La téléralité est à la mode. Comment passer à côté ! De la « Villa des cœurs brisés » aux « Marseillais Australia», les histoires d’amour, les coups de gueule, les coups de blues, les ruptures, les soirées tentation… crèvent l’écran. La vie politique finalement c’est souvent pas si éloignée. D’un parti à l’autre, d’un événement à l’autre, il y a comme un petit goût de « divertissement ». C’est en tout cas de cette manière que Renaud Muselier assiste à la refondation du Front national. Comme un téléspectateur devant « une émission de téléréalité. Il se passe toujours quelque chose. Le problème c’est qu’il faut discerner le vrai du faux. Je regarde ça au second degré… » Du second degré, le président LR de la Région Sud n’en manque pas, sauf parfois dans l’hémicycle régional, lorsque le Front national le pousse dans ses retranchements. Là le ton monte comme ce vendredi 16 mars en assemblée plénière sur la stratégie euro-méditerranéenne, qu’il défend depuis l’organisation de la Méditerranée du futur. Parmi les axes de développement, la solidarité en Méditerranée, la dynamisation des échanges économiques, culturels et universitaires mais aussi relever le défi du changement climatique.
Et cela ne sciait guère au Front national qui surfe sur son refrain habituel, l’immigration, jugeant « ahurissant de voir comment cette tarte à la crème du réchauffement climatique est relié, ici, à la lutte contre les radicalisations, déclare Eléanore Bez. Mêler climat et lutte contre l’islamisme est scandaleux et relève de la manipulation. Nous ne pouvons cautionner la mise en œuvre de cette idéologie européiste qui nous conduit au désastre ». Elle frappe. Elle touche. « Madame Bez, vous êtes l’ambassadrice de la refondation du FN. Vous pouvez toujours changer de nom, vous n’irai pas très loin… », répond le président de la Région Sud, qui soufflait aux journalistes il y a quelques jours que la nouvelle dénomination du FN en Rassemblement national lui faisait penser à Route national… Une voie qu’il n’entend jamais emprunter.
« Une surprise désagréable »
De fait, les propos de Thierry Mariani visant à sceller des alliances avec le parti de Marine Le Pen ne sont pas de bon ton. « Sans alliés, nous allons rester dans l’opposition pour longtemps. Il est temps de renverser la table. Le Front national a changé », confiait-il dans une interview au JDD parue dimanche 11 mars. Un discours à contretemps pour le député LR du Vaucluse, Julien Aubert. «Il arrive au moment où le FN est en pleine décrue, en crise, au moment où il se radicalise. Il est en complet décalage.»
« Une surprise désagréable » pour Renaud Muselier, bien que Thierry Mariani soit l’un de ses amis. « Je pense que les bêtises commises par ses amis, il vaut mieux les enterrer vite. Je ne partage en aucun cas cet avis, et je ne sais d’ailleurs pas quelle position il a chez Les Républicains ». Virginie Calmels, première vice-présidente des Républicains, a d’ailleurs conseillé à l’ancien député LR de se questionner sur son choix de rester au sein de la droite. Bernard Deflesselles abonde dans le même sens et estime que les déclarations de Mariani ne sont « absolument pas dans la ligne des Républicains, nous confiait-t-il dans les couloirs de l’Hôtel de Région. Les valeurs de la droite républicaine sont doubles, c’est à la fois d’être ferme sur les questions régaliennes : la sécurité des Français, sur la police, sur la gendarmerie… et sur l’immigration, et avoir une politique économique qui est à la fois plutôt libérale mais également un poids fort de l’Etat », détaille le député de la 9e circonscription des Bