La légende veut que l’expression, « C’est Marseille bébé », soit née de l’imaginaire fécond de Jul, en 2018. Cette figure du rap a fait, on s’en souvient, grimacer partie de la droite et de l’ultra droite marseillaises, en 2024, parce qu’à l’arrivée du Bélem il a été un des relayeurs de la flamme olympique.
Dans le même temps se pâmait dans un bonheur rigolard une immense majorité de Marseillais revendiquant leur admiration pour le rappeur. Les grincheux n’aimaient pas sans doute cette façon de dire au monde que cette ville si particulière assumait ses bons… comme ses mauvais côtés.
Un clip tourné par Jul et sa « bande organisée du collectif 13 » ont installé définitivement les quatre mots fétiches dans l’inconscient collectif lorsque Kofs, un des acteurs, lance avec provocation autant que fierté : « C’est pas la capitale, c’est Marseille bébé » en montrant Notre-Dame-de-la-Garde. C’était presque prémonitoire.

Pour ceux en tout cas qui ont regardé sur BFM TV Marseille le spectacle « sons et lumières » qui a célébré la fin des travaux de la basilique et sa célébrissime bonne-mère habillée d’or et ce soir-là de lasers. Au pied du monument trois leaders politiques jouaient les rois (et reine) mages en anticipant pouvait-on espérer sur la trêve des confiseurs.
Certes la Canebière et son marché de Noël sentent bon la cannelle, les churros et autres chichis fruitis, mais s’échappent aussi des senteurs de marrons comme en cette belle soirée d’avant Noël. Extraits de la foule qui avait gravi la colline pentue depuis l’abbaye de Saint-Victor,
Benoît Payan, Renaud Muselier et Martine Vassal avaient à charge de commenter ce beau moment où tous ceux qui vénèrent Marie ou Myriam se pressaient au pied de la sainte vierge et son enfant Jésus. Un unanimisme éphémère qui passait par l’épreuve du micro tendu.
Le maire de Marseille jouant les bons samaritains rassembleurs y est allé de ses trémolos. « Il y a quelque chose qui nous rassemble, c’est très beau, il n’y a pas de politique, il n’y a pas de différence. On a tellement besoin de ça, de se retrouver autour du beau, de la bienveillance et de la gentillesse.» Le président de la Région a confessé le même enthousiasme en précisant cependant que, toute laïque qu’elle soit, son institution n’en finirait pas d’apporter son soutien à l’église, de Notre Dame de La Garde au massif de la Sainte-Baume en passant par quelques autres lieux de culte en péril. Ainsi sera-t-il.
Dans cette génuflexion de bon aloi la présidente de la Métropole et du Conseil départemental confiait son bonheur d’avoir surtout vu à Saint Victor « le sacré cœur » porté par les croyants « loin des polémiques récentes » s’empressait-elle d’ajouter. Charité bien ordonnée n’implique pas que l’on épargne son adversaire aux municipales. Benoît Payan en l’occurrence qui a intempestivement censuré le film Sacré Cœur avant d’opérer un vade rétro spectaculaire. Comme le dirait Jul, le pape du rap marseillais, « c’est Marseille bébé ».
Malgré ces moments de grâce et de disgrâce, les voies des pêcheurs restent impénétrables. Un maire LR de secteur, Sylvain Souvestre (11/12), a cru bon quant à lui de faire entendre sur les réseaux un cantique rageur. Il y a fustigé le spectacle affligeant proposé par la municipalité aux ouailles de Monseigneur Aveline. Hélas pour lui c’est le seul diocèse qui était responsable de ce qu’il condamnait à l’enfer du web (Il a retiré rapidement sa fake news). Honni soit qui mal y pense ainsi.
