« La métropole est laborieuse » s’amuserait presque Philippe Langevin; « le projet n’existe pas, on a un tas qui ne fait pas un tout », continue-t-il, cette fois très sérieusement. L’universitaire donnait, le 1er mars à Science Po Aix, une conférence-débat sur le thème « un nouveau regard sur la métropole ». Cet économiste et maître de conférences à la retraite présentait son rapport intitulé « Aix-Marseille-Provence. Notre maison commune. Pour une métropole solidaire ». Car c’est bien la solidarité, absolument nécessaire à la construction métropolitaine, qui est au centre de son discours. À la base, ce travail a été réalisé dans le cadre du Comité Diocésain Économique et Social, « par des cathos pour des cathos » illustre son auteur dans un sourire. Le regard que le rapport propose s’appuie alors largement sur la doctrine sociale de l’Église. « Nous avons voulu montrer que ce débat est aussi philosophique et éthique, pas seulement technique ».
La mauvaise volonté des élus, cause des difficultés de la métropole
« La plupart des élus locaux ont refusé de participer au projet ». Le constat est simple, difficile à contredire. Philippe Langevin nuance: « Les maires restent enfermés sur leurs territoires d’élections. Leur position est difficile, on peut la comprendre par rapport à leurs électeurs ». Avant de réattaquer: « On reconnaît la vertu du territoire comme milieu qui a la capacité à construire quelque chose. Chez nous c’est la guerre. L’opposition de la plupart des maires a rendu le projet difficile. Les élus locaux n’ont pas su le faire, à notre grande honte ». Les exemples de constructions métropolitaines bordelaise et lyonnaise sont cités en modèles.[pullquote] «C’est archi faux de dire que les aixois paieront plus d’impôts ».[/pullquote] L’universitaire pique aussi la maire d’Aix, Maryse Joissains, en assurant que « c’est archi faux de dire que les aixois paieront plus d’impôts. Comme si Aix pouvait exister sans Marseille» . Pour rompre les divisions qui ont éclaté dans la bataille métropolitaine, il veut construire des solidarités. « C’est l’idée centrale, faire des politiques intégrées, faire en sorte que les talents et la fiscalité soient partagés ».
À terme, une fusion avec le département
Philippe Langevin voit toutefois plus large et plus loin que les déboires récents. Aix-Marseille-Provence rassemble 93% des habitants des Bouches-du-Rhône. Si les compétences entre les deux entités sont différentes, le social pour le département, les transports et l’économie pour la métropole, il les voit bien fusionner dans un futur proche. « La fusion est probable dans les dix ans, comme pour d’autres métropoles de France ». En attendant, les six EPCI qui ont fusionné continuent d’agir en tant que conseils territoriaux. Ces conseils « appliquent les décisions métropolitaines au niveau territorial » en tenant compte des spécificités de chaque territoire. Leur bon fonctionnement est donc consubstantiel à celui de la métropole.
« Une dérive technocratique dangereuse »
Ce qu’il regrette a posteriori, c’est que le débat autour du sujet n’ait pas été assez vif et n’ait pas suffisamment impliqué les citoyens concernés. « Le débat a été construit à la base de manière très technique, technocratique sans volonté d’expliquer. La plupart des habitants ne savent pas ce qu’est la métropole aujourd’hui ». Lui-même plaide coupable, « il y a une dérive technocratique dangereuse. On est de plus en plus éloigné de la plupart des gens concernés ». Le tout dans un cadre plus large de rupture entre la politique et les demandes sociétales qui ne fait qu’accentuer ce déficit d’information. Alors quand quelqu’un dans le public lui demande si l’idée d’un référendum local pourrait aider, il répond « de toute façon, les gens voteraient ce que leur maire leur rabâche depuis trois ans ».
Repères :
> 2017: la Métropole récupère certaines compétences du Conseil Général (politique sociale, jeunesse, seniors)
> 2020: toutes les compétences des ex-EPCI sont transférées à la Métropole (économie, culture, transport)Liens utiles :
> Nos infographies pour comprendre la métropole Aix Marseille Provence
> Les chroniques de Philippe Langevin pour Gomet’