« Il faut en finir avec l’image d’Épinal du pharmacien d’officine. Le métier a changé. Il ne s’agit plus uniquement de distribuer des médicaments », insiste Françoise Dignat-George, la doyenne de la faculté de pharmacie d’Aix-Marseille Université. Le rôle du pharmacien est effectivement en pleine évolution. La loi de financement de la sécurité sociale publiée en décembre 2018 élargit considérablement les prérogatives de ce professionnel de santé. Ce sujet est au cœur du congrès francophone de la pharmacie hospitalière qui a ouvert ses portes mardi 14 mai au Parc Chanot à Marseille.
Le pharmacien se rapproche des médecins et des patients
Avec le rôle de « pharmacien correspondant », le gouvernement expérimente une nouvelle forme d’accompagnement des patients intégrant une collaboration très étroite entre le pharmacien et le médecin traitant. Par exemple, le pharmacien pourra désormais renouveler un traitement ou modifier la posologie en direct avec le patient. Il pourra également réaliser les vaccins et conseiller sur les dépistage de maladies, les allergies ou encore le tabagisme.
Pour Françoise Dignat-George, il ne fait aucun doute que « l’exercice coordonné avec le médecin sera la règle dans trois ans ». En plus de ce nouveau statut, la multiplication des maisons de santé va accroître le rôle des pharmaciens dans l’accompagnement des patients au quotidien. Ils vont intégrer les communautés professionnelles territoriales de santé pour devenir l’un des premiers interlocuteurs des habitants. « On passe de l’approche technique du médicament à un accompagnement personnalisé du patient », résume Stéphane Honoré, président de la société française de pharmacie clinique et professeur à Aix-Marseille Université. Il milite lui-même pour la montée en puissance du rôle de pharmacien clinicien, une discipline née au Canada et en développement en France. Dans les établissements hospitaliers, ils participent aux visites au lit du patient et sont parties prenantes avec les médecins de la prescription des traitements et de leur élaboration en tant que biologiste. « Partout, les pharmaciens voient leur fonction prendre de l’ampleur. On doit accompagner les étudiants dans cette évolution et à Marseille, on a anticipé en proposant depuis longtemps une formation très multidisciplinaire », explique Françoise Dignat-George.
La faculté de pharmacie de Marseille anticipe les mutations
Marseille est la troisième plus grande faculté de pharmacie de France. Elle accueille 2 550 étudiants et seulement un tiers sont destinés à travailler en officine. Les débouchés proposés sont beaucoup plus larges que la simple pharmacie de ville. Plus de 40 % des étudiants vont jusqu’au doctorat, soit neuf ans d’études, pour se diriger vers une des trois spécialités proposées : biologie médicale, hospitalier ou recherche.
L’industrie pharmaceutique recrute également de plus en plus d’étudiants d’Aix-Marseille Université. « Les biotechnologies créent beaucoup d’emplois. Le syndicat des entreprises du médicament demandent notamment plus de formation dans les thérapies innovantes », avance Françoise Dignat-George. La faculté de pharmacie est à la pointe de ces sujets, notamment avec son laboratoire de thérapie cellulaire de La Conception. Avec 30 lots de médicaments par an, c’est le laboratoire qui fabrique le plus de produit de thérapies innovantes de France. Ils servent notamment à la cicatrisation de plaies de diabétiques, de grands brûlés ou de fistules. Cette réputation rejaillit sur la formation de la faculté de pharmacie de Marseille dont la qualité est reconnue internationalement.
Aujourd’hui, 20% des diplômés sont recrutés à l’étranger par des grands groupes pharmaceutiques mais aussi par les grands noms du numérique. Les Gafa investissent massivement dans la santé et recherchent des spécialistes de la biologie et du médicament pour mener leurs travaux. « Nous avons un étudiant qui a été embauché par IBM pour travailler sur leur projet en e-santé », cite en exemple Françoise Dignat-George. Le digital est devenu un sujet transversal à la formation de la faculté de pharmacie. « Nos étudiants travaillent sur les dispositifs médicaux connectés. Ceux qui ont le plus d’appétence pour ces sujets travaillent directement sur des algorithmes pour traiter les données médicales, biologiques et cliniques », raconte la doyenne.
L’université intègre les dernières innovations technologiques dans ses cursus avec notamment une pharmacie virtuelle, « Pharmafac », qui permet à ses étudiants de s’entrainer en situation réelle. Elle met également l’accent sur la professionnalisation au travers de nombreux stages au cours de la formation : « L’innovation est dans le quotidien des pharmaciens qu’ils soient en officine, dans l’industrie ou dans les hôpitaux. Les stages permettent de se former en direct aux nouveaux outils qui sont mis en place », affirme Françoise Dignat-George.