Bergeron, Blondel, Mailly, ils sont nombreux les premiers secrétaires généraux de Force Ouvrière à être venus à Marseille le verbe haut et la mine outragée pour dire combien leur centrale syndicale était ici à Marseille exempte de tout reproche. Et surtout n’allez pas dire qu’il y a – comme au plus beau temps du PC stalinien avec la CGT – une courroie de transmission entre la majorité municipale locale et le syndicat majoritaire chez les territoriaux ou les hôpitaux marseillais.
[pullquote] Jean-Claude Gaudin, adhérent d’honneur.[/pullquote] Ce n’est pas en effet parce que FO a gratifié fin 2014 le sénateur-maire de Marseille d’une carte d’adhérent d’honneur qu’il y aurait quelque rapport incestueux entre le politique et le syndicalisme local. Comme il faut rejeter – promis juré parole de Patrick Rué, secrétaire général de FO-Territoriaux – toute intervention du syndicat dans les recrutements de la ville. Et de la même manière il faut s’ôter de l’esprit que la puissance de frappe (électorale) de ces militants du monde ouvrier aurait quelque conséquence que ce soit sur les décisions politiques.
On avait failli y croire avec la remise en cause du « fini-parti ». Cet accord qui démontre la supériorité définitive de Marseille sur Paris ou en tout cas de la puissance et de l’aisance de camions bennes à ordure pour se faufiler dans un labyrinthe urbain. D’aucuns – ceux qui paient des impôts pour ce service – avaient même cru entendre que désormais ce serait « pas fini, pas parti ». Ils en étaient d’autant plus heureux que la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) est la plus élevée de France (plus de 150 euros, la moitié à Lyon).
Et puis réveil douloureux après la trêve des confiseurs concédée dans un beau geste par le syndicat. La nouvelle est tombée avec son cortège de souvenirs honteux et autant de menaces. «Le syndicat a tout fait pour maintenir le dialogue y compris en retardant un préavis qui aurait dû intervenir pendant les fêtes de Noël, a indiqué la confédération FO. Aujourd’hui, on demande aux agents de travailler encore plus avec toujours moins. Avec, pour seule reconnaissance, une avalanche de remontrances et de rappels à l’ordre. Et un flicage illégal à coup de GPS!»
Cette patate chaude est tombée dans les mains de Guy Teissier député et président de Marseille Provence Métropole en charge depuis sa création de ce problème récurrent. L’ancien para, on le sait, n’est pas homme à s’embarrasser de circonvolutions. Il va falloir qu’il affronte ce que Gaudin a toujours contourné. Une fois de plus la ville qui avait fait quelques petits pas en avant va faire un grand bond en arrière.
Va-t-on en revenir à cette enquête de la Chambre régionale des comptes (2007) qui avait révélé que les éboueurs marseillais travaillaient en moyenne 3h30 quand leur service est payé 7 heures ? En 2013 Le Nouvel Observateur publiait un témoignage d’un éboueur parisien qui travaillait de 6h10 à 13h10 (tournée du matin) ou de 13h10 à 20h10 (tournée du soir) pour un salaire primes comprises de 1700 euros mensuels. Soit quasiment la même chose qu’à Marseille mais pour beaucoup plus d’heures travaillées.
[pullquote]L’histoire commence en pleine Guerre Froide au cœur du XXème siècle.[/pullquote]Guy Teissier, dont l’humour n’est pourtant pas la première qualité, avait déclaré qu’il voulait en finir avec « les 24 heures du Mans des éboueurs ». Il devra si l’on en croit FO se passer de compteur et de GPS. Et il aura, pour tenter de comprendre la puissance de ce syndicat, à se plonger dans les livres d’Histoire qui disent que depuis 1953, FO travaille main dans la main avec la mairie de Marseille.
Alors, en plein maccarthysme, les services secrets américains avaient les yeux de Chimène pour cette CGT-FO pouvant faire barrage au communisme et endiguer la puissance de la CGT maîtresse du port de Marseille. Lieu stratégique par où transitait la manne du plan Marshall. Defferre a favorisé l’éclosion du syndicat dans son journal (rarement touché par quelque grève que ce soit) la mairie, les hôpitaux. Gaudin (UMP) qui a souvent revendiqué la manière de faire de la politique de Defferre a pérennisé cette tradition. Et l’intermède Eugène Caselli (PS) à MPM n’y a rien changé. Et c’est ainsi que nos poubelles se retrouvent dans le ruisseau. Et c’est pas la faute à Rousseau.
(Illustration: le président Guy Teissier entouré de tous les maires de secteur de Marseille concernés par la grève des éboueurs, réunis jeudi 22 janvier au matin au siège de MPM pour faire front commun face à … Force Ouvrière. Crédit J-F. E.).