Après les annonces du ministre Denormandie sur le plan de lutte contre l’habitat indigne à Marseille, la nouvelle directrice du projet de rénovation du centre-ville, Muriel Joer Le Corre, détachée auprès du préfet décrypte les étapes à venir.
C’est la première fois que le gouvernement crée un poste comme le votre détaché sur une ville comme Marseille. Quel rôle allez-vous concrètement jouer ?
Muriel Joer Le Corre : Mon poste dépend directement du ministre du Logement, Julien Denormandie, qui m’a détaché auprès du préfet. Cela marque tout l’intérêt de l’Etat qui a compris l’urgence d’accélérer sur la rénovation d’une ville comme Marseille après le drame de la rue d’Aubagne. Concrètement, je vais représenter la position unique de l’Etat, je serai l’interlocutrice de référence de tous les autres acteurs qui souhaite saisir nos services. De mon côté, je suis en lien direct avec tous les services de l’Etat : France Domaine, l’agence régionale de la santé, la justice, la direction de la cohésion sociale… Je ferai le lien entre tout ce petit monde pour faciliter la communication, les échanges et faire avancer plus vite les démarches de rénovation du centre-ville.
Julien Denormandie est venu le 15 juillet à Marseille pour signer le projet partenarial d’aménagement (PPA) avec une dizaine d’autres acteurs. Pouvez-vous nous expliquer précisément de quoi il s’agit ?
M J-L-C : C’est un nouveau dispositif qui a été mis en place par la loi Elan. En clair, il s’agit du contrat qui lie plusieurs partenaires autour d’un même projet. Ici, la rénovation du centre-ville de Marseille. Il pose les bases d’une collaboration qui permet de travailler ensemble en mode projet. Dans le PPA de Marseille, il y a dix partenaires : la Ville de Marseille, la Métropole, le Conseil Départemental, l’Agence nationale de l’habitat (Anah), l’Agence nationale de la rénovation urbaine, l’association régionale des HLM Paca Corse, l’établissement public foncier Paca, Euroméditerranée et la Banques des Territoires. Nous allons créer des groupes de travail sur l’acquisition du foncier, le relogement des familles, les travaux de rénovation, la requalification des espaces publics… Tous ces sujets seront débattus en direct avec chacun des partenaires avec des comités de suivi pour s’assurer que les choses avancent. Avant, les services se renvoyaient la balle pointant les manques des services municipaux ou encore de l’Etat… Fini les guerres de chapelles, on travaille tous ensemble, en direct, sans passer par la case lourdeur administrative. Il faut aller vite et je vais m’assurer que le calendrier soit respecté.
La prochaine étape est la création d’une société publique locale d’aménagement d’intérêt national (SPLA-IN). A quoi va-t-elle servir ?
M J-L-C : Elle sera essentielle car c’est le bras armé, juridique et financier de l’opération. Elle réunira trois actionnaires : La Métropole, la Ville et l’Etat représenté par Euroméditerranée qui restera minoritaire. Cette société portera les acquisitions des immeubles à réhabiliter, les travaux et la revente à terme. Elle sera dotée dès le départ d’un capital important financé par l’Etat pour lancer les projets. Pour l’instant, on travaille toujours sur la rédaction de ses statuts précis mais le ministre Denormandie reviendra certainement à Marseille en fin d’année pour annoncer la création de la SPLA-IN. Ensuite, il faudra déterminer la répartition de la participation financière de chacun des partenaires.
Le ministre Denormandie a parlé d’une enveloppe de 217 millions d’euros pour commencer. Qu’est-ce que cela va permettre de réaliser ?
M J-L-C : C’est une estimation de ce que coûtera l’opération de rénovation sur quatre premiers îlots qui ont été identifiés comme prioritaires sur le périmètre : Noailles-Ventre (1er), Noailles-Delacroix (1er), Clovis Hugues/Belle de Mai (3e) et Hoche-Versailles (3e). Ces quatre zones regroupent un total de 1 927 logements dans 317 immeubles. Cela prend en compte les acquisitions, les éventuelles démolitions, le relogement des familles, la reconstruction… C’est une estimation si le travail est réalisé correctement. L’argent public et rare est cher. Il ne s’agit pas de le dépenser à tort et à travers. On va donc s’assurer que tout le processus soit fait dans les règles pour éviter de se retrouver à acheter des biens au-dessus de leur véritable valeur.
Une Grande Opération d’Urbanisme (GOU) doit également voir le jour à l’intérieur du périmètre du PPA. De quoi s’agit-il ?
M J-L-C : Ce sera la partie opérationnelle de la fusée. Elle permettra d’agir sur l’ensemble des espaces urbains de la ville et pas seulement le logement. Si on veut redynamiser les quartiers, il faut rajouter de la mobilité, des commerces, de l’activité économique, des espaces verts… On ne peut pas s’arrêter au logement. Pour l’instant, le périmètre exact de cette grande opération d’urbanisme n’a pas été délimité mais j’estime qu’il ne faut pas voir trop grand au départ sinon on risque de se noyer. Il faut peut-être commencer par les 4 îlots déjà identifiés pour apprendre à faire bien les choses. Si on se retrouve à gérer des arrêtés de péril et de permis de construire sur tout centre-ville, la Métropole ne pourra pas suivre. Il faut se fixer un objectif fort mais atteignable.