Pouvez-vous nous décrire les missions de l’« Urban Lab » de thecamp ?
Benoît Bailliart : thecamp s’est fortement inspiré de la Singularity University de San Francisco pour le mode de fonctionnement mais cette dernière s’est focalisée sur le transhumanisme alors que nous nous concentrons sur les thématiques du développement durable notamment l’énergie, la mobilité et le confort de vie. Nous avons créé l’Urban Lab pour lancer des expérimentations urbaines et essayer de réinventer la vie en métropole grâce aux nouvelles technologies. On joue un rôle d’intermédiaire entre différents acteurs (publics, privés et start-up…) et facilite le montage de projets complexes sur le territoire. À travers des conventions passées avec la Métropole, les Villes d’Aix-en-Provence et de Marseille, ou encore l’Union européenne, les start-up incubées à thecamp peuvent tester leurs solutions numériques à grande échelle et en temps réel auprès des utilisateurs afin de développer de nouveaux services ou des infrastructures urbaines.
Comment interagissez-vous avec les autres composantes de thecamp ?
B. B. : Concrètement, on s’appuie sur l’équipe de co-innovation de « The Hive » (la ruche, en français), composée de 20 « makers », qui travaille sur les projets des campers, et avec les start-up de l’accélérateur du campus pour sélectionner les idées susceptibles d’être expérimentées sur le terrain. L’Urban Lab fait travailler six personnes aux compétences multiples : un spécialiste des levées de fonds européens, une thésarde sur les tiers lieux d’innovation et leur rôle dans la smart city et des experts en énergie et mobilité durable. Nous sommes en contact permanent avec toutes les personnes du campus mais aussi avec l’ensemble des acteurs du territoire pour identifier les besoins.
Vous êtes une sorte de passerelle entre les créatifs et les collectivités…
B. B : En quelque sorte mais pas seulement. On essaye de mêler les grands groupes, les start-up, les laboratoires universitaires et les décideurs publics. Par exemple, nous travaillons avec les équipes mobilité de la Métropole sur un projet européen qui vise à réduire de 10 % le trafic automobile en Paca. Mis au point avec Aix-Marseille Université, « Promise » est un dispositif pour identifier les meilleures politiques incitatives pour que la population évite l’usage de la voiture. Il utilise le Big Data et des outils d’analyses très poussés pour trouver la meilleure solution. Nous sommes en train de discuter avec de gros industriels comme Accenture, Vinci et la RATP, partenaires de thecamp, pour les intégrer au projet. Il fait partie d’une candidature commune au troisième volet des programmes d’investissement d’avenir (PIA) sur le plan « Territoire d’innovation de grande ambition ». Dans cette manifestation d’intérêt pour le PIA, l’Urban Lab propose deux autres projets sur la mobilité : « Imaginaire sur la mobilité » et « Demoiselle », une navette autonome en énergie qui est déjà opérationnelle.
Sur quels autres projets avez-vous commencé des expérimentations ?
B. B : Avec Solarcamp, nous tentons de montrer comment une flotte de véhicules électriques peut participer à l’équilibrage d’un smart grid. Vinci Energies est partenaire du projet avec 150 000 euros déjà investis et Accenture devrait suivre. Dans un premier temps, nous allons constituer un réseau autonome sur le campus et à la gare TGV d’Aix-en-Provence. Des bornes de recharge avec des ombrières photovoltaïques vont être installées. Pour un rendement maximal, il faut que le conducteur recharge à certaines heures de la journée ou à des bornes identifiées via une application mobile. Nous nous sommes également inspirés de ce qui existe à Brooklyn pour créer notre monnaie d’énergie solaire : le « pacacoin ». L’utilisateur des véhicules pourra transformer l’énergie non consommée en monnaie solaire qu’il pourra dépenser pour acheter du pain, un magazine, une boisson… On travaille aussi avec SNCF Gare & connexions sur l’amélioration de l’accueil du public et des offres de services. Nous avons installé un réseau de capteurs pour avoir des informations sur le bruit, la température, le trafic de passagers… Le recueil de data en cours a pour objectif final de proposer des solutions afin d’améliorer le confort des usagers. Nous appliquons la même méthodologie pour d’autres initiatives, notamment avec le Grand Port maritime de Marseille dans le cadre « Smart Port », en recherchant ici à partager les ressources et à favoriser l’économie circulaire, mais aussi sur des places publiques à Aix-en-Provence ou encore au niveau du quartier Euroméditerranée à Marseille. thecamp souhaite d’ailleurs trouver un lieu pour une antenne de son accélérateur de start-up dans ce quartier marseillais.
Quelles sont vos sources de financement ?
B. B : thecamp dispose d’un budget de 20,5 millions d’euros pour cinq ans apportés par l’ensemble des partenaires composés d’une vingtaine d’entreprises et de collectivités (CMA CGM, Accor Hotels, Crédit agricole, Sodexo…). Comme je l’expliquais plus tôt, nous misons également sur les investissements d’avenir et les fonds européens mais le but est de trouver, pour nos entreprises, le bon business model notamment pour l’exploitation de la data qui sera demain une matière première au cœur des stratégies territoriales
REPÈRES :
Avant d’arriver à thecamp, Benoît Bailliart était depuis 2004 à Accenture. Il y a occupé différents postes de consultant et manageur. Depuis septembre 2015, il était chargé des questions relatives au mobile et aux objets connectés. Lire Le Digest Hebdo n°18, rubrique Mouvements.