d’ajustement en fonction des engagements électoraux. Par ailleurs, nous contracter le nombre d’agences. Un agence gère en moyenne chez un bailleur 4000 logements. Chez nous, c’est 1800 logements. C’est également un vrai chantier que nous allons mettre en place.
Demain le troisième et dernier volet de notre entretien avec Lionel Royer-Perreaut.
Lisez ici le premier volet.
[L’entretien] Lionel Royer-Perreaut veut tourner la page du clientélisme à 13 Habitat (1/3)