Ce discours sur la légalisation du cannabis (lire notre premier volet) aujourd’hui est inaudible et très minoritaire.
Jean Viard : Il est inaudible en France mais dans de nombreux les choses changent, notamment aux Etats-Unis où de nombreux Etats ont autorisé la consommation en particulier de la production plantée chez soi (voire notre infographie plus bas). Aux Pays-Bas … Et l’exemple du Portugal est également extrêmement intéressant. Ils ont autorisé la consommation mais en même temps il y a des campagnes à la télévision pour dire que le haschich c’est extrêmement dangereux pour les jeunes. La consommation baisse.
[pullquote]Chez nous, sous prétexte que c’est interdit, il n’y aucune information.[/pullquote]Chez nous, sous prétexte que c’est interdit, il n’y aucune information. Quand on regarde les drogues, toutes ne sont pas équivalentes. Dans les quartiers Nord, quand ils vont fumer, ils ne prennent souvent pas le produit qu’ils vendent et dans lequel il peut y avoir du verre pilé pour alourdir la dose; ou ils vont « râper du pneu » pour augmenter le volume. Et donc « ils vont te faire fumer de la merde » si je peux permettre. Et c’est bien sûr encore plus dangereux que de fumer du haschich. Je crois que l’on est donc à côté de la plaque, que le monde est entrain de bouger et que la France, encore une fois, risque d’être le dernier des pays à évoluer. Nous sommes devenus horriblement conservateur sur de nombreux sujets
Comment faire alors ?
[pullquote]On généralise aujourd’hui, dans la jeunesse, le rapport avec les voyous.[/pullquote]J. V. Il faut s’organiser différemment. Comme pour l’alcool, avec des interdictions précises comme dans les stades, des contrôles. Comme les controles dans les voitures. Pourquoi il n’y a pas un contrôle de la drogue aussi ? Il faut qu’il y ait des taxes, il faut que ça rapporte de l’argent, il faut que ce soit produit par des paysans français pour interdire l’importation. Et je voudrais insister sur une chose : on généralise aujourd’hui, avec le système actuel, dans la jeunesse, le rapport avec les voyous. Et ça c’est dramatique.
[pullquote]La bataille que l’on mène est une bataille réactionnaire[/pullquote]Parce que les jeunes, ils sont habitués à avoir des potes voyous qui leur trouvent de la drogue. Et ça c’est terrible parce que la distance entre les voyous et les autres, qui ne le sont pas, est en train de se diluer. Encore une fois, la bataille que l’on mène est une bataille réactionnaire, d’arrière garde. On ne veut pas comprendre les nouvelles règles de la société des loisirs, y compris les règles de transgression.
Et donc on refuse d’inventer de nouvelles protections. On reste dans le discours comme trop souvent en France et on ne pleure même pas tous ces jeunes qui s’entretuent !
Oui mais donc, comment faire bouger les lignes ?
J.V. Je vais vous dire ce qui peut faire bouger les lignes. Malheureusement, on a si besoin des policiers aujourd’hui pour lutter contre les attentats qu’il va falloir revoir la politique de lutte anti hasch. Il y a des milliers de policiers qu’il va falloir enlever de cette lutte absurde, des places de prison à libérer. Du coup la montée des attentats qui ne font que commencer va devenir prioritaire. Triste constat.
La société française est-elle prête pour la légalisation du haschich ?
[pullquote]La masse des consommateurs ce sont « nos » enfants quelles que soient leurs couleurs et leurs croyances.[/pullquote] JV. Mais bien sûr. La société française elle est contre la drogue. Moi aussi ! Mais elle est prête à entendre un discours intelligent qui fait de la prévention. Le haschich c’est très dangereux pour les cerveaux avant seize ans, le cerveau en formation. Le hasch il faut pouvoir l’acheter dans un bureau de tabac. Car si c’est le voyou qui vend, il va proposer ensuite autre chose : de la coke, de l’héroïne. Il faut séparer les produits et il faut interdire la vente de haschich, comme les cigarettes, au moins de 18 ans. La bataille c’est pour la jeunesse. Il y aura toujours des plus grands qui iront acheter pour les plus jeunes. Mais on n’aura pas ce phénomène de masse que l’on a devant les collèges. C’est complètement dingue. Ce n’est pas parce que la population assimile la consommation de haschich aux Arabes qu’il faut continuer dans cette impasse ! La masse des consommateurs ce sont « nos » enfants quelles que soient leurs couleurs et leurs croyances. Revenons à un rapport plus simple. Acceptons la diversité de nos plaisirs et de nos perversions.
Demain la suite de notre entretien avec Jean Viard.
Lutte contre la drogue : « On pousse les jeunes des quartiers Nord à s’entre-tuer, c’est inacceptable » Jean Viard (3/3)
Relire notre premier volet : Lutte contre la drogue : « Nous sommes dans l’absurde » selon le sociologue Jean Viard (1/3)