À quelques poussières près, Benoit Hamon aura frôlé le score d’un de ses illustres aînés du parti socialiste, Gaston Defferre et ses 5% de 1969. Sauf qu’entre temps on a changé d’époque, que François Mitterrand a régné 14 ans et François Hollande 5. Il ne reste de ces 19 glorieuses qu’un champ de ruines. Sans doute dans les Bouches-du-Rhône plus qu’ailleurs. En fait, le département sur lequel régnèrent sans partage les socialistes pendant un demi-siècle a achevé sa mue qui le fait ressembler aujourd’hui, à s’y méprendre, à deux de ses voisins les Alpes-Maritimes et le Var. Pire la barre à droite a viré, de manière très significative ce dimanche, à l’extrême droite.
Il n’est plus temps pour le PS et ses alliés écologistes d’en tirer les leçons. Ils sont définitivement effacés de la carte électorale. Dans quelques semaines, à moins d’un sursaut difficile à imaginer, ce champ politique-là intéressera moins les politologues que les ethnologues, qui viendront examiner de près cet objet de recherche pour tenter de comprendre sa disparition. Patrick Mennucci, Mairie-Arlette Carlotti, Jean-David Ciot, Samia Galli, et autres Benoit Payan, ont désormais la lourde tâche de convaincre les maigres troupes qui leur restent, qu’un avenir est encore possible.
Ils vont appeler à voter Emmanuel Macron mais rien ne dit que les troupes d’En Marche veuillent les intégrer dans leurs rangs, voire participer à des négociations à l’ancienne qui tenaient dans nos quartiers et nos villes roses, plus du marchandage de souk que d’une quelconque réflexion idéologique. Au passage, ils ont perdu aussi leur capacité d’apporter une aide à ceux qui furent leurs alliés, les communistes. Ces derniers ont à Marseille et ailleurs dans le département accepté de s’effacer au profit de l’aventure solitaire de Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier a refusé de donner ce dimanche quelque consigne que ce soit à ses supporters, renvoyant la responsabilité de cette décision aux 400 000 supporters qui selon lui l’ont porté. Comme l’aurait dit Staline, il n’est pas sûr qu’à l’arrivée cela fasse beaucoup de divisions. Le PC lui aussi, ici comme en France, a joué et perdu et les prochaines semaines n’annoncent pas sa renaissance.
Est-ce que le « macronisme » a une chance d’émerger durablement dans ce département et cette ville ?
À droite, même si François Fillon devance souvent Marine Le Pen à Marseille et dans le 13, la défaite du premier tour fera à coup sûr des victimes. Jean-Claude Gaudin a malgré tout effectué le service minimum pour soutenir le candidat des Républicains. Puis il a emboîté le pas des Muselier, Estrosi et autres ennemis intimes, pour appeler à son tour à voter Macron. Mais il n’a pas pour autant pu éviter que la vague Marine gonfle et que le FN s’enkyste durablement dans le paysage marseillais, comme dans la métropole. Il y aura immanquablement des règlements de compte à venir et il sera par exemple intéressant, si Robert Assante est adoubé par le parti de Macron, de voir si les Républicains marseillais feront corps pour éviter un retour de bâton à l’égérie de Fillon députée sortante, Valérie Boyer.
Reste une inconnue : est-ce que le « macronisme » a une chance d’émerger durablement dans ce département et cette ville qui ne votent jamais tout à fait comme le reste de l’Hexagone ? La compétence et le talent ne suffisent pas toujours dans ces terres imprévisibles à vous faire élire. On dit enfin que les gens du sud sont souvent exagérateurs. Ce dimanche ils l’ont été une fois de plus, au profit du FN. Il serait coupable que les socialistes ou les Républicains s’en lavent les mains.