Délaissant le droit et les maths dont ses parents sont friands, Marcelo Bielsa devient joueur de foot en 1976, le restera quatre ans comme défenseur. De toute sa carrière il ne marque qu’un seul but. Aujourd’hui pourtant, le stade de Rosario porte le nom de M. Bielsa. L’équipe des Vieux gars, (old boys) ou “les lépreux”, a eu raison de le choisir comme coach. Durant trois saisons consécutives, ce club sera champion d’Argentine (1990, 91 et 92).
Après quatre ans de parenthèse mexicaine, Buenos Aires le rappelle pour diriger la sélection nationale ; ce qu’il fera pendant six ans, de 98 à 2004. Voisine et rivale, l’équipe nationale du Chili le réclame à son tour. Il passera 4 ans à Santiago (2007 – 2010), avec une telle réussite que ce pays lui propose de devenir chilien. Il préfère gagner l’Europe. Bilbao d’abord, (2011 à 2013), puis Marseille en mai 2014.
Au couvent sans téléphone.
Dégarni sur l’avant du crâne, légèrement ventripotent, l’homme à lunettes rectangulaires ne vit qu’en survêtement, aux couleurs du club qui l’emploie. Son grand-père avant lui était déjà surnommé le fou, en raison de son excentricité. Il écrivit pourtant le code pénal argentin. Juriste également, son frère Rafael, avocat péroniste, fut patron de la diplomatie de son pays entre 2003 et 2005. Ce Rafael a beau diriger aujourd’hui les 33 aéroports argentins, le petit frère Marcelo a toujours peur de prendre l’avion. Sa sœur cadette, Maria Eugenia, est architecte et vice-gouverneur de la province de Santa Fe. A 26 ans, Marcelo épouse aussi une architecte, Laura, qui lui donnera deux filles, Ines et Mercedes. Diplômée en psychologie, l’aînée joue en première division Argentine au hockey sur gazon.
En 2004, aux Jeux Olympiques d’Athènes, sous la houlette de Marcelo, les Albaceste (blanc et bleu clair) gagnent la médaille d’or. Deux ans plus tôt, lors de la coupe du monde au Japon, le sélectionneur avait emporté sept mille cassettes vidéos, des matches et des films, ses deux passions majeures. Il dit pouvoir visionner du ballon 25 heures sur 24… Mais il n’est pas qu’un contemplatif.
Dix ans auparavant, après une défaite, des supporters viennent le chahuter jusqu’à son domicile. Il sort alors, une grenade à la main, prêt à dégoupiller ! Entre 2004 et 2007, alors qu’approche la cinquantaine, Bielsa disparaît. Sans télévision ni téléphone, il n’emmène que des livres (sur le foot) au couvent. De son propre aveu, il faut en partir au bout de trois mois, car “je commençais à parler tout seul, je devenais fou!”
No se va !
Lors du dépouillement de certains bureaux de vote marseillais le soir des récents scrutins cantonaux, surgit parfois un étrange bulletin portant le nom de Bielsa. Il n’était pourtant candidat à rien, se contentant de son chèque mensuel de 300 000 €. Mais quand le prince Walid bin Talal bin Abdelaziz Al Saoud, 35ème fortune mondiale, qui n’a pu acheter l’OM, lui propose d’empocher le triple, jusqu’au mondial qatari de 2022, la suggestion mérite réflexion.
Obsédé par l’offensive, le beau jeu d’attaque, la mobilité polyvalente et le repli stratégique, ce technicien-artiste des pelouses doit décider de la suite de sa trajectoire, malgré les banderoles lui criant au vélodrome : “Bielsa no se va !” (ne t’en va pas). Formidable dénicheur de talents, minutieux et pugnace, cet homme-là peut obliger les athlètes qu’il dirige à répéter les mêmes gestes, jusqu’à six cents abdos par jour ou cinquante rebonds de la tête. La sienne reste baissée, regard fuyant , lorsqu’il affronte la presse. Bielsa ne tutoie aucun de ses joueurs, et une autorité entre ses pairs, Pep Guardiola, gourou du Barça, dit de lui tout simplement : « C’est le meilleur entraîneur de toute la planète. »