En bas des marches de la Gare Saint-Charles, Cécile Duflot attire les photographes et les journalistes. Une quinzaine d’entre eux l’assaille alors qu’elle glisse en bas de cet escalier géant, les yeux légèrement mi-clos, toujours cernés de la même fatigue teintée de nonchalance. La lumière du mois de novembre irrigue l’espace mais l’air est frais. Tout le monde se rassemble autour d’elle. Se fige, avant la salve de questions. Et Jean-Noël Guérini, qui lance le soir même son parti politique ? “Cela donne une image dévastatrice de la politique”. Et la présidentielle, elle qui vient de déclarer au détour d’une interview à la Revue Charles, qu’elle avait les épaules ? “On s’en fout de 2017 !”, décoche-elle, même si elle concède, dans un souffle à peine audible, qu’elle a “progressé”.
Un homme l’alpague pour l’interroger sur le gouvernement, qu’elle a quitté il y a quelques mois, refusant alors un grand ministère de l’Écologie aux furieuses allures de “couteau sans lâme”, croit-elle savoir. L’ex ministre n’est pas tendre avec François Hollande et Manuel Valls. Aujourd’hui, elle vient soutenir ses camarades écologistes qui se lancent dans plusieurs batailles locales : départementales, en mars 2015, puis régionales, en décembre. Avant de rendre visite aux Fralib, à Gémenos, qui ont repris leur usine sous la forme d’une SCOP.
Un vrai beau moment avec les Fralib qui préparent le redémarrage de l’usine. Une SCOP et un projet exemplaire pic.twitter.com/kAzxraRS36
— Cécile Duflot (@CecileDuflot) 13 Novembre 2014
Une moderne intercalée entre plusieurs époques
C’est toujours avec une “émotion particulière” qu’elle arrive à Marseille, charmée par ce voyage pittoresque à seulement 3 heures de TGV, son nouvel ami. Cécile Duflot plisse des paupières, accroche au visage son grand sourire crispé et décroche quelques flèches. Elle promet qu’elle fera désormais de la politique “autrement”, ritournelle bien connue des politiques quand on se tourne vers le passé. Elle assure qu’elle est plus utile à sa place qu’au sein du gouvernement, qui semble chavirer chaque semaine, un tourmente en chassant une autre, du micro-drame Jouyet / Fillon au vrai drame, celui-ci, de la mort de Rémi Fraisse au barrage de Sivens.
Cécile Duflot joue des coudes et plaisante. On ne sait plus vraiment, chez ces politiques plus ou moins conscients du personnage qu’ils se sont construits, sans le vouloir, quand débute la politique qui chasse le naturel. “En vaisselle, je suis imbattable, plastronne-t-elle, en saluant derrière le bar les serveurs aux bras nus. Mère de famille nombreuse…” La députée EELV de Paris incarne bien son époque. Elle cumule vie privée et vie d’élue, sans véritablement choisir entre les deux. Bosse dur à l’Assemblée et assume une certaine légèreté sur les réseaux sociaux. C’est une moderne, intercalée entre plusieurs époques, au carrefour de la politique militante, politicienne et médiatique.
“La politique, ce ne sont pas que des stratégies, ce sont des électeurs”
Sur les chaises en bois multicolores de l’Écomotiv, où elle s’affiche avec Guy Bénarroche, délégué régional EELV et Sophie Camard, conseillère régionale PACA, le silence ponctue chacune des interventions. Le temps s’écarte au passage. Comme si on ne comprenait pas le motif de cette visite, si loin des élections régionales de décembre 2015. Cécile Duflot n’est plus ministre, pas encore candidate, et il est encore tôt pour discuter de la stratégie d’EELV, qui partira seul dans la bataille. Au risque d’échouer. “On n’a pas dit qu’on ne fera pas d’alliance”, prévient Guy Bénarroche, qui veut créer “une alternative à G-G, c’est-à-dire Gaudin-Guérini, qui sont les deux faces d’une même médaille“. “La politique, ce ne sont pas que des stratégies, ce sont des électeurs, rappelle Cécile Duflot, sans sourciller. Et la politique ça bouge”.
C’est certain. Les choses ont d’ailleurs beaucoup changé depuis qu’elle même a négocié, avec Martine Aubry, des circonscriptions gagnables pour les candidats EELV aux dernières législatives, en échange du soutien des écologistes au président de la République. Localement, les écologistes réunis autour de Karim Zeribi se sont ralliés à Patrick Mennucci dès le premier tour des dernières municipales. Un choix pas vraiment payant… Aux prochaines élections départementales, pour lesquels Jean-Noël Guérini compte déjà ses troupes, les écologistes essaieront donc de trouver “la voie étroite du rassemblement”, pour n’être “ni tout seul, ni dans le reniement”, comme l’explique Sophie Camard. 23 conseillers généraux sortants ont déjà affiché leur soutien au président du Conseil général, ainsi que les communistes, qui refusent de le considérer “comme un adversaire”. La voie semble de plus en plus étroite…