Aux Terrasses du Port, alors que les clients commencent à s’agiter et se lancent dans la course aux cadeaux de Noël, un tout autre décor prend place quelques dizaines de mètres plus bas. Gargantuesque centre commercial abritant 190 enseignes (lire notre série Grand Angle), son immensité laisse présager des rejets en déchets quotidiens qui le sont tout autant. Les tri prend alors tout son sens. La multinationale Veolia et Elise (Entreprise Locale d’Initiatives au Service de l’Environnement) ont donc conclu un partenariat destiné à traiter toutes les ordures déversées chaque jour par les différents magasins des Terrasses du Port.
“L’objectif qui est fixé en terme de revalorisation de nos déchets est de 75 %”, souligne d’emblée Sandra Chalinet, directrice des Terrasses du Port. Mais la tâche est ardue, d’autant plus quand la question du tri des déchets n’est pas une pratique très répandue de nos concitoyens et ne fait pas souvent partie des considérations prioritaires des commerçants. “Nous faisons un travail pédagogique de fourmi sur le terrain. Nous avons mis en place des poubelles spécifiques pour les bio déchets. Nous avons mis l’accent sur l’effort d’organisation, de signalétique, et distribuons guides et dépliants aux commerçants. C’est une sensibilisation au quotidien”, détaille Sandra Chalinet.
Le travail semble porter ses fruits quand on sait qu’aujourd’hui, 63 % des déchets des Terrasses du Port sont revalorisés chaque mois alors que la moyenne dans les centres commerciaux hexagonaux atteint les 40 %. Le coût de charges d’un tel effort (30 000 euros mensuels) semble dérisoire pour un ensemble de cette ampleur. “Plus on trie ce que l’on collecte, moins cela coûte cher. C’est le cercle vertueux du recyclage”, énonce logiquement Joël Gentil, directeur régional Véolia Méditerranée Recyclage et Valorisation des déchets.
Tri des déchets et démarche solidaire
D’énormes postes fixes compacts sont installés dans les sous-sols. “Certains contiennent du carton et du plastique. Un système bi-flux permet de les stocker séparément”, explique Zouhir Boudi, chef de site Véolia. Six à neuf tonnes de déchets y sont compactées. “On trouve essentiellement du plastique ainsi qu’un peu de ferraille et de verre”, précise Joël Gentil. Bien que le tri s’adresse essentiellement aux enseignes de textiles majoritairement présentes aux Terrasses du Port, véritables usines aux innombrables cartons et emballages, les lieux de restauration ne sont pas en reste dans la démarche, avec une benne à bio-déchets à leur disposition. “Le carton, le plastique et le verre vont à Marignane où des prestataires les rachèteront, les bio-déchets sur notre site de Septèmes-les-Vallons et le bois vers d’autres exutoires”, finit-on de préciser du côté de Véolia.
Le partenariat noué avec l’entreprise Elise permet d’insérer dans ce processus de tri des gens éloignés de l’emploi et de la vie active. “Notre mission est de leur remettre le pied à l’étrier. C’est une démarche est sociale”, commente Frédéric Ghossoub, directeur d’Elise Méditerranée, qui met son savoir-faire au profit des Terrasses du Port, forte des 60 tonnes de papiers par mois qu’elle gère sur Marseille. L’activité de tri des déchets a généré ici cinq emplois solidaires, dont celui de Rokia. “Avant cela, j’étais maître-chien, mais j’ai dû me reconvertir”, retrace celle qui est désormais chef d’équipe. “Je n’étais pas du tout sensibilisée à la question du traitement des déchets, mais je m’ y intéresse de plus en plus”.
Un travail de sensibilisation des commerçants
Les 190 enseignes des Terrasses du Port sont donc incitées à procéder au tri des déchets. “Le tri est très simple à faire, mais changer les mentalités n’est pas évident”, déplore Zouhir Boudi, coordinateur du tri. “On joue sur la sensibilité à l’environnement, sur le respect des collecteurs”, ajoute-t-il. Bien que le tri par les commerçants soit fortement recommandé par la direction, aucune force contraignante n’aide les collecteurs dans leur mission. “C’est surtout une obligation morale, même si on avait pensé mettre des amendes à ceux qui ne le font pas. Nous avons privilégié le dialogue”, constate-t-il.
Thomas, employé du magasin de vêtements pour enfants Orchestra, est aussi préposé à la gestion des déchets. Il donne le la du tri et prend sa mission à coeur. “Cela ne me prend qu’une minute et aide les collecteurs”, explique-il et se désole de “l’égoïsme de certains qui ne respectent pas ce travail”. Au regard des 500 kilos de cartons qu’il collecte hebdomadairement, son acte citoyen le conforte dans sa démarche.