Didier Réault, président du parc national des calanques, fait pour Gomet’ le bilan de l’incendie du 5 septembre qui s’est déclaré à Luminy avant de se propager sur la Gineste et rappelle les mesures de sécurité. Celui qui est également l’adjoint à la mairie délégué à la mer, estime que le coup de gueule de Jean-Claude Gaudin auprès de Ségolène Royal a permis d’accélérer les choses pour la mise en place de pistes de protection des forêts contre l’incendie.
Quelle est l’étendue des dégâts provoqués par l’incendie du 5 septembre ?
Didier Réault : Ce sont d’abord 300 hectares qui ont brûlé, le problème c’est que cela fait plusieurs fois au cours des trente dernière années, et à chaque fois la terre s’appauvrit, et pour peu qu’il pleuve après le feu, le ravinement aggrave les choses. Depuis une dizaine d’années nous avions obtenu une régénérescence de cet espace. La flore et la faune retrouvaient leurs habitats, notamment les reptiles emblématiques des calanques, et donc tout cela a disparu. Les gros animaux ont réussi à fuir mais pas les plus petits. [pullquote]La flore et la faune retrouvaient leurs habitats, notamment les reptiles emblématiques des calanques, et donc tout cela a disparu.[/pullquote]Le feu provoque une fragilisation des habitats de ces espèces, des falaises et des éboulis. Et en termes de paysage, il est bien sûr catastrophique de voir la montée de La Gineste et le plateau de Carpiagne dans cet état. Il s’agit d’un vrai désastre, à la fois pour l’écosystème du parc national et pour la qualité du paysage.
Heureusement nous avons évité le pire car nous aurions pu perdre une bonne partie du littoral du parc avec En-Vau, Port Pin, peut-être à un moment donné Morgiou et Sormiou selon les vents, et la ville de Cassis qui était très menacée. Nous sommes confrontés une nouvelle fois à cette plaie, à cette brûlure, qui concerne la nature du parc.
Combien de temps faudra-t-il pour que la nature se régénère ?
D. R. : La nature se régénère dès le début, elle va commencer dès l’année prochaine mais nous ne le percevrons pas. Il faudra 10 à 15 ans pour que la faune et la flore reviennent dans des conditions à peu près correctes. Un travail va être mis en place à partir de la semaine prochaine pour que le terrain soit en grande partie stabilisé, avec l’ONF, les agents du parc, les marins pompiers, les sapeurs pompiers. [pullquote]Il vaut mieux laisser faire la nature seule au début, et ensuite l’aider en sélectionnant les espèces qui ont commencé à repousser.[/pullquote] Des travaux forestiers vont être entrepris au long des prochains mois pour éviter que la terre ne se ravine avec la pluie et le vent. Nous n’avons pas d’objectif de replantation, cela se pratiquait il y a quelques années mais les professionnels de l’ONF et forestiers sapeurs nous disent que ce n’est pas une bonne solution. Il vaut mieux laisser faire la nature seule au début, et ensuite l’aider en sélectionnant les espèces qui ont commencé à repousser.
Avez-vous renforcé les mesures de sécurité pour protéger le parc ?
D. R. : Nous avons rappelé les mesures de sécurité, qui sont des mesures de bon sens : ne pas fumer dans les calanques, ne pas déclencher de feu, éviter les moteurs trop chauds, comme moto, quads, évidemment ne pas faire de barbecue, et essayer d’être vigilant à ce que font les gens autour de vous pour pouvoir rappeler éventuellement les bonnes consignes de sécurité.
Jean-Claude Gaudin a réclamé hier à Ségolène Royal d’accélérer la mise en place de pistes DFCI (défense de la forêt contre l’incendie) destinées à faciliter l’intervention des secours. Où en est ce dossier ?
