Le Ravier de la crèche
On sait Jean-Claude Gaudin grand amateur de traditions pas toujours très catholiques. A commencer par les crèches ; c’est sans doute pour cela – nous lui faisons charité – qu’il n’a rien trouvé de mieux de sourire et d’en rajouter lorsqu’une des élus écologistes de Marseille a dû essuyer la bêtise crasse du sénateur Stéphane Ravier. Le Ravier de la crèche répondant à Lydia Frentzel qui lui promettait, au dernier conseil municipal, un rendez-vous pour lui disputer la mairie de secteur dont il a été maire a lâché cette ignominie : « oui dans quel hôtel et à quelle heure ! » Un maire du calibre d’un Jacques Chaban-Delmas, Dominique Baudis ou Raymond Barre aurait prié le malotru de s’excuser dare-dare. Hélas Gaudin ajouta son grain de sel à cette soupe grasse se faisant de facto le complice. Yves Moraine et les élus de la majorité furent du coup obligés de se joindre à la vague de protestations de l’opposition pour fustiger Ravier. Celui-ci, on s’en doute, n’en a cure même s’il risque jusqu’à 45 000 euros d’amende. Quand on a la haine on ne compte pas. Puis il répète à l’envi représenter le FN canal historique, c’est-à-dire Jean-Marie Le Pen. On n’a aucune difficulté à le croire ; tant le papa de Marine a tout au long de sa carrière fait montre de sa capacité à rire du pire. Ravier est aussi un fervent supporter de René Camus cet obscur historien, théoricien du « grand remplacement ». Il prétend qu’à Marseille et en France une population venue d’Afrique du Nord est en train de chasser l’autre. Mais depuis ce funeste conseil municipal c’est sans doute à un autre grand remplacement que songent les élus de la majorité et de l’opposition.
Oui mais, peut-être ben que oui ou que non
Jean-Luc Mélenchon a douché l’enthousiasme de ceux qui le verraient bien prendre la place de Jean-Claude Gaudin. Il lui faut une équipe et pas d’hologrammes mais des Marseillais en chair et en os capables d’affronter les colossaux défis que la ville devra résoudre pour accéder à la modernité. Il ajoute pour bien se faire comprendre qu’une « baguette magique » n’y suffira pas. Il souligne en creux que sans l’Etat, la deuxième ville de France risque sur bien des points de rester la dernière ville en termes de logements, d’emploi, d’accès à la culture, de transports. Il n’est pas le premier à en appeler à la puissance publique, pour tenir la cité hors de l’eau qui menace régulièrement de la noyer depuis 2600 ans. Il y va notamment de préserver son capital patrimonial. En 1688 un édit de Colbert avait ainsi donné ses lettres noblesses au savon dont depuis l’Antiquité les vertus étaient célébrées. Et aujourd’hui encore, alors que paradoxalement le musée de la Marine vient de fermer au palais de la Chambre de Commerce, on peut feuilleter les livres qui racontent comment ce produit marseillais sillonnait les mers du globe pour rejoindre ceux qui en faisaient tant d’usages. Pour revenir aux vœux de Mélenchon, l’Etat n’a en effet plus les yeux de Chimène pour cette ville impatiente et ingouvernable. Un exemple : Ce dernier vient de demander aux sociétés qui gèrent les portions à péage des routes et autoroutes de baisser leurs prix pour les usagers qui les utilisent pour aller travailler. A priori la société qui gère le Tunnel Prado Carénage n’a pas entendu la recommandation de l’Etat et la plainte lancinante des Marseillais. Le leader des Insoumis a raison : on ne soumettra pas, par la magie, la réalité.
Les étrangers ne sont pas étrangers à l’université
A l’unanimité de ses élus, l’université d’Aix-Marseille a refusé le principe d’une augmentation des droits d’inscription, pour les étudiants étrangers. Ils sont un peu plus de 9000 dans nos facultés, laboratoires de recherche et autres écoles supérieures. Il aurait été difficile de faire autrement lorsqu’on voit dans quelles conditions sont logés ces étudiants dans certaines cités universitaires. Leur situation dans le parc privé est pire encore, avec des prix aussi scandaleux que l’état des logements qu’on ose louer à Aix ou à Marseille. Pourtant, ils sont tous à leur niveau des vecteurs de propagande pour nos enseignements et notre recherche. Selon une étude de Campus France, l’accueil des étudiants étrangers coûte chaque année 3 milliards d’euros à la France et rapporte 4,65 milliards. Emmanuel Macron pour défendre ses ministres chargés de l’Education nationale et de l’enseignement supérieur argue des prix exorbitants pratiqués à l’encontre des mêmes étudiants et chercheurs aux USA, Canada et autre Grande Bretagne. Ce n’est pas faux, comme il est important de souligner que bien des dictateurs africains ou proches orientaux sont passés par leurs universités, les droits d’inscription n’étant pas une question insurmontable pour ces nantis. Restent les peuples oubliés dont les étudiants viennent quérir en France les armes intellectuelles qui leur permettront d’agir demain. Dans les années 90 par exemple l’Ecole de Journalisme de Marseille a formé des Algériens, Tunisiens, Marocains, Turcs, Egyptiens qui se destinaient dans leur pays aux métiers de l’information. C’était aussi une part du siècle des Lumières qu’ils découvraient sur le promontoire du Pharo. Et ce fut un privilège immense pour l’université de la leur transmettre.
