En pleine valse des privatisations des aéroports français, Marseille Provence résiste et fait même mieux en exportant son savoir-faire dans le Nord de l’hexagone. Vendredi 12 juillet, en fin de journée, le syndicat mixte des aéroports de Lille et Merville (Smalim) a officiellement annoncé qu’elle confiait la concession de son aéroport à la société composée pour l’occasion de l’aéroport Marseille-Provence et de Eiffage, actionnaire majoritaire de la structure. Ils ont remporté l’appel d’offres lancé l’an dernier qui leur confère la gestion de la plateforme en délégation de service public pour vingt ans à partir du 1er janvier 2020.
La CCI Hauts-France battue sur son propre terrain
Avec ce contrat, les deux associés se chargeront de l’ensemble des missions d’investissement, d’entretien-maintenance et d’exploitation de l’aéroport de Lille-Lesquin. « A la différence des autres concurrents, nous considérons qu’un aéroport sert l’ensemble d’un territoire donc il faut répondre aux enjeux globaux de ce dernier », explique Philippe Bernand, le président du directoire de l’aéroport Marseille Provence. Avec Eiffage, il propose un plan ambitieux de rénovation et d’agrandissement de la plateforme lilloise allant même jusqu’à inclure une amélioration de la desserte terrestre de transports. Au total, le projet va nécessiter un investissement aux alentours de 140 millions d’euros sur 20 ans « mais la majeure partie de cette somme sera dépensée sur les cinq premières années », précise Philippe Bernand. L’aérogare actuelle sera considérablement agrandie avec la séparation des entrées et des arrivées passagers, aujourd’hui sur le même étage, pour anticiper la croissance du trafic. En dix ans, l’aéroport de Lille est passé de un à deux millions de passagers et les prévisions tablent sur quatre millions de passagers d’ici 20 ans. Avec ce projet d’envergure, l’aéroport Marseille Provence a l’occasion de démontrer son savoir-faire sur un nouveau territoire.
« Cela prouve la qualité du travail de nos équipes et leur capacité à exporter leurs compétences », se félicite Jean-Luc Chauvin, le président de la chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence (CCIMP), actionnaire à 25 % de l’aéroport Marseille Provence. Et le bonheur des uns fait le malheur des autres car c’est au nez et à la barbe de la CCI des Hauts-de-France, gestionnaire depuis 1969 de l’aéroport de Lille-Lesquin que le groupement sudiste a réussi son coup. Dans le quotidien La Voix du Nord, Philippe Hourdain, le président de la CCI des Hauts-de-France avoue sa déception : « C’est une mauvaise nouvelle mais on va rebondir », confie-t-il au journal. Il s’était associé au groupe Egis qui contrôle déjà 17 aéroports dans le monde pour conserver la gestion de l’aéroport.
Un troisième candidat avait également tenté de remporter la concession de l’aéroport de la capitale des Flandres : le groupe Vinci avec l’opérateur aéroportuaire allemand Fraport. Alors que Vinci gère déjà une douzaine d’aéroports français (Toulon, Lyon, Nantes…), Eiffage signe ici sa première concession dans le monde aéroportuaire. Cette victoire conforte ainsi sa politique de diversification. En mai dernier, le groupe de BTP a annoncé être entré en négociations exclusives avec le groupe chinois Casil pour l’acquisition de 49,9 % du capital de l’aéroport Toulouse-Blagnac. Son association avec l’aéroport Marseille-Provence pour cette incursion nordiste pourrait bien être un symbole de ses ambitions en vue de la privatisation de la plateforme de Marignane. « Comme pour les autres aéroports, il faut une loi et pour l’instant, nous n’avons pas été prévenus d’un quelconque projet du gouvernement », tempère cependant Philippe Bernand. Alors le dirigeant ne compte pas s’arrêter à Lille et confirme les ambitions de l’aéroport marseillais pour prendre la gestion d’autres plateformes en France ou à l’étranger.
Les ambitions africaines de Marseille Provence
Historiquement, Marseille Provence a été le premier aéroport régional à récupérer la concession d’autres aérogares à l’international. Il a longtemps géré les plateformes d’Abidjan (Côte d’ Ivoire), Libreville (Gabon) et du Congo-Brazzaville. En 2014, il a laissé ces contrats à la CCIMP qui les a finalement cédé il y a deux ans à des fonds d’investissements. Mais il repart maintenant à la conquête d’autres aérogares renforcé par sa dernière victoire lilloise. « On est à l’affût d’opportunités en France, en Europe et un peu partout dans le monde à part peut-être en Amérique du Nord. Il y a plusieurs projets en cours mais il est un peu tôt pour en parler », explique Philippe Bernand. Idéalement situé sur la façade méditerranéenne, Marseille Provence nourrit naturellement des ambitions particulières en Afrique. L’aéroport a lancé des études avec le fonds d’investissements Meridiam pour réaliser le nouvel aéroport de Ougadougou au Burkina Faso. Il vend également ses services comme conseil à l’aérogare du Cameroun : « L’Afrique est en plein boom et ne pourra pas créer un réseau autoroutier comme en Europe. L’avion est donc promis à un développement très fort dans les années qui viennent », analyse Philippe Bernand. Ses ambitions ne semblent pas avoir de limites « à part peut-être financière mais il existe des solutions comme un partenariat avec des fonds d’investissements », ajoute le président. En attendant cette expansion internationale, il poursuit sa politique d’investissement massifs sur les terminaux marseillais.
L’aéroport Marseille Provence multiplie les chantiers pour suivre sa croissance. Au total, il a programmé 500 millions d’euros de dépenses jusqu’en 2025. Dernière annonce en date, la réalisation d’un nouveau siège administratif entre les terminaux 1 et 2. Sa construction a été confiée au groupement composé par Spie Batignolles Sud-Est, l’agence MAP Architecture, les sociétés d’ingénierie PSA Aménagement, Betem et Venathec. Ce nouveau bâtiment de quatre étages réunira les 350 collaborateurs de la plateforme aéroportuaire. Le montant de l’investissement annoncé est de 13 millions d’euros. Le chantier doit démarrer au début de l’année prochaine pour une livraison au printemps 2021.
La première pierre du « coeur d’aéroport » en mai 2020
Le nouveau siège devra rivaliser avec le projet phare, « Coeur d’aéroport », imaginé par Norman Foster sur le terminal 1. Le bâtiment de 20 000 mètres carrés reliera les halls historiques A et B du terminal 1 et optimisera les opérations et renouvellera l’expérience passagers en centralisant de nombreuses fonctions opérationnelles telles que les contrôles de sûreté avec des équipements de nouvelle génération. Davantage de commerces et de restaurants seront proposés grâce à la création d’un nouvel espace en zone côté piste. La pose de la première pierre est attendue pour l’année prochaine pour une inauguration prévue en 2023. Ce projet doit porter la capacité d’accueil du terminal 1 de 8 à 12 millions de passagers annuels. En 2027, ce sera la nouvelle jetée d’embarquement qui sera inaugurée à son tour, complétant ainsi la mue de l’aéroport. Le Terminal 2 connaît quant à lui un véritable lifting à 12 millions d’euros. Les travaux sont en cours et la livraison interviendra en fin d’année, avec la création de deux postes avions et salles d’embarquement, l’élargissement du circuit d’embarquement, et l’extension des six salles d’embarquement existantes et de la zone livraison bagages. Ce sont ainsi plus de 2 200 mètres carrés supplémentaires d’agrandissements du terminal permettant, à l’issue des travaux, d’accueillir jusqu’à 3 à 4 millions de passagers par an.
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