Au-dessus de leurs têtes, des feuilles de papier A4, avec des slogans dignes de la méthode Coué : « Quoi que je puisse en penser, quoi que l’on puisse en dire, j’ai des compétences ». Ces messages d’espoir destinés à leur mettre le pied à l’étrier, ce sont les jeunes de la Mission locale de Marseille qui les ont rédigés, avec les conseillers qui les accompagnent dans leur parcours de retour vers l’emploi.
Grâce au dispositif européen « garantie jeunes », ils touchent une allocation de 448 euros par mois. Et réapprennent d’abord, pendant les six premières semaines, toutes les bases pour entrer sur le marché du travail et séduire les entreprises : comment écrire son CV ou une lettre de motivation, comment se présenter en entretien…
Mis en place en octobre 2013 par le gouvernement, d’abord sous forme d’expérimentation dans dix départements, dont les Bouches-du-Rhône, il a vocation à être étendu à 30 départements pour accueillir 100 000 jeunes d’ici 2020, comme l’a rappelé le ministre des Affaires européennes Harlem Désir, venu écouter les retours du terrain. Et annoncer que l’Europe avait débloqué 620 millions d’euros pour que la France élargisse le dispositif. « Ce qui est important, ce ne sont pas les chiffres, ce sont les jeunes », a tranché Harlem Désir, patient et visiblement détendu pendant la visite qui clôturait une journée marathon. Une visite qui aurait pu tourner court car en principe, hasard du calendrier, les jeunes ne sont pas là le jeudi. Mais ils sont revenus spécialement pour la visite…
Les jeunes, justement. À seulement 18 ans, Hafisouiti est isolée, sans diplôme. Elle vient d’arriver en France il y a quelques semaines. Et cherche toujours sa voie. « La petite enfance… », glisse-t-elle discrètement au ministre, qui l’interroge sur ses motivations. Le travail de la Mission locale, dans ce cas, est de l’aider à trouver des stages, pour débuter une première activité professionnelle. Mohamed, qui lui a déjà des expériences dans le monde de la nuit et veut désormais créer son entreprise, répond du tac au tac : « Quand on va voir un patron pour un stage, il nous demande de l’expérience. Mais il faut déjà nous donner notre chance ! C’est paradoxal… »
« Il faut que les entreprises connaissent mieux ce dispositif »
Pour ce groupe d’une quinzaine de jeunes, l’alchimie s’est faite sans problème. Djafar explique par exemple que cette ambiance l’a motivé : « C’est un truc à part, un autre rythme de vie. On apprend à se lever le matin, arriver à l’heure, et on apprend à se découvrir, on échange, on se conseille entre nous. Ça nous motive plus que l’école parce que là, il y un projet bien défini », témoigne-t-il, pas impressionné par le ministre. Pour lui, la Mission locale va tenter de le guider directement vers une entreprise pour un CDD ou CDI. Mais rien n’est gagné : « Il faut que les entreprises connaissent mieux ce dispositif, convainc le ministre, c’est tout l’enjeu ». La Fondation Orange, par exemple, a noué un partenariat pour former les jeunes au numérique.
Brigitte Cavallaro, directrice générale de la Mission locale de Marseille, défend quant à elle sa mission : « On a souvent des surprises grâce à ce travail en groupe. On ne fait pas un travail classique avec eux, on essaie plutôt de faire émerger un projet de vie ». Pas simple, d’autant plus que derrière cette image de solidarité et d’entraide commune, « il ne se passe pas une journée sans incident », rappelle la directrice. « On a les jeunes les plus durs de France, confie-t-elle. C’est une attention de tous les instants, personnalisée, car c’est un public très volalile. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin de médiateurs ».
Martigues, la Ciotat et Berre l’Étang : trois autres missions locales regroupées dans le dispositif
Désormais, il faut savoir si la phase d’expérimentation est concluante : « Il faut tester, mais on a aussi des retours dans toute l’Europe. Ce que vous vivez ici n’est pas différent de ce que vivent certains jeunes en Grèce, en Italie, en Espagne, lance Harlem Désir aux jeunes qui l’écoutent. Il faut qu’on sache si cela vous motive pour étendre le projet ». Avec 25% de chômage parmi les jeunes à Marseille et 220 salariés à la Mission locale, le travail est colossal. Et la dimension métropolitaine est prise en compte, puisque trois autres missions locales sont associées au dispositif, comme le rappelle le préfet de la Région Michel Cadot : « On a Martigues, la Ciotat et Berre-l’Étang qui se sont regroupées pour être plus efficaces », assure-t-il.
L’enjeu est aussi de trouver des synergies avec le Pôle Emploi, qui envoie peu de jeunes vers la Mission locale. « Pourquoi Pôle Emploi n’est pas intégré dans le dispositif ? », demande par exemple Hamadi. Dans la région, un conseiller Pôle Emploi gère parfois plusieurs centaines de dossiers en même temps. Difficile d’avoir un accès personnalisé, des conseils véritablement ciblés. Ici, chaque groupe de quinze jeunes est piloté par deux conseillers, qui prennent en main les parcours individuellement.
« Il faut prolonger cette phase pilote. On peut encore perfectionner cette formation. Mais quand un jeune passe par ce dispositif, c’est déjà une garantie », assure Harlem Désir. Mais pas sur que cela suffise parfois. Dominique Tian citait l’exemple du Hard Rock Café, qui doit ouvrir d’ici la fin de l’année à Marseille. L’établissement recrutait 100 personnes les 6 et 7 octobre dernier. Problème : la pratique de l’anglais était « indispensable pour les postes de contact direct avec la clientèle ». Parmi les 700 jeunes qui bénéficient aujourd’hui du dispositif (objectif 1 200 dans les Bouches-du-Rhône d’ici fin mars), peu maitrisaient la langue de Shakespeare.