Pourquoi avoir accepté ce poste de directeur du port de Marseille ?
Hervé Martel : J’ai été dix ans à la direction des ports de l’Axe Seine, sept au Havre et trois à Paris. Il fallait changer et si je voulais continuer dans les ports, Marseille est une étape incontournable. Le GPMM est un formidable défi avec de belles opportunités de développement. Son image s’est grandement améliorée depuis le début des années 2010 et la confiance des clients est de retour portant les résultats à un rythme de croissance qui permet d’envisager de belles choses. Et puis l’idée de venir vivre ici ne me déplaisait pas…
Marseille et sa région bénéficie effectivement d’un cadre de vie idyllique mais il peut parfois être entacher par la pollution générée par l’activité humaine et notamment les paquebots de passagers sur les bassins Est. Comment comptez-vous aborder cette question ?
H. M. : Je sais que la question environnementale et notamment la qualité de l’air à Marseille est très importante pour les habitants. Il faut progresser sur ce sujet mais honnêtement, le GPMM est très en avance sur les questions de transition écologique avec notamment les branchements électriques à quai des navires. A part en Californie, il y a peu de port qui font mieux dans le monde. Au Havre, on bénéficiait de la zone d’émission de souffre contrôlée (Seca) sur la Manche, ce qui n’est pas le cas en Méditerranée mais ça va peut-être changer. En attendant, on doit continuer à accompagner les armateurs qui sont volontaires pour moins polluer. La CMA CGM, bien connue ici, a déjà fait des choix stratégiques forts pour développer l’utilisation du gaz naturel liquéfié (GNL). On sait que Barcelone investit pour pouvoir avitailler les navires en GNL. On ne doit pas se laisser dépasser. On dispose déjà d’un terminal méthanier qui fonctionne bien et peut nous permettre de devenir un acteur de référence sur le GNL. Grâce à cet avantage, on peut aussi devenir le fournisseur principal de la Corse et de la Sardaigne pour la production d’électricité au gaz. Les premiers navires au gaz de CMA CGM arriveront à Marseille en 2021. Dans trois ans, nous serons prêts à avitailler en GNL.
La Présidente de la Métropole, Martine Vassal, et le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, ont récemment exprimé le souhait de réaliser une marina olympique entre le J1 et le J4. Etes-vous prêt à accéder à leur demande ?
H. M. : Je suis arrivé il y a seulement trois semaines et très franchement, il est un peu tôt pour me positionner sur ce sujet. J’ai remarqué qu’il y a plusieurs visions sur le territoire qui ne sont pas toujours convergentes entre les dockers, les élus et les aménageurs… On entend beaucoup de choses, de prises de paroles d’élus qui nous prennent parfois par surprise. Pour l’instant, rien n’est figé, on en parlera dans le cadre de la charte ville-port et au sein du conseil de surveillance ou toutes les grandes institutions sont représentées. Le port n’a pas attendu pour réfléchir à la question et une étude est en cours sur l’aménagement de cette partie entre le J1 et le J4. Elle nous donnera les informations utiles pour prendre notre décision.
Vous avez dirigé pendant longtemps Haropa, qui réunit les ports du Havre, de Rouen et de Paris sur l’axe Seine. Peut-on imaginer un regroupement similaire dans le Sud autour de Marseille et du Rhône ?
H. M. : Autour de la Seine, nous avions trois ports d’Etat avec des activités très complémentaires et leur rapprochement semblait une évidence. Ici, je pense retrouver la même situation autour de l’axe rhodanien. Un cluster a d’ailleurs déjà commencer à se structurer avec Medlink qui réunit les acteurs de la logistique et du portuaire autour du Rhône. Maintenant, on doit avancer pour faire évoluer la forme de cette collaboration. Pour Haropa, on avait choisi de créer un groupement d’intérêt économique (GIE) car il nous laisse toute liberté. Je trouve que c’est une bonne solution. Le port de Marseille doit développer son trafic vers le Nord, vers Lyon mais pas seulement. On doit aller plus loin et même vers l’Est, au-delà des frontières pour récupérer du trafic de marchandises. Sur la façade méditerranéenne française, il faudra discuter avec les autres ports comme Toulon ou Sète. Ça peut-être plus compliqué si on a des activités concurrentes mais il y a aussi des synergies sur lesquelles on peut travailler.
Comment comptez-vous développer l’hinterland du port ?
H. M. : Ici comme ailleurs, la bataille des ports se gagne à terre. Il faut par exemple développer le report modal vers le ferroviaire et le fluvial. Côte train, le GPMM a quelques succès récents à son actif avec la navette de Perrier entre Vergèze et Fos ou encore la liaison avec le terminal Suisse de Chavronay, un projet porté en partenariat avec le port du Havre. Il va falloir discuter avec la SNCf pour continuer à développer le rail mais ce ne sont pas le seuls acteurs. Il existe d’autres opérateurs avec qui on peut travailler. Enfin, il ne faut pas oublier la route. Sur les bassins Ouest, ce serait d’un intérêt national d’améliorer la desserte routière autour de Fos et de Miramas.
Il y a plusieurs sujets d’aménagement en cours avec Euroméditerranée (Mourepiane, Cap Janet, grande Joliette…). Avez-vous déjà rencontré l’établissement public pour en discuter ?
H. M. Le GPMM et Euroméditerranée sont deux organismes d’Etat sous la même tutelle. J’ai donc effectivement rencontré le directeur, Hugues Parant. C’est normal. Euroméditerranée est un partenaire naturel du port même si nous n’avons pas la même feuille de route. Nous avons de nombreux sujets sur lesquels on va collaborer et on en dira plus dans notre projet stratégique 2019-2023 qui sera présenté en juin prochain.
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(*) Entretien publié dans Le Digest Hebdo n°100 le lundi 13 mai 2019.