A-La personne humaine
Les deux millions de personnes qui habitent la métropole ne sont pas seulement des habitants, des citoyens et des travailleurs. Ce sont d’abord des personnes humaines dans toute la complexité de l’humanité. « La personne ne peut jamais être pensée uniquement comme une individualité absolue, bâtie par soi-même et sur soi-même, comme si ses caractéristiques propres ne dépendaient par d’autre chose que d’elle même »-125*
Les inégalités de traitement entre les hommes et les femmes doivent être combattues car « l’homme et la femme ont la même dignité et sont d’égale valeur »-111-« l’homme et la femme sont en relation avec les autres avant tout comme dépositaire de leur vie »-112. Ils partagent un devoir de solidarité pour ne pas tomber dans les « péchés sociaux »118 qui constituent « une agression directe contre le prochain » 118
[pullquote] Quelle est sur ce territoire la liberté de ses 150 000 chômeurs ?[/pullquote] Quelle est sur ce territoire la liberté de ses 150 000 chômeurs, de ses 70 000 allocataires du revenu de solidarité active, du quart de ses habitants au dessous du seuil de pauvreté, du niveau très élevé des inégalités des revenus médians, entre 1 et 9 entre les plus riches et les plus pauvres ? Les conditions de son expression ne sont évidemment pas remplies car « le juste exercice de la liberté personnelle exige des conditions précises d’ordre économique, social, juridique, politique et culturel » 137 et « la libération des injustices promeut la liberté et la dignité de l’homme » 137.
L’Eglise proclame haut et fort que « tous les hommes ont la même dignité de créature à l’image de Dieu »- 144 et que « la vie communautaire est une caractéristique naturelle qui distingue l’homme du reste des créatures terrestres »-149. Une ambition de la métropole est de permettre à ses habitants de faire communauté.
B-Le principe du bien commun
[pullquote] Il y a, dans la construction d’Aix-Marseille-Provence, un bien commun à construire.[/pullquote] Toute la doctrine sociale de l’Eglise est construite sur le principe du bien commun, « raison d’être de l’autorité politique »…dont, pour le garantir, « le gouvernement de chaque pays a pour tâche spécifique d’harmoniser avec justice les divers intérêts sectoriels »169. C’est pour construire un territoire de solidarité et d’efficacité que la métropole a vocation à définir un bien commun et à défendre un intérêt général métropolitain qui n’est pas l’addition des intérêts locaux communaux ou intercommunaux. Ce défi est dans les complémentarités à construire entre des villes concurrentes entre elles, des pouvoirs locaux éclatés, des écarts de conditions de vie qui mettent en péril la capacité de ces 2 millions d’habitants à vivre ensemble dans la solidarité. Il y a, dans la construction d’Aix-Marseille-Provence, un bien commun à construire.
C-La destination universelle des biens.
Ce principe de base veut dire que « chaque homme doit avoir la possibilité de jouir du bien – être nécessaire à son plein développement »-172. Le pari métropolitain est d’aller dans cette direction en réduisant de façon significative les inégalités de condition de vie en améliorant la situation des exclus du développement et des accidentés de la vie car « le principe de la destination universelle des biens requiert d’accorder une sollicitude particulière aux pauvres, à ceux qui se trouvent dans des situations de marginalité…Il faut réaffirmer l’option préférentielle pour les pauvres »- 182. Les familles de condition modeste, les dépendants des prestations sociales, les 25% de pauvres dont 15% de très pauvres qui vivent ou survivent sur ce territoire invitent à savoir donner les moyens à tous les métropolitains de mener une vie digne.
D-Le principe de subsidiarité
[pullquote]La société civile porte (…) la démocratie participative de la métropole.[/pullquote] La personne n’est pas seule. Elle s’insère dans des réseaux familiaux, sociaux, économiques, politiques qui construisent ses rapports avec la société. La société civile porte, en mobilisant toutes les structures impliquées dans son développement, la démocratie participative de la métropole. A ce titre, le futur conseil de développement d’Aix-Marseille-Provence répond au constat « qu’il est impossible de promouvoir la dignité de la personne en dehors de la société civile » réalisée grâce à « la personnalité créative du citoyen »-185. De même, le principe de subsidiarité s’applique pleinement dans le cadre des conseils de territoires définis par la loi. Ces territoires ne sont pas encore définis. Il serait souhaitable qu’ils recouvrent des zones d’emploi et des bassins de vie plutôt que de s’inscrire dans les limites des intercommunalités actuelles qui n’ont pas de réalité sociale ou économique.
E-La participation
La conséquence de la subsidiarité est la participation. Elle fait ici référence à la gouvernance métropolitaine et à sa capacité à se donner les moyens « de permettre au citoyen, comme individu ou en association avec d’autres, directement ou au moyen de ses représentants, de contribuer à la vie culturelle, économique, sociale et politique de la communauté civile à laquelle il appartient » 189
F-La solidarité
La doctrine sociale de l‘Eglise fait référence aux « très fortes disparités » 192 qui persistent dans le monde et au devoir de solidarité, « véritable vertu morale et détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun »-193. La situation sociale des métropolitains, déjà rappelée, situe l’importance de l’effort de solidarité à mettre en œuvre sur ce nouveau territoire.
Ce sont les valeurs fondamentales de la vie sociale qui donnent sens au projet métropolitain : la vérité, la liberté, la justice, l’amour doivent guider la gouvernance métropolitaine car « toutes les valeurs sociales sont inhérentes à la dignité de la personne humaine dont elles favorisent le développement authentique » 197.
Les chrétiens parlent de charité, les laïques de solidarité. Il s’agit en fait du même référentiel. « La charité sociale et politique ne s’épuise pas dans les rapports entre les personnes, mais elle se déploie dans le réseau au sein duquel s’insèrent ces rapports et qui constitue précisément la communauté sociale et politique, intervenant sur celle-ci en visant le bien possible pour la communauté dans son ensemble » 208
Demain la suite de la chronique de Philippe Langevin
[Chronique] Les principes de la doctrine sociale de l’Eglise : société et économie (2/4)
Lire le précédent volet :
[Chronique] Une lecture d’Aix-Marseille-Provence-Métropole à la lumière de la doctrine sociale de l’Eglise (1/4)
* Les citations en italiques sont extraites du « Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise » du Conseil Pontifical Justice et Paix- Les numéros renvoient à ces citations. Editions du Cerf- 2013
(Illustration : capture d’écran carte Agam)