Autour de l’Etang de Berre, les grandes usines pétrochimiques semblent n’avoir pas changer depuis des décennies. Les cheminées crachent toujours leurs fumées et pourtant, elles aussi, ont entamé leur révolution écologique. Si Total a fait le choix radical de stopper complètement le raffinage, Esso opte pour une transformation plus discrète. Profitant de sa position géographique au bord de la Méditerranée en lien avec le grand port maritime, le groupe ExxonMobil a décidé de faire de son usine de Fos-sur-Mer un des principaux fournisseurs des nouveaux fiouls maritimes à basse teneur en souffre pour les grands armateurs.
Fos, un laboratoire pour le fioul maritime
A partir du 1er janvier 2020, l’Organisation maritime internationale (OMI) imposera aux compagnies du monde entier d’utiliser un carburant dont la teneur en souffre ne dépasse pas 0,5 % contre 3,5 % en moyenne aujourd’hui. Les gros paquebots et porte-conteneurs qui passeront par Fos-sur-Mer devront bien alors trouver un moyen de se ravitailler en fioul respectant la norme. Le groupe ExxonMobil, maison-mère de Esso, a bien anticipé cette donnée. Elle a donc investi sur son site de Fos pour pouvoir y produire ce fameux carburant plus respectueux de l’environnement.
« Notre raffinerie de Fos a été conçue pour être l’une des plus flexibles, capable de traiter tous types de bruts même les plus difficiles », explique la direction d’Esso. Cette flexibilité fait de Fos le candidat idéal pour devenir la tête de pont de la production de fioul marine à basse teneur en souffre. Les derniers réglages sont en cours sur la raffinerie pour pouvoir commencer à distribuer ce nouveau carburant dès la fin du mois de mai. Esso espère ainsi convaincre les grands armateurs du grand port maritime de venir s’avitailler directement à Fos grâce au développement d’une plateforme raccordée à la raffinerie. Le groupe est actuellement en discussion avec la CMA CGM pour lui présenter ce projet et en faire l’un des ces premiers clients.
60 % des investissements pour la performance environnementale
A en croire Esso, la performance environnementale de ses raffineries est une véritable obsession. Le groupe investit chaque année de l’ordre de 20 à 30 millions d’euros pour améliorer l’efficacité énergétique de son usine de Fos. En 2017, elle a effectué le plus grand arrêt pour maintenance jamais réalisé sur le site pour une inspection complète de ses installations. Elle a également profité de cet arrêt règlementaire pour concrétiser des nouveaux projets d’amélioration de l’efficacité énergétique : réduire sa consommation d’énergie et sa performance environnementale avec notamment des travaux d’intégration thermique du naphta-hydrofiner.
Cet arrêt à a également permis d’augmenter la capacité de conversion du craqueur catalytique avec le changement du réacteur, de la tête et des cyclones du régénérateur. « Les montants consacrés à l’environnement et à la sécurité représentent environ 60 % des investissements et portent à la fois sur la réduction des émissions, la baisse de la consommation énergétique et sur de nouvelles unités permettant de fabriquer des produits plus performants et plus respectueux de l’environnement », affirme la direction du groupe.
En dix ans, la raffinerie aurait divisé par deux ses émissions de dioxyde de soufre et réduit de 65 % celles de dioxyde d’azote. Elle a également fait de gros efforts sur sa consommation énergétique avec une économie de 70 MW depuis 2000, soit l’équivalent de l’alimentation électrique d’une ville de 100 000 habitants. Si Esso met en avant des considérations écologiques pour justifier ces investissements, elle ne nie pas non plus l’avantage économique car « l’énergie, c’est entre 40 % et 50 % du coût de fonctionnement de la raffinerie », avoue le groupe. L’installation de panneaux solaires sur le site est également à l’étude pour conforter Fos comme l’une de ses usines les plus fiables du monde.
Prochain grand arrêt en 2023
En 2018, Esso a atteint un taux d’utilisation de 85,3 % sur sa raffinerie de Fos-sur-Mer contre 73 % en 2017, en raison du grand arrêt. Elle n’a jamais fait mieux depuis 2013 où elle avait atteint 89 %. Par ailleurs, le site de Fos vend l’intégralité de sa production sur le marché intérieur. « Nos concurrents, ce sont les importations issues de certains pays où les règles environnementales sont parfois moins strictes », indique la direction. Malgré tout, le groupe poursuit ses investissements. Il a prévu de dépenser 21 millions d’euros en 2019 avec un effort particulier sur les installations logistiques du site. La prochaine grosse vague d’investissements est attendue pour 2022 en prévision du prochain grand arrêt attendu pour 2023. Cette année, Esso se concentre sur l’arrêt de maintenance de son usine normande de Gravenchon qui emploie 110 personnes. L’usine de Fos compte 300 salariés et 300 emplois indirects. L’an dernier, elle a recruté 30 personnes en CDI. Esso est un acteur essentiel de l’activité du grand port maritime. Son usine représente environ 30 % du trafic de vrac, soit environ 8 millions de tonnes par an pour le trafic de Fos-sur-Mer. Au niveau national, elle représente tout de même 10 % de la capacité totale de raffinage.