On le supputait à Marseille, on l’envisage désormais à Paris. Ainsi va la politique avec la nouvelle donne et ce parti, En Marche, sorti, il y a un plus d’un an, de nulle part. Quoique ! La valse hésitation des supporters de Christophe Castaner témoigne de mœurs plus anciennes. Si les municipales ne sont pas encore un objectif clairement identifié, c’est parce que, à LREM comme ailleurs, on sait que l’art de la guerre politique est une patiente partie d’échecs. L’ancien maire de Forcalquier, aujourd’hui ministre et porte-parole du gouvernement, sait d’expérience qu’il est parfois urgent d’attendre. Deux analyses se percutent pour lui. La dégringolade dans l’opinion publique d’Anne Hidalgo d’une part, qui rend Paris prenable. Les alliances en train de se nouer ou de se dénouer à droite à Marseille, qui font un peu plus ouverte encore la succession de Jean-Claude Gaudin. Autres éléments à comparer : à Paris la droite peut se diviser entre les durs (Rachida Dati) et les réformistes (Valérie Pécresse) ; à Marseille Jean-Luc Mélenchon et les Insoumis ne laisseront pas passer l’occasion, si Castaner se présente, d’affronter un poids lourd du macronisme. Comme on le dit à Borély : les jeux ne sont pas faits.
Vladimir Oulianov pas mort…
Dans les « Ecrits sur la littérature » un échange épistolaire entre Vladimir Oulianov dit « Lénine » et son ambassadrice en Suède. Cette dernière s’étonne des valises de roubles que le camarade leader de la révolution d’Octobre lui envoie, alors que le peuple crève de faim à Moscou. Lénine lui répond : « il faut que nos ennemis nous croient forts ». Traduction : un mensonge est véniel lorsqu’il sert la cause. On a sans doute lu le père de la révolution à la CGT. Lors de la dernière grande manifestation une dizaine de médias ont fait appel à un cabinet pour mesurer électroniquement le nombre de participants à Paris. Résultat un chiffre proche de celui de la préfecture de police soit un peu plus de 50 000 personnes. A Marseille, qui a une réputation indécrottable pour l’exagération, la CGT et ses relais médiatiques n’ont pas hésité à annoncer 55 000 manifestants. Quand on sait que la centrale vise « la confluence des luttes », la prochaine manif devrait tangenter les 100 000. Bon après tout, comme il s’agit de battre le pavé, nos observateurs engagés comptent peut-être les jambes.
Vieillies prématurément…
C’est encore une tradition marseillaise. Les travaux n’en finissent pas de finir (photo archives). En témoignent les accidents, petits et gros accrochages, qui se succèdent quotidiennement à hauteur des échangeurs qui, sur l’A50 et l’A7, soit à l’Est et au Nord de Marseille, devraient être achevés pour accueillir les flots roulants de la L2. Comme on le dit à Toulon pour les matches de rugby « ça tape fort». Les lignes au sol pointillées ou continues étant toujours jaunes, les automobilistes et autres motards sont priés d’être vigilants. Les habitants d’Aix, de Marseille ou d’Aubagne, obligés de se déplacer ont perdu au minimum une heure par jour depuis le début de ces chantiers soit en quelque dix années plus de 150 jours passés dans leur véhicule. Et aucune trace de ce temps gâché. Enfin si, les tags qui ont peu à peu recouvert les ouvrages des futurs échangeurs. Strate après strate ils se sont accumulés. Un peu la grotte Cosquer des temps présents, l’humanité en moins.
Le rêve de la contagion
Les Insoumis et la CGT même combat. On n’en est pas encore là et les amis de Mélenchon se gardent bien d’irriter la centrale de Philippe Martinez, en occupant plus de place qu’il n’en faut sur « le terrain des luttes ». Les uns et les autres comptent sur la contagion pour agglomérer des revendications qui, à défaut d’avoir quoi que ce soit en commun, peuvent faire foule et donc « masse populaire ». La CGT appelle désormais les éboueurs à la grève ce qui, à Marseille, ne manque pas de sel. 50 ans après Mai 68, il est même plaisant de constater qu’elle se réjouit de voir les étudiants entrer, peu ou prou, dans cette lutte qui se rêve finale. 15 universités sur 74 seraient plus ou moins occupées et les nostalgiques du Gud ont bien aidé à Montpellier par leur brutalité imbécile, à élever au rang de martyres, quelques militants de l’Unef. En ces heures où le passé bégaie, ils sont songeurs les sexagénaires ou septuagénaires, notamment à Marseille, à se souvenir du temps où la CGT cassait de l’étudiant, pendant que ses leaders rencontraient, en douce, un jeune et fringant Jacques Chirac pour en finir avec les grèves. Bon, comme on le chante encore dans les cortèges, « du passé faisons table rase ». Ca n’empêchera pas la mémoire de rester vivante.
Drôles de chantier
Confidence d’une policière à un plaignant qui vient déposer une « main courante ». « C’est incroyable ce n’est qu’ici que l’on voit des choses pareilles ». Le Marseillais du jour dénonçait du vandalisme dans une association à but non lucratif. Passons. On pourrait reprendre l’appréciation de la fonctionnaire en découvrant le préjudice que subissent les entreprises du bâtiment, chaque année, dans notre département. 50 millions d’euros disparaissent, le brigandage visant le matériel, les matériaux voire des installations entières. A l’instar des grandes surfaces, les entreprises visées ont pris l’habitude d’inclure le pourcentage de ces pertes sèches dans leurs budgets prévisionnels. Il n’est pas sûr qu’elles ne répercutent pas ces sommes sur les factures que doivent honorer leurs clients. Tout le monde au final est perdant, à l’exception notable de ce petit monde parallèle qui se nourrit sur la bête. Le bâtiment souffre dit-on, d’un déficit de main d’œuvre. Le jour sans doute, mais la nuit…
Au nom de la loi
C’est un pauvre homme. La nuit il trouve refuge entre quelques cartons quelque part dans le village de la Valentine. C’est un coin tranquille, que le petit Marcel Pagnol a dû traverser, lorsque son père instituteur osait emprunter le chemin qui borde le canal de Provence et serpente paresseusement jusqu’au pied du Garlaban. Un riverain observe le pauvre hère grelotant chaque nuit dans son abri de fortune. Et il constate que les cartons protègent du froid mais pas de la pluie, qui les réduit en pauvre éponge. Le voisin du SDF file du coup un jour acheter une tente pour le malheureux. Il la lui offre discrètement et recueille en retour le regard ému aux larmes du bonhomme. L’anecdote pourrait s’achever sur cette note d’espoir. Las, la police vient rappeler au sans abri que le camping sauvage est interdit, même la nuit sur la rive d’un rond-point où personne ne s’en plaint. Le réconfort n’est pas un article de loi.