Après La Galerie, à Paris, c’est au tour de la Villa Méditerranée d’accueillir Archiméditerranéenne, une exposition qui retrace le travail de l’architecte Corinne Vezzoni à travers huit de ses projets et réalisations les plus emblématiques. On y retrouve les questionnements favoris de son agence – Corinne Vezzoni & Associés. Visite privée avec pour guide Corinne Vezzoni en personne.
La fragilité d’un site : L’École nationale supérieure publique d’ingénieurs – Supméca – à Toulon
« C’était la dernière poche verte encore intacte, se souvient Corinne Vezzoni, et on a pris la décision de ne pas construire sur la butte comme le demandait le commanditaire mais plus bas. Le bâtiment s’encastre dans la colline et cache ainsi l’activité commerciale qui est au fond, pour ne laisser apparaître que la colline en second plan. Il faut savoir se mettre en retrait pour valoriser ce qui doit l’être. »
Ce qu’un bâtiment public peut apporter à la ville : le lycée Saint-Mître à Marseille
« La conception de ce lycée s’est attachée à tirer partie des atouts majeurs du site comme la construction en pente, un sujet que j’adore, une orientation vers le Sud pour bénéficier de la lumière et de la chaleur… Mais un des points les plus intéressants vient du gymnase (au fond à droite), encastré dans la pente, et dont le toit est devenu la place de marché du quartier, véritable espace public qui manquait à tous les habitants. »
La limite entre ville et nature : thecamp à Aix-en-Provence
« Quand on est dans la nature, on ne construit plus de la même façon. Au moment où Frédéric Chevalier nous a demandé de travailler sur ce projet, rien n’était pas encore défini. Il fallait imaginer un campus autour des nouvelles technologies. Le programme architectural s’est construit au fur et à mesure et on a positionné l’hébergement (250 chambres) comme le dernier lien entre la ville et la nature. Et puisqu’il s’agit d’un incubateur, on a repris l’idée des cellules, comme en biologie, pour les pavillons. » Des ingéniosités techniques vont permettre également de recouvrir ces pavillons d’un parasol géant ondulé, résistant au mistral, créant ainsi des jardins intérieurs, dans l’idée d’un impluvum romain. À noter également le souci du détail utile avec des canisses contenant du béton coulé sur les trois pavillons les plus proches de la forêt pour se rapprocher de la tonalité de l’écorce.
Affronter le site pour mieux le révéler
Les autres programmes exposés viennent illustrer une démarche opposée à la précédente mais revendiquée : affronter, cette fois, le site pour mieux le révéler. On retrouve le pôle pédagogique du campus de la faculté de médecine de La Timone, à Marseille, que l’on repère par sa façade en pâte de verre colorée jaune « voulue comme un signal fort à l’entrée du campus. Il y avait aussi cette Vue de Delft de Vermeer où la lumière passe entre les nuages et éclaire un clocher. Ici, c’est comme si un rayon de soleil venait illuminer ce bâtiment sur une artère plutôt grise et triste ».
Affirmation urbaine également pour le centre de conservation et de ressources du Mucem qui joue « sur le contraste entre ce que l’on voit et ce que l’on doit protéger, entre le brut et le précieux comme un bloc de pierre que l’on creuse pour révéler la matière ». Si le béton, brut ou teint, est le matériau de prédilection de Corinne Vezzoni, dans le droit fil des Modernes, c’est aussi parce que « sa qualité a progressé. On n’a plus besoin de ferraillage. Et les liants qui le composent lui apportent de la souplesse et de la plasticité. Le béton est devenu un sujet plastique ». La peau du bâtiment aussi importante que tout le reste pour celle qui a l’architecture dans la peau. D’ailleurs faut-il rappeler que l’agence a ses bureaux dans la Cité radieuse de Le Corbusier ?
Qu’est ce qui peut ramener la population dans le centre-ville ?
L’exposition Archiméditerranéenne se termine sur un grand chantier en cours : le quartier Chalucet à Toulon, souhaité comme le quartier de la créativité et de la connaissance. L’objectif est de reconquérir ce cœur historique de la ville sur un vaste périmètre, occupé précédemment par la Marine nationale, et qui comporte une partie haussmannienne, une autre du XXe siècle, le tout dans un écrin vert préexistant – le jardin d’acclimatation de la Marine mais sans ses espèces, déménagées depuis à Saint-Mandrier. Les équipements publics comme la médiathèque ou l’école supérieure d’art et de design assureront les activités de jour mais qu’est ce qui peut ramener la population dans le centre-ville, partie pour acquérir un bout de terrain et construire sa maison aux alentours ? « C’est un vrai sujet urbain, un vrai sujet d’architecture et un vrai sujet pour savoir ce que peut être la ville de demain ! » s’enthousiasme Corinne Vezzoni. « Les logements sont occupés par des marins mais pas toute l’année. Nous avons donc imaginé des logements où l’on peut stocker ses affaires personnelles quand on part, et mutualiser le reste. » Et ce concept de mutualisation d’espace a été décliné sur les autres bâtiments : une grande pièce de réception avec cuisine, quelques chambres qui se “louent” par les habitants d’un même immeuble et leur permettent ainsi d’accueillir la famille de passage. Ou encore un grand appartement qui dans l’avenir pourra se scinder en deux plus petits quand les enfants prendront leur indépendance. Livraison prévue en 2019.
Archiméditerrannéenne est à découvrir jusqu’au 26 mars dans le belvédère de la Villa Méditerranéenne avant qu’elle ne poursuive son voyage vers d’autres cités, grâce aux minis containers réalisés par Pascal Laporte, l’un des deux associés de Corinne Vezzoni, dont les tiroirs contiennent des dessins et informations sur l’évolution de chaque projet.
Corinne Vezzoni a été nommée Chevalier de l’Ordre des arts et des lettres en 2013, lauréate du Prix de la Femme architecte en 2016 et recevra, jeudi 2 mars, les insignes de Chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur. La revue We Archi lui consacré son numéro 2 en juin 2016.
Pratique
> Archiméditerrannéenne jusqu’au dimanche 26 mars 2017
> Belvédère de la Villa Méditerranée – Esplanade du J4, Marseille 2e
> Entrée gratuite> Dans le cadre des mardis de l’urbain, Corinne Vezzoni animera une conférence sur le thème “Concordance des énergies”
> mardi 21 mars, à 19h00.
> Entrée libre – Sur réservation – Inscriptions : billetterie@villa-mediterranee.org> Pour en savoir plus sur les projets de l’Agence Corinne Vezzoni & Associés : www.vezzoni-associes.com
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