Puisque Noël approche prions donc pour que nos hommes et nos femmes politiques nous fassent cadeau, dans les jours à venir, de quelques paroles apaisées. Un peu comme Sébastien Delogu député LFI, nommé meilleur espoir de l’humour en politique par le Press Club de France, avec une phrase dont il a le secret : « Il faut construire plus de logements sociaux pour loger ceux qui sont expulsés de leurs logements sociaux. » Payan, s’il n’est pas balayé au « karcher » par ce député iconoclaste et se réconcilie au second tour avec les Insoumis et Barles, comme le soupçonne son opposition, sait qu’il devra répondre à ce genre de problématique. Pas simple.
Ce moment de franche rigolade passé et magie de Noël oblige peut-on imaginer que nos élus réhaussent le niveau général et arrêtent de se hausser du col ?
Ils pourraient ainsi rassurer le bon peuple phocéen et se féliciter que la note financière de la ville délivrée par l’agence de notation Fitch Ratings (2024) soit passée de A+ à AA-. En commentaire Fitch Ratings avait développé cette argumentation : « Le rehaussement des notes reflète une révision du facteur de notation « Robustesse de la dette et de la liquidité » de « moyen » à « fort » en raison d’une amélioration du ratio de couverture réelle du service de la dette. Le rehaussement des notes reflète aussi une capacité de désendettement de la ville proche de 8 fois en 2027 dans notre scénario de notation. »
Mais la droite marseillaise ne consentira à s’en réjouir que lorsqu’elle aura pu prendre connaissance des observations de la Cour régionale des comptes qui a mis son nez dans la gestion de la ville. Elle subodore qu’elles seront sévères pour le Printemps marseillais. Elle s’est attiré illico la réplique de la garde rapprochée de Benoît Payan qui rappelle que, neutralité oblige des magistrats, ce document ne sera pas visible avant les municipales. Ainsi en sursis elle évoque en riposte le récent rapport de la même cour sur la gestion du Conseil départemental très critique sur l’endettement creusé par Mme Vassal. Balle au centre comme on dit au vélodrome.
Dans les amabilités du moment les troupes de Martine Vassal ont chargé la hotte. On n’en finit pas de répéter en boucle le mot de « féminicide » pour évoquer l’étrange désistement de Michelle Rubirola au tout début du mandat du Printemps marseillais. On s’interroge aussi, légitimement, sur le maintien à son poste d’adjoint de l’écolo Sébastien Barles, parti avec armes et bagages rejoindre les Insoumis. Il est vrai que ce dernier après avait déserté son camp a suggéré un regroupement probable des troupes de gauche au second tour, malgré l’appel à la « tabula rasa » de Bompard et Delogu. On pointe enfin du doigt le bilan sécuritaire municipal alors que le président Emmanuel Macron s’apprête à disserter à Marseille une énième fois sur ce sujet éminemment régalien. On attend du locataire de l’Elysée autre chose que des phrases au moment où une magistrate du parquet, une ancienne ministre et un journaliste sont placés sous protection policière dans le cadre de la lutte contre le narcotrafic. A l’instar de l’héroïque Amine Kessaci qui mériterait d’être enfin écouté, soutenu et tout simplement rejoint dans son combat citoyen.
Certes Noël fait illusion et brille déjà de tous ses feux dans la ville mais les sapins rappelons-le sont des épineux, même si les spécialistes nous précisent que ce conifère à des aiguilles plates et douces. La politique va ainsi à Marseille en ce mois de décembre, insidieuse et violente. Quelques furieux ricanent même en murmurant qu’à la mairie « ça sent déjà le sapin ». Les Marseillais dans leur grande majorité attendent pourtant autre chose que ces pères fouettards.
Selon une légende belge le père fouettard était un boucher qui aurait été puni pour ses actes par Saint Nicolas. Mais d’aucuns disent que ce dernier serait en prison. Pas du tout, apprend-on dans La Provence, il serait venu signer son dernier livre (« Le journal d’un prisonnier » par Nicolas Sarkozy chez Fayard) à la librairie Arcadia de Saint Barnabé. Enfin une raison de ne pas désespérer. Comme on ne le dit pas au PSG : « Marseille est magique !».













