Entre la mer et ses collines, Marseille semble respirer un air pur. Il est d’ailleurs difficile, pour ses habitants, de croire que leur cité arrive 2e classement des villes dont l’air est le plus pollué en France. Mais malheureusement, le mistral ne chasse pas tout hors de la ville, loin de là. Outre les voitures, une source de pollution moins bien connue vient pourtant noircir régulièrement le ciel de la ville : les paquebots stationnant à quai.
Ces villages flottants transportent des milliers de personnes et une fois dans les ports, leurs moteurs continuent de tourner pour alimenter les croisiéristes et l’équipage en électricité. C’est à Marseille, premier port de croisières de France et cinquième en Méditerranée (1,5 million de passagers attendus cette année), que les militants de France Nature Environnement, qui regroupe 3000 associations de protection de l’environnement et l’ONG allemande Nnabu, ont choisi de lancer une campagne pour dénoncer cette pollution invisible.
Accompagnés de l’expert en carburants Axel Friedrich, aujourd’hui consultant pour Nabu, ils ont effectué des mesures de particules fines, dont la concentration dans l’air s’avère 25 fois plus élevée au passage d’un bateau qu’en ville. « Le vent ramène toute les émissions sur la ville », souligne le scientifique.
[pullquote]Un bateau moyen provoque une pollution équivalente à un trafic d’un million de voitures.[/pullquote]Les bateaux de croisières fonctionnent au fioul lourd ou au diesel marin, des carburant dont la combustion produisent également de grande quantités de dioxyde de soufre, 3000 fois plus que pour les carburants automobiles. Des polluants connus pour causer des maladies respiratoires et cardiovasculaires. Et quand un navire de taille moyenne arrive dans un port, cela équivaut pour les riverains à une pollution équivalente à un trafic autoroutier d’un million de voitures. Les répercutions en termes de santé publique sont bien réelles : les polluants atmosphériques causent 60 000 décès par ans selon l’OCDE et coûtent à la France 100 milliards d’euros par an. D’autant plus qu’en Méditerranée, l’utilisation du fioul lourd n’est pas interdite par la réglementation internationale, comme cela est déjà le cas dans en Mer du Nord ou en Mer Baltique.
Le GPMM a annoncé avoir commencé des travaux pour mettre en place un dispositif de branchement électrique à quai pour alimenter les bateaux, justement dans le but de réduire ces émissions. Insuffisant pour les militants. « Il y a d’autres mesures plus efficaces à prendre avant. Les branchements à quai sont très onéreux et souvent financé par l’argent public » relève Adrien Brunetti, coordinateur du réseau santé environnement. D’autant plus que seuls les navires de la compagnie La Compagnie Méridionale de Navigation, partenaire du projet, en bénéficieront.
[pullquote]Tous les navires sont concernés.[/pullquote]Des mesures simples pourraient pourtant considérablement améliorer la situation. Les associations demandent aux armateurs de passer à un carburant moins polluant et d’installer des filtres à particules fines qui sont capables de filtrer plus de 99% des particules émises. Elles demandent aussi la mise en place de zones de contrôle de carburants dans les ports, actuellement inexistantes en Méditerranée, ainsi que la mise en place d’une fiscalité incitative basée sur le respect de l’environnement. Mais pourquoi s’attaquer spécifiquement aux bateaux de croisière? « Les navires commerciaux sont aussi concernés. Nous commençons par les croisiéristes car ils sont plus sensible à leur image », affirme Adrien Brunetti.