Le nouveau film de Cédric Klapisch sort dans les salles mercredi 14 juin 2017. Après Casse-tête chinois et plus récemment la série télévisée Dix pour cent, le cinéaste urbain change d’univers et filme la nature au rythme des quatre saisons. Ce qui nous lie est un film fluide et touchant sur les retrouvailles d’une fratrie de jeunes viticulteurs au cœur de la Bourgogne. Une ode à la nature et aux choses essentielles du quotidien qui nous fait du bien.
C’est au cinéma Le Cézanne, à Aix-en-provence, que Cédric Klapisch est venu accompagné Loïk Dury, compositeur de la musique, présenter en avant-première son nouveau film qui sort ce mercredi 14 juin. Celui qui nous avait habitués à parcourir les rues des grandes métropoles – Paris (Le Péril jeune), Barcelone (L’auberge espagnole), Saint-Petersbourg (Les Poupées Russes) et New-York (Casse-tête chinois) -, nous emmène avec plaisir, pour ce nouvel opus, au cœur de la Bourgogne natale de Jean (Pio Marmaï). Ce viticulteur trentenaire, installé en Australie, revient après dix ans d’absence dans la propriété familiale, retrouver sa soeur cadette Juliette (Ana Girardot) et son frère Jérémie (François Civil). Déstabilisés par le décès de leur père survenu au début des vendanges, les trois jeunes adultes vont devoir réinventer leur fraternité, s’épanouissant et mûrissant tout comme le vin qu’ils fabriquent.
« Le vin et la fraternité sont deux choses qui rassemblent »
Tourné sur une année, au rythme des saisons, Ce qui nous lie joue sur la temporalité avec des scènes proches parfois du documentaire, ce qui lui donne un cachet poétique à part. « J’avais envie de parler du vin, c’était le point de départ du film et donc forcément cela m’a emmené dans les vignes, dans la nature » explique Cédric Klapisch qui a passé une partie de sa jeunesse à découvrir ces vignes avec son père. « Mais, au fur et à mesure de l’écriture, on a compris avec Santiago Amigorena (le co-scénariste) que c’était un film sur la fraternité de façon générale. On a essayé de voir, pendant qu’on écrivait, qu’est-ce que ça voulait dire la fraternité ? Alors que ces deux frères et soeur qui, comme partout dans le monde, ont des caractères et des qualités différentes, s’engueulent et sont souvent en désaccord, quelque chose les lie par dessus tout et les rassemble profondément. On trouvait que c’était important de parler de ce qui rassemble, de ce qui fédére, en particulier aujourd’hui. Et justement le vin et la fraternité sont deux choses qui rassemblent les gens. »
Comme il a su intelligemment le faire dans ses précédents films, Cédric Klapisch décrypte avec subtilité la géographie émotionnelle d’une tribu, en l’occurence une fratrie d’origine rurale pour mieux l’inscrire dans la modernité. Pour lui : « C’était important de parler de cette jeunesse qui habite à la campagne. La viticulture est un vieux métier . En Bourgogne, il y a un côté médiéval qui est très présent, mais ce sont des gens de vingt ans qui font du vin et les interrogations de ces jeunes vignerons ne sont pas du tout les mêmes que celles de leurs parents, ils sont très souvent en opposition avec ce que faisaient leurs parents et ça, c’est la réalité française d’aujourd’hui et dans toutes les régions. » Et si le trio, Pio Marmaï, François Civil et Ana Girardot, réuni pour la première fois à l’écran fonctionne à merveille, le spectateur est particulièrement touché par le personnage d’Ana Girardot, formidable dans le rôle de Juliette, qui va se heurter aux difficultés de s’imposer dans un milieu d’hommes. « J’ai fait rencontrer une vigneronne à Ana, poursuit Cédric Klapisch, et ça vraiment cliqué entre elles. C’était très intéressant ce qu’elle disait sur la spécificité d’être une femme et de faire du vin. Avant c’était vraiment un métier d’homme, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Il y a beaucoup de femmes qui font du vin et justement elles ne développent pas les mêmes qualités que les hommes. »
Une musique pour exprimer la force de la terre
Qui vit au rythme des quatre saisons dit musique et le cinéaste a fait appel à son complice Loïk Dury (à gauche sur la photo) avec lequel il collabore depuis Le Péril jeune, en précisant qu’« au début je pensais mettre de la musique classique et j’ai très vite vu que c’était exactement ce qu’il ne fallait pas faire. On a cette fausse idée d’une ruralité archaïque alors qu’en France elle est inscrite dans la modernité. Cette génération de trentenaires est branchée, connectée, voyage comme les gens des villes. Il fallait retrouver cette modernité dans la musique mais différente dans son côté non urbain. » Une vision contemporaine que Loïk Dury a choisie d’exprimer grâce à un instrument inventé en 1950, le chrystal bachet, et qui imite le son des nouveaux synthétiseurs. « La première fois que Cédric m’a appelé pour ce projet sur le vin, il m’a dit “Tu vas voir c’est différent, c’est un western, c’est horizontal et il n’y a pas d’angle”. Je cherchais un concept et un adjectif m’est venu assez vite : c’est téllurique ! Alors que dans les films précédents, on trouvait notre puissance dans la ville, dans un rythme effreiné, dans des sons différents, il fallait qu’on ait une puissance enracinée dans le sol. La force de la terre, c’est ce qui va nous nourrir. »
En conclusion, Cédric Klapisch revient sur son travail : « En faisant des documentaires, je racontais des histoires et là, en faisant de la fiction, j’ai apporté des techniques du documentaire. Certains plans sont pratiquement du documentaire : quand ils taillent la vigne en hiver, arrachent les ceps. C’était très agréable qu’il y ait, à la fois, une fiction et des choses volées avec ce qui se passait (…) et puis je voulais que ce soit très dessiné, un peu comme dans le cinéma asiatique ou dans les westerns. » Et pour le spectateur, cette plongée au cœur d’une famille de viticulteurs, et d’une famille tout court, est un vrai bonheur servi par de jeunes comédiens attachants et prometteurs.