C’est pas parce qu’on a rien à dire
On se souvient de cette comédie hilarante qui conseillait de « ne pas fermer sa gueule », même si on n’avait rien à dire. On n’aimerait ne pas se souvenir par contre des deux élues qui se sont senti obligées de l’ouvrir après l’ignoble assassinat de deux étudiantes sur le parvis de la gare Saint Charles. La première, Sonia Nour, adjointe au maire communiste de la Courneuve, s’est autorisée à parler de « martyr » en évoquant l’auteur de l’acte affreux qui a ému Marseille et sa région. La seconde, suppléante du député de la France insoumise François Ruffin, Zoé Desbureaux, a volé au secours de la première qui est désormais écartée et privée de délégation dans sa ville. A ces deux glorieuses imbéciles, on pourrait conseiller de relire L’homme révolté d’Albert Camus : « Le jour où le crime se pare des dépouilles de l’innocence, par un curieux renversement c’est l’innocence qui est sommée de fournir ses justifications ». L’une et l’autre au lieu de se laisser aller à des élucubrations auraient pu aussi revisiter Voltaire : « Le fanatisme est un monstre qui ose se dire le fils de la religion. »
Motus et bouche cousue
Une fois de plus le sémillant nouveau député de Marseille, Jean-Luc Mélenchon se sera illustré à Paris. Il a notamment décidé de quitter la mission chargée d’étudier l’avenir de la Nouvelle Calédonie, au prétexte qu’elle est désormais présidée par Manuel Valls. « On ne saurait faire choix plus inapproprié. Monsieur Valls est un personnage extrêmement clivant, qui suscite de forts rejets du fait de sa proximité avec les thèses ethnicistes de l’extrême-droite » a ainsi écrit notre néo-Marseillais au président de l’Assemblée nationale, François de Rugy. Dire que Mélenchon ne fait pas dans la dentelle est un doux euphémisme. Pourtant, il sait se tenir et éviter de faire à bon compte le buzz. Il a ainsi assisté à Marseille à la conférence du professeur Yvon Berland qui introduisait l’année universitaire d’Aix-Marseille. Ce dernier n’a pas hésité à parler avec réalisme d’une question éminemment clivante, l’échec chronique que les étudiants enregistrent en première année qui atteint, dans certaines matières, 40%. L’universitaire préconise entre autres de mieux orienter les lycéens qui se destinent aux études supérieures dès la classe de seconde. Il n’a pas prononcé le mot de « sélection » mais on voit bien que la logique des réformistes passera à court ou moyen terme par là. M. Mélenchon est resté muet, pourtant ses militants se multiplient dans le secondaire et le supérieur pour mobiliser les troupes qui leur manquent pour la grande manif rêvée par les insoumis. Ils avancent notamment la menace de la sélection.
Ce qui est murmuré n’est pas dit
Il n’y a pas que la président Macron qui se veut maître des horloges. Dans son style, Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille et président de la Métropole, a rappelé dans le dernier numéro du Point qu’il était élu jusqu’en 2020. « Beaucoup imaginent des choses et surtout en leur faveur » s’est-il amusé en rappelant à propos de sa succession qu’il n’a « jamais parlé officiellement sur ce sujet ». Voilà qui ne calmera pas les ardeurs mais qui va relancer chez les Républicains les spéculations. Prudemment, après avoir hésité, Renaud Muselier qui était selon ses détracteurs sur la touche a relancé le match en ralliant le favori à la présidence de LR, Laurent Wauquiez. Il négocierait, selon quelques sachants, la commission nationale aux investitures dans laquelle Jean-Claude Gaudin montra longtemps son doigté. Cet outil « démocratique » est dans tous les partis un lieu stratégique pour gérer sa propre cause. Si Muselier y parvient, il verra les ralliements accourir. Pour faire une bonne bouillabaisse, il faut compter sur ceux qui aiment aller à la soupe.
Et s’ils la fermaient…
Nous parlons ici des poubelles qui ont un gros défaut de fabrication à Marseille. Leur couvercle ne fonctionne pas. Passent encore les odeurs mais c’est une catastrophe lorsque le mistral se met de la partie. La faute à qui ? Au fabricant ? A priori non, puisqu’à les regarder de près ces conteneurs semblent plutôt robustes et ils sont dotés d’une pédale qui permet aux personnes les plus faibles de les ouvrir avec un pied. Qu’est-ce qui cloche alors. Le ramassage, Mme la marquise. On sait que le fini-parti, un contrat unique par son audace, passé entre la municipalité et les éboueurs n’existe plus. Mais il a été remplacé par une autre pratique que l’on pourrait appeler « jamais fini, toujours parti ». Les riverains des quartiers du centre se battent tous les jours pour que les hommes de l’art fassent enfin leur travail : « vider les conteneurs et les replacer fermés ». Au lieu de cela nos champions de France du ramassage à grande vitesse les bousculent et coincent une fois sur deux les fameux couvercles entre les plots qui abritent les conteneurs. Un service entend tous les jours ces doléances mais elles ne semblent pas parvenir à ceux qui sont payés grâce à une des plus fortes taxes de l’hexagone. On a vu, il y a peu un patron distribuer ses bénéfices à ses employés pour les remercier de leur travail. Ici le seul bénéfice qu’on peut partager avec nos équipes de ramassage, c’est celui du doute.
Du passé faisons table rase
Il n’y a pas que Marseille qui a du mal à mettre en valeur les vestiges de son prestigieux passé. Aix-en-Provence connait ces mêmes tiraillements entre ceux qui veulent moderniser ce qui peut l’être encore et ceux qui voient, à l’occasion de travaux, revenir à la surface les traces du passé et doivent se résoudre, après les avoir admirées, à un nouvel ensevelissement. C’est le cas actuellement au lieu-dit des « Trois places », à proximité du palais de justice (photo). A quelques centimètres sous le bitume reposent des fortifications, des bâtiments, des calades, parfaitement intactes qui après avoir été étudiés seront à nouveau recouverts d’un linceul de béton et de goudron. Il en fut ainsi il y a quelques années pour un bel amphithéâtre de l’époque romaine qui, faute d’argent, s’est retrouvé sous le sable intact mais inexploité. Ainsi vont les patrimoines des villes. Ce qu’il y a de curieux c’est que, dans ces villes historiques, de nombreux propriétaires privés ont bénéficié de la loi Malraux pour rénover et profiter loin des regards du grand public d’un patrimoine immobilier opportunément classé. Un sénateur du Haut Var, Maurice Janetti, regardant les champs qu’il avait réussi à faire irriguer nous confiait un jour : « On ne se souvient pas de ce qui a été enterré ». Il n’avait pas tout à fait tort.
Une belle idée pour l’Estaque
Le département du Val d’Oise vient d’inaugurer à Auvers un très beau lieu consacré aux Impressionnistes. Le château, qui a appartenu un temps à la famille du député de Gardanne François-Michel Lambert, propose dans des salles rénovées un parcours très didactique pour suivre les Cézanne, Pissarro et autres Van Gogh. Ils avaient fait d’Auvers une villégiature idéale à quelques kilomètres de leur repère de Montmartre. Ils y ont vécu, en partie, leur soif de plein air et réalisé leurs œuvres en se frottant à la nature, ses couleurs, son mouvement, sa belle violence, son évidente vérité. On imagine volontiers Van Gogh trouvant refuge dans cette petite ville où il repose désormais après avoir vécu l’expérience douloureuse d’Arles où son talent a éclaté mais où son âme s’est noyée. Et puis, en écoutant la magnifique voix de Jacques Gamblin s’exprimer dans la très réussie scénographie d’Ysabel Sequeira nous conter Cézanne arpentant les rues et les champs de l’Oise lointaine, on s’est pris à rêver une semblable démarche à l’Estaque. On a cru comprendre que des projets étaient en gestation. Ce serait magnifique pour ce quartier de Marseille où les Cézanne, Braque, Derain, Dufy, Marquet, Friesz, Macke, Renoir, Guigou ou encore Monticelli ont posé leurs chevalets. Les croisiéristes au lieu de filer vers Aix, Saint-Rémy ou Arles, seraient sans doute ravis de s’attarder en si bonne compagnie.