Première étape de l’exposition au musée de la légion étrangère où l’on commémorait samedi 30 avril le combat de Camerone. La hache du sapeur et le chapeau chinois serrent les rangs des blancs képis pour accueillir l’œuvre d’un de leurs glorieux aînés. En effet, l’allemand Hans Hartung, anti nazi, s’engage à Noël 1939 dans cette troupe de combat. Il connaîtra ensuite les geôles franquistes en Espagne. Puis se réengagera et participera au débarquement des alliés en Provence. Poursuivant l’avancée libératrice comme brancardier, cet homme de 40 ans est gravement blessé du côté de Belfort ; il devra être amputé de la jambe droite (novembre 1944). Deux ans plus tard, il obtiendra la nationalité française.
Fasciné par les éclairs
Depuis l’âge de 10 ans, Hartung ne cesse de dessiner et peindre. Tout petit, il s’avoue fasciné par les éclairs qui zèbrent les ciels d’orage. À part quelques têtes colorées et profils sans cou, d’un rendu semblable à ce que signe son contemporain Picasso, les traces des rudes années quarante ici présentées ne cherchent pas à figurer une réalité, ni à décrire un système. La spatialité s’étale sans limite ni perspective. Des griffures nerveuses, en lignes noires brisées ou vrillées, angles aigus et cercles cosmiques voisinent avec d’informelles et flottantes taches colorées. Le tout exprimant les pulsions d’un être tourmenté et meurtri, mais aussi une aspiration à libérer la main et le regard de toute contrainte orthodoxe, de toute copie reproductrice stérile.
Explosion à la sulfateuse
Second moment du parcours, chapelle aubagnaise des Pénitents noirs , où va rejaillir et exploser cette quête de couleurs et de formes spontanées. 17 toiles acryliques, parfois géantes (2m sur 3), réalisées en quelques jours de la mi -juillet 1989, dans l’atelier de l’unijambiste, à Antibes, quelques mois avant sa mort. Une sorte de jubilation ultime d’un vieillard handicapé qui aura vécu mille tragédies. Jusque dans sa vie sentimentale : Hartung se remariera avec la femme dont il a divorcé, Anna-Eva Bergman. Depuis son fauteuil roulant, il pulvérise des jets de couleur au moyen d’une sulfateuse agricole à air comprimé !
Commissaire de l’exposition, (et directeur du musée d’art moderne de Paris), Fabrice Hergott voit là « un geste unique dans toute l’histoire de l’art. » A la fois sublimation du handicap, testament éclatant et vaporisation du moi.
Soulages : « Hartung a fait mon art »
Ce “beau geste” produit ce que les artificiers qualifieraient de bouquet final, de “lâcher tout”. D’où fusent des gerbes de vibrations en bleu, vert, jaune ou rouge, capables de secouer les noirs fantômes du lieu, vieux d’un bon millénaire, mais soigneusement restauré.
L’artiste lyrique aura ainsi peint durant trois quarts de siècle, marquant une transition entre Kandinsky ou Miro et l’Américain Pollock, ou le Francais Soulages. Ce dernier ayant un jour assuré : « Hartung a fait mon art.»
Lien utile :
> www.hanshartung-aubagne.net
> Entrée libre sur les deux sites, du 16 avril au 28 août 2016
> Du mardi au dimanche de 10 à 12h et 14 à 18h]