« Pourquoi il y a toutes ses caméras ? » Sous l’ombrière du Vieux-Port, cet attroupement de journalistes caméra au poing ou appareil photo à la main, intrigue ces jeunes gens assis près de l’entrée du métro. Quand soudain ! « Mais c’est Jean-Luc Mélenchon, regardez ! » Même allure, même démarche et mêmes indémodables veste et cravate rouge. Le style Mélenchon imprimé dans le marbre de cette campagne présidentielle. Une arrivée presque en conquérant sur les terres marseillaises, dont il n’est pas étranger. « Quand je viens ici je me sens comme partout ailleurs dans mon pays ». Un IIIe acte dans cette cité phocéenne qui l’a acclamé il y a quelques semaines, à l’endroit même qu’il traverse ce jour-là pour aller rejoindre le Club de la presse où il est (très) attendu. Lieu tout désigné pour cet ancien journaliste qui use des mots comme Ulysse maniait le glaive.
Ni débarqué, ni « parachuté », pour faire taire ceux qui depuis l’annonce de sa candidature dans la 4e circonscription marseillaise estiment qu’il n’a pas sa place à Marseille, il a une manière bien à lui de riposter : « La population de cette ville est faite de parachutés. Nous sommes tous des parachutés, au cas où vous l’auriez oublié aucun d’entre eux n’a pris la décision de naître… »
Voilà pour légitimer un ancrage dans la deuxième ville de France où il a viré en tête au soir du premier tour de l’élection présidentielle (24,82 %). Dans deux autres villes, le leader de la «France Insoumise» s’est également imposé : Lille (29,92%) et Toulouse (29,16 %). « Il n’y a pas à s’interroger sur l’origine de ce résultat, les classes ouvrières, le milieu des pauvres, les intellectuels… » analyse Jean-Luc Mélenchon dans cette salle trop petite pour accueillir tout le monde et où il est si difficile de bouger. Alors pourquoi Marseille ?
“Marseille est un petit concentré du pays”
La ferveur lors de son meeting sur le Vieux-Port, rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes, a forcément pesé dans sa décision. Mais il le martèle, pour dissiper les malentendus et les émois suscités par sa candidature: « Je viens ici pour des raisons politiques et de politique nationale ! » Marseille, la cosmopolite, cette ville qui concentre toutes les crispations et déchaîne les passions, représente précisément l’endroit « où le message se ferait le mieux entendre. » Un site de choix pour mener une campagne législative dans la continuité de la présidentielle, parce que « Marseille est un petit concentré de la France. On y trouve toutes les caractéristiques du pays : une extrême pauvreté comme elle est répandue dans tout le pays et que les importants ne veulent pas voir, mais qu’ici il est impossible de ne pas voir. Une concentration de la richesse sur une catégorie sociale très étroite, une destruction des services publics qui fait apparaître des plaies béantes… Tout ça c’est Marseille », dont la voix est inaudible au niveau national pour le leader des Insoumis. La raison : « L’indigente classe politique repliée sur elle-même à bavarder, entre importants, comme des moules accrochées sur leurs rochers… ». Une image qui fait sourire quand ses rivaux lui prêtent volontiers le rôle de celui qui pêche par orgueil. Une question d’ego ?
Le regard vers l’Assemblée Nationale, un pied à l’Hôtel de Ville
Une chose est sûre Jean-Luc Mélenchon garde un « goût d’inachevé » partagé par ceux qui ont refusé toute soumission au premier de la présidentielle. « Le deuxième tour à davantage ressemblé à une partie jouée d’avance qu’à une élection démocratique. Tant et si bien qu’on à l’impression que les visions qui s’opposaient réellement dans ce pays n’ont jamais pu être départagées par le vote des citoyens ». Pas d’amertume dit-il, ce troisième tour sonne pourtant comme une revanche, avec la certitude « qu’il faut aller de l’avant parce qu’il y a la place dans ce pays pour une nouvelle majorité politique », qu’il veut et se doit d’incarner, avec un objectif simple : « gagner ! Dès lors que ce but est fixé et qu’une cohabitation est en gestation en France soit avec les Républicains, soit avec nous, évidemment, nous allons déployer toute notre énergie pour que notre programme l’emporte et pour appliquer le programme que 7 millions de personnes ont désigné comme le leur »
S’il vise l’Assemblée Nationale, il a déjà mis un pied à l’Hôtel de Ville… « pour une visite de courtoisie », à Jean-Claude Gaudin, « un personnage » qui lui a « chanté les merveilles de sa ville ». L’un de droite, l’autre non, par conséquent « j’évite les sujets qui fâchent ». Mais cette rencontre en a fâché un. Patrick Mennucci, député PS sortant qui ne compte pas céder sa circonscription aussi facilement.
Des discussions à venir avec les communistes
Aucune chance donc qu’il accepte l’invitation de Jean-Luc Mélenchon à partager une bouillabaisse, alors que sa venue est déjà difficile à avaler. S’il répète qu’il n’est pas venu mener « une guerre contre Pierre, Paul ou Jacques et que les circonscriptions n’appartiennent à personne », l’ancien candidat à la présidentielle est formel : il ne veut pas affaiblir le PS, il veut « le remplacer. Tourner la page des gens qui nous ont trahi pendant cinq ans… » Avant de renvoyer Patrick Mennucci à aller affronter le sénateur-maire FN Stéphane Ravier, investi dans la troisième circonscription « pour représenter le PS parce que c’est lui qui a fait venir les fachos la dernière fois. » Une circonscription où il n’avait nullement l’intention d’aller laissant Sarah Soilihi représenter la « France Insoumise », « et on va tout faire pour qu’elle soit élue, elle représente la volonté marseillaise de se dépasser ».
Le « nomade électoral », comme l’a surnommé Patrick Mennucci va s’établir dans la cité phocéenne et compte bien « courir partout », avec son équipe. En prévision déjà, les discussions avec les communistes, « des copains ici, je m’entends bien avec eux depuis longtemps.» Au-delà, les Insoumis vont tenter de s’accorder avec « tous ceux qui veulent le progrès pour cette ville. »
Puis au programme également de la lecture pour parfaire ses connaissances sur la ville, dont il dit connaître les préoccupations majeures de santé, d’écoles publiques, d’écologie… « Qu’y a-t’il là dedans qui mérite qu’il faille d’abord faire un concours d’entrée pour venir ici représenter la population. Et puis je suis doué, j’apprend vite, le maire m’a offert des livres et je m’en suis acheté quelques uns », plaisante-t-il, mais pas des livres sur les petites histoires entre amis qui ont souvent fait la réputation de Marseille, « ça ne m’intéresse pas. Je suis un peu votre chance, je les connais un par un, mais je n’ai rien avoir avec eux ».
A suivre, le retour de Sophie Camard: les raisons qui ont poussé l’ancienne candidate EELV aux régionales Paca en 2015 à devenir la suppléante de Jean-Luc Mélenchon.