Démuni de piédestal, Picasso fut un homme (presque) comme les autres. Un père aussi -révèle cette exposition – capable de saisir l’objet le plus banal pour en faire une œuvre artistique, et souvent amusante.
Un bout de carton provenant d’un paquet de cigarettes Gitanes, il le déploie puis y colorie la silhouette de sa fille Paloma. Au frère de cette dernière, Claude (8 ans) , un riche visiteur donne un jour deux de ces voitures miniatures dont raffolent les gamins. Quand le papa cherche ce qui formera la tête, les yeux et la bouche de sa “Guenon et son petit”, (1951), il dérobe au fiston les deux petites autos. Pour les oreilles de l’animal, deux anses de tasse feront l’affaire, et la longue queue de la femelle était auparavant un amortisseur de voiture !Capable de redonner toute sa noblesse aux arts et traditions les plus populaires, Picasso démontre ici un véritable génie du recyclage. Imagination et habileté diaboliques dont le clou est probablement cette “Tête de taureau” réalisée en 1942 par le simple assemblage d’une selle et d’un guidon de vélo.
Nostalgie des arènes
Des taureaux, l’exilé en gardera toute sa vie une nostalgie proche du fétichisme. Une des toutes premières peintures représente un picador à cheval. Le jeune Pablo n’a que 8 ans (en 1889) quand il tient ses premiers pinceaux. Et quelques unes de ses dernières toiles, Torero ou Matador, datent de 1970 ; il approche les 90 ans, avant de mourir en 1973.
Aucun matériau n’aura laissé indifférent ce fils de “peintre de salle à manger”, qui privilégiait les bêtes “à poil et à plumes”. Le bois, le papier, la terre, le carton, comme le textile ou le métal : tout peut fournir un support d’expression à ce chercheur passionné qui se joue des conventions.
Admirables céramiques
Avec l’orfèvre aixois François Hugo, Picasso gravera d’immenses plats ou compotiers en argent. Une salle entière abrite des céramiques de toutes formes et coloris. Quelques cruches anthropomorphes, particulièrement remarquables, méritent à elles seules une visite attentive. D’autant que l’artiste ne s’interdit jamais un clin d’œil – à connotation sexuelle de préférence. Plusieurs séquences vidéos montrent l’expert en action.. Et souvent, c’est magique, à l’instar de ce vase en glaise fraîchement tourné qui devient, après quelques judicieux plis et pincements, une colombe en trois dimensions.
La jubilatoire présentation de ces 300 objets offre pour 4 mois une approche inexplorée de celui qui demeure l’un des plus prodigieux novateurs du siècle dernier dans le monde du beau.
Repères :
> Du 27 avril au 29 août, tous les jours sauf mardi et 1er mai.
> De 11 à 19h, nocturne le vendredi jusqu’à 22h. Entrée de 5 à 9,50€.
> Nuit vernie , entrée libre le soir du 3 juin.
> Le site officiel : www.mucem.org