Qui n’a jamais rêvé de servir les cartes à James Bond dans Casino Royal ? Malgré une réputation parfois sulfureuse, les jeux d’argent ont toujours fait fantasmer. Pourtant, derrière l’image, la réalité est parfois difficile. Notamment chez les croupiers, qui enchaînent les CDD ou les contrats saisonniers, particulièrement sur le territoire d’Aix-Marseille-Provence, où les casinos sont légion et font le plein chaque été : Aix-en-Provence, Cassis, Carry-le-Rouet, La Ciotat…
« Le secteur des jeux recrute en permanence », assure Clémence Ribeyron, chargée de communication de Cérus Casino Académy, l’école qui forme au métier de croupier depuis dix ans, en France et en Europe, et organise ses portes ouvertes à Marseille mercredi 24 septembre*. « Il y a pas mal de turnover, particulièrement dans le département des Bouches-du-Rhône. Mais les jeunes qui s’y destinent veulent avoir un métier stable. C’est la raison pour laquelle on a créé cette formation, accessible avec ou sans diplôme et qui délivre un vrai diplôme niveau bac », termine la jeune femme.
Regardez. Focus sur la formation de croupier :
Les conditions pour débuter la formation ? Avoir un casier judiciaire vierge et jouir de ses droits civiques, comme l’exige la loi pour ce secteur très contrôlé. L’école, elle, est privée, donc payante. 4 400 euros pour une session de dix semaines – ce qui n’est pas donné – pour un salaire de croupier débutant qui tourne autour de 1 400 euros bruts par mois. « La majorité des stagiaires (entre 5 et 15 par session) ont un soutien financier. Avant le début de la formation, on les aide à monter un dossier à la mission locale ou à la Région, pour qu’ils puissent prendre en charge les frais », répond Clémence Ribeyron, également en charge des relations avec les candidats.
Les casinos recrutent des profils très divers
Ludovic Bolmont a 32 ans. En 2010, après une licence d’histoire-géographie, il échoue deux fois au Capes à Besançon et tente alors une reconversion professionnelle : « J’aimais bien jouer au poker et un de mes amis m’avait parlé de cette école, témoigne-t-il. J’ai fait les démarches par Internet et après un test de sélection j’ai débuté la formation. Parfois, les gens ont l’impression que les croupiers ne sont que des gens qui sont à table pour lancer une bille, mais en réalité ça requiert des qualités assez pointues : connaître la réglementation du jeu, être à l’écoute des clients, avoir une bonne dextérité… ». Mais aussi être à l’aise en calcul mental, disposer d’une certaine logique, et si possible, maîtriser plusieurs langues. Croupier, c’est aussi une attitude, une sobriété. Anticiper les problèmes, savoir garder une distance avec les clients. « De toute façon, ce n’est pas aux croupiers de gérer les conflits mais à la direction », prévient Ludovic.
À la sortie de Cérus, il a fait trois casinos, grâce aux offres d’emploi proposées par l’école : d’abord dans l’Est, puis à Knokke-le-Zoute, le « Saint-Tropez de la Belgique ». Aujourd’hui, il travaille au casino Barrière de Cassis depuis un an et demi : « Je suis dans une plus grosse structure avec 50 croupiers, je m’épanouis dans mon établissement, confie-t-il. Quand on travaille de nuit, qu’il y a peu de clients, on peut vite s’ennuyer ». Ce n’est pas le cas à Cassis, où il enchaîne les heures : « Une journée type pour moi, c’est soit de 20 h à 3 h du matin, soit 16 h à 2 h avec une coupure à 20 h. Le dernier jour de ma semaine, c’est plus tranquille, de 16 h à 20 h ». Et s’il est vrai que le salaire n’est pas mirobolant au départ, il peut augmenter avec les pourboires… selon les établissements. Car certains préfèrent interdire ce complément de salaire (jusqu’à 200 euros nets en plus sur la fiche de paie). Raison invoquée : les pourboires peuvent distraire les croupiers. Une situation souvent dénoncée en interne dans les casinos.
Formés dans une salle de jeu reconstituée
Dans le monde des casinos, le profil de Ludovic n’est pas si étonnant. Au contraire : « Quand je suis rentré à l’école, j’ai découvert un autre monde, mais je n’étais pas le seul à être dans ce cas là… Sur les vingt stagiaires, il y avait des profils très divers, explique-t-il. Au final, la formation de Cérus c’est 95% de pratique : l’école n’est ni plus ni moins qu’une salle de jeu reconstituée, où l’on passe sa journée à endosser le rôle du croupier et du client. Si bien qu’au bout de dix semaines, vous avez rencontré tous les cas de figure ». Ce qui s’apprend sur le tas, c’est la façon d’animer une table, de sentir les situations. Mais la technique, elle, s’acquiert bien à l’école.
Dans l’école de Marseille, la salle reconstituée permet aux élèves de s’entrainer aux différents jeux : black jack, backgammon, poker. Autrefois, les 200 casinos disséminés sur la carte de France formaient en interne. Mais ils rechignent à le faire aujourd’hui : trop coûteux, trop de temps perdu. Ils préfèrent déléguer cette étape à Cérus. C’est la raison pour laquelle, à Marseille, la formation qui a ouvert en 2013 séduit de plus en plus : « Il y a deux types de profils de candidats : ceux qui ont un déclic en entrant dans un casino et qui se renseignent directement auprès des croupiers. Là c’est du bouche à oreille. Et puis ceux qui, par hasard, au détour d’une affiche de la mission locale, découvrent que ce métier existe et qu’ils peuvent le faire », détaille Clémence Ribeyron.
« L’entretien d’entrée n’est pas payant, il vise surtout à tester la motivation des candidats. Certains pensent que le casino est un univers luxueux, ce qui est vrai, et sont dans la fascination, continue Clémence Ribeyron. C’est pourquoi on leur pose des questions précises : ça reste un emploi, on ne devient pas croupier par loisir ! On reste dans un secteur de niche. Avec le nombre réduit d’élèves, on est dans le qualitatif. »
*Infos pratiques :
La page Facebook de l’école
Portes ouvertes à Marseille, 33 Boulevard de la Liberté mercredi 24 septembre de 11 h à 17 h
Formation de 10 semaines : 25 sessions à l’année
Entre 5 et 15 stagiaires en session de formation
4 400 euros la formation
Outre Marseille, il existe d’autres écoles à Lyon, Paris, Bordeaux, en Angleterre, en Espagne, en Italie et en Belgique
(photo : Flickr/cc/cabezadeturco)