D. R. : Nous sommes dans l’élaboration d’un plan massif qui intègre le positionnement de citernes et la création ou modernisation de pistes DFCI, depuis plusieurs années, entre la Ville, le parc, les sapeurs pompiers, les marins pompiers et les services de l’Etat. Ce plan massif est quasiment au bout, il bute sur des interprétations de textes réglementaires que doivent faire appliquer certains organismes de l’Etat dont la Dreal.[pullquote]Jean-Claude Gaudin a eu raison de rappeler l’urgence de la situation et je crois savoir que le ministère de Madame Royal a demandé que les procédures s’accélèrent. [/pullquote] Donc si l’on veut accélérer le processus, il faut que ces textes soient étudiés avec l’esprit qui doit prévaloir, c’est-à-dire protéger la nature. Si on les regarde à la lettre, on protège la nature d’aujourd’hui mais pas celle de demain. Et celle de demain risque de disparaître définitivement si nous n’avons pas les moyens de lutter contre les incendies et contre d’autres agressions. Bref, il faut absolument que l’interprétation réglementaire et administrative se bouge, et donc que les services de l’Etat chargés de le faire, pour certains particulièrement tatillons, aient conscience des priorités.
Aujourd’hui la priorité est de pouvoir protéger la nature lorsqu’elle est en danger, et elle l’est, et la priorité numéro 2 consiste à protéger ce qui doit être protégé aujourd’hui mais qui ne le sera plus si le feu est passé ! Donc il faut trouver la bonne mesure. Je pense que Jean-Claude Gaudin a eu raison de rappeler l’urgence de la situation et je crois savoir que le ministère de Madame Royal a demandé que les procédures s’accélèrent, ce matin.
Lors de sa conférence de presse, Jean-Claude Gaudin a mis en cause les médias qui feraient trop de publicité lors des journées à risques d’incendie. Qu’en pensez-vous ?
[pullquote] On peut informer sans faire du sensationnel[/pullquote] D. R. : Je pense qu’il est important d’informer. Les jours à risques, il y a des zones que l’on ne doit pas fréquenter, des gestes de prudence à respecter. Il faut rappeler que 70% des départs de feux sont d’origine accidentelle. D’où les messages de vigilance à répéter. Mais on peut informer sans faire du sensationnel, c’est je crois ce qu’a voulu dire Jean-Claude Gaudin, en pensant notamment aux chaînes d’informations qui rediffusent en boucle des images très spectaculaires et qui peuvent finalement devenir incitatives pour ceux qui veulent passer à l’acte.
[Propos recueillis mercredi 7 septembre 2016]
Lien utile:
Pistes et citernes: la réponse de l’Etat à Jean-Claude Gaudin
Extraits du communiqué du Parc national des Calanques au lendemain de l’incendie de Luminy – La Gineste. 6 septembre 2016. Incendie du lundi 5 septembre au coeur du Parc national des Calanques.
(…) Les versants Est de Luminy et la plaine de la route de la Gineste ont été fortement impactés par l’incendie, qui a principalement parcouru des formations de garrigues et de jeunes pinèdes. Trois habitats naturels d’intérêt communautaire (considérés comme rares et fragiles par l’Union européenne) ont été concernés : falaises, éboulis et pelouses calcaires. Les sols et leurs humus ont également été affectés. L’impact paysager est également important : la zone touchée se situe en effet aux abords de la cité universitaire de Luminy et de part et d’autre de la route de la Gineste, route touristique et de transit traversant le coeur de Parc national. Toutefois, aucun des grands sites paysagers littoraux des Calanques, aucun site écologique majeur et aucune porte d’entrée touristique du Parc national n’a été impacté. Dans les prochains jours, le Parc national des Calanques conduira, en lien avec ses partenaires, une évaluation de l’impact écologique du sinistre.
Le Parc national rappelle que la répétition des feux est un facteur préoccupant sur la pérennité des milieux naturels et des paysages. Par ailleurs, les conséquences de l’incendie aggravent les risques d’érosion des sols et de dégâts des eaux en cas de fortes pluies. Le contexte périurbain du territoire, au coeur de la métropole Aix-Marseille Provence, soumet le Parc national des Calanques à de très fortes pressions, dont les principales sont les pollutions, la fréquentation intensive et le risque de feux de forêt. La réduction du risque d’incendie figure ainsi, dans la charte du Parc national, comme l’un des 5 défis majeurs.
Parmi les actions menées pour prévenir et lutter contre les incendies, l’établissement public du Parc national, les villes de Marseille et de Cassis travaillent depuis plusieurs mois sur un plan de protection des forêts contre l’incendie en lien avec le BMPM, le SDIS 13, l’ONF et les services de l’Etat. (…)