Le nouveau et l’ancien monde
Dans quelques semaines la poste de Lacédémone dans le sixième arrondissement ne sera plus qu’un souvenir. Celui notamment de files d’attente où se nouait un lien social… pour râler, le plus souvent, après l’administration. C’est fini pour des raisons évidentes d’économie. Pour autant, à quelques kilomètres de là, dans ce qui s’apprête à être un joyau, les cadres supérieurs de cet établissement public vont s’installer dans l’ancienne poste centrale de Marseille. A Colbert, comme on dit à Marseille, ils bénéficieront d’un jardin intérieur, de bureaux lumineux, d’un accueil au public performant. Ainsi va la poste lorsqu’elle se revendique aussi banque. Celle de Lacédémone n’a pas pour autant totalement disparu. Une infime partie de ses services ont migré rue Pointe à Pitre. C’est un relais où l’on peut encore expédier et recevoir colis et missives. Installé dans une épicerie fine, où l’on trouve exclusivement des produits du terroir provençal. Du coup c’est une nouvelle forme de lien social qui apparait chez Francette, la bien nommée. Georges Moustaki, s’adressant à Madame Nostalgie réclamait son dû de vie : « Je veux entendre des orages, respirer des jardins sauvages, voir le soleil et la pluie. » Moins onirique La Poste dit, elle, dans son slogan « Ce que l’avenir vous promet, La Poste vous l’apporte ».Oui mais pas sans les petits commerces.
La mère des batailles : les transports
Ils sont à l’origine pour beaucoup du mouvement des Gilets Jaunes. Les transports sont désormais la priorité des priorités pour les élus. Il était temps. Renaud Muselier président de la région Paca vient de pactiser avec la SNCF pour améliorer autant que faire se peut des dessertes par train. Il annonce aussi le développement de Totem-mobi, dont les quatre roues électriques sont de plus en plus visibles dans le centre-ville de Marseille. Martine Vassal présidente du département ne pouvait être absente de cette politique volontariste. Elle y va donc de ses tramways dont une ligne pourrait rallier les Catalans malgré le scepticisme de la maire de secteur Sabine Bernasconi. Comme elle imagine ce même transport en commun reliant Aubagne à Auriol. Il faudra précise Mme Vassal que l’Etat fasse preuve de solidarité en mettant la main à la poche comme il l’a fait pour le grand Paris. Même s’il faut raison garder, ces volontés exprimées vont dans le bon sens car, en dehors des économies qu’il y a à attendre pour les utilisateurs, il y va de la pollution. La Métropole affiche des records désastreux et ils gangrènent peu à peu l’attractivité de Marseille qui ne supportera plus longtemps qu’on lui pompe l’air.
Vasarely comme Cézanne
C’est l’une des caractéristiques aixoises. La ville a une fâcheuse tendance à rejeter ou simplement mépriser ses enfants les plus prodigues. Ainsi fut fait de Mirabeau, coupable, il est vrai, d’être apparu en tenue de nuit au balcon d’une de ses maîtresses. De Cézanne accusé de débauche et dont les baigneuses provoquèrent la concupiscence autant qu’elles provoquèrent les commentaires acerbes des Tartuffe provençaux. Il en fut ainsi d’Emile Zola, ami du peintre, qui chercha gloire sous d’autres cieux car la fibre sociale n’était pas très présente à la terrasse des Deux Garçons. D’autres encore ont eu à souffrir de ces bonnes gens d’Aix, même si quelques-uns montrèrent courage lorsqu’il s’est agi, par exemple, de venir en aide au compositeur Darius Milhaud, menacé par la collaboration antisémite. Victor Vasarely, d’origine hongroise, fut aussi quelque peu boudé, même si sa nécessaire fondation a longtemps joué un rôle important dans la vie culturelle régionale. Aujourd’hui, le Centre Pompidou (Beaubourg) propose de redécouvrir, 300 œuvres aidant, l’art optique du maître. Il a marqué par sa production féconde l’art moderne ; mais aussi l’architecture ou encore la publicité. Jusqu’au 6 mai, on peut découvrir à Paris ce « continent Vasarely ». Et de retour inciter les Aixois à se déplacer jusqu’au Jas de Bouffan. On leur rappellera que c’est sous la municipalité de Félix Ciccolini que fut prise la décision d’adopter Victor Vasarely et de faire de son musée un joyau du patrimoine aixois. L’artiste écrivait alors : « Le choix d’Aix-en-Provence – en dehors du geste de la municipalité et du dévouement des personnalités de la ville – a été dicté par le riche passé d’Aix-en-Provence, ses activités artistiques et architecturales, son festival réputé, son réseau autoroutier exceptionnel, enfin, mon admiration pour Cézanne : en effet, la Fondation se situe au lieu-dit Jas de Bouffan, où l’initiateur génial des arts plastiques du présent a vécu ! »