La colère gronde sur le plan d’eau du Vieux-Port. Après 136 ans de bons et loyaux services, l’union nautique marseillaise (UNM) va perdre la gestion du plan d’eau de l’anse de la réserve près du Pharo. La Métropole a officiellement désigné lors du conseil du jeudi 28 juin la chambre de commerce et d’industrie comme nouveau délégataire du petit port. Dans la foulée, le club de nautisme a organisé une conférence de presse pour exprimer son mécontentement : « Il y a eu des propos vexatoires et mensongers sur l’UNM. De plus, on se pose beaucoup de question sur cette procédure », explique Marc Mamelli, l’avocat de l’UNM qui vient de déposer un recours en référé au tribunal administratif. En amont du conseil métropolitain, certains élus ont été particulièrement durs à l’encontre du club nautique. Claude Piccirillo, président de la commission Ports à la Métropole, a notamment affirmé que « l’UNM est déficitaire et n’a pas de ressources ». « Faux ! », rétorque Sylvère Caillol, le président du club. En effet, dans le rapport des candidatures, la commission d’attribution met elle-même en avant « la trésorerie positive en augmentation constante et les emprunts qui diminuent, témoignant d’une bonne santé financière ». Le Président exige donc des excuses de la part de l’élu. D’autant plus que le même document pointe pour la CCI « un total des produits d’exploitation en nette diminution et des résultats déficitaires depuis 2013 ».
Une CCI inexpérimentée contre un club centenaire
La chambre de commerce est-elle véritablement la mieux placée pour gérer ce plan d’eau comprenant 190 postes à flot, et 50 à terre ? « Il suffit de lire l’analyse de la commission pour se rendre compte que la candidature de la CCIMP n’aurait pas dû être acceptée », répond Michel Lamberti, le président de la fédération des sociétés nautiques des Bouches-du-Rhône et ex-président de l’UNM. En effet, dans le rapport des candidatures, la commission précise que la CCI présente « peu d’éléments probants concernant sa capacité technique (références, organisation, effectif organisé au futur contrat) ». Pour compenser ce manque d’expérience, la chambre s’appuie sur un courrier de la CCI du Var qui gère déjà plusieurs ports et lui assure un partenariat : « C’est très insuffisant aux yeux d’une DSP. Nous n’avons pas de garanties suffisantes pour une gestion prévue sur 12 ans », estime maître Mamelli. L’autre point qui dérange l’avocat, c’est la possible utilisation de deniers publics : « La CCI a tout à fait le droit de candidater mais elle ne doit en aucun cas utiliser les moyens dédiés à ses missions de services publics pour répondre à cette DSP. La justice doit vérifier l’égalité de traitement entre nos deux candidatures », prévient-il.
L’arrivée de l’ogre CCI dans la plaisance fait craindre le pire aux clubs nautiques
Pour Bernard Jacquier, vice président de la commande publique à la Métropole, le principe d’équité a été parfaitement respecté et « ce qui est en question, c’est le projet de l’UNM qui est moins bon que celui de la CCI ». Et de lister les atouts de la candidature de la chambre : + 10 % de postes à flots, l’ouverture d’une promenade au public, une redevance plus importante… Dans un premier temps, elle prévoit de supprimer 60 postes à flots pour les plaisanciers actuels afin de les attribuer à des professionnels, des passagers, aux hôtels… Pour augmenter le nombre de postes à l’eau, elle mise sur la création d’une zone de mouillage et d’équipements légers dans le chenal du Vieux-Port : « Un projet irréaliste qui ne sera jamais autorisé par l’administration et ne correspondra pas aux places permanentes des plaisanciers supprimés par ailleurs. Le nombre de postes pour les occupants actuels sera donc au final réduit », explique Sylvère Caillol. Pour le président du club, cette première incursion de la CCI sur l’anse de la réserve ne serait qu’une première étape pour une prise de contrôle totale du Vieux-port par l’organisme consulaire.
Pour l’heure, ce dernier n’a remporté qu’une seule des trois DSP auxquelles il avait candidaté. « L’entrée de la CCIMP dans la plaisance est un fait politique majeur qui met en danger le modèle des clubs et de leurs équipes de bénévoles qui animent le port depuis des années. Il suffit de regarder à Cassis où tous les clubs ont disparu », prévient Michel Lamberti. Les chambres ne cachent pas leur volonté de trouver de nouvelles ressources financières pour compenser les dotations de l’Etat : « A Marseille, Toulon et Nice, nous pouvons encore nous développer notamment en récupérant la gestion de certains ports », annonçait Roland Gomez, le nouveau président de la CCI régionale le jour même de son élection. Sachant qu’avec ces 190 postes, l’anse de la réserve est l’un des plus petits plan d’eau du port et représente un chiffre d’affaires de de 4,94 millions d’euros, l’appétit des CCI pour les autres équipements pourraient bien grandir dès l’année prochaine. En 2019, la Métropole a prévu de remettre à plat toutes les autorisations d’occupation temporaire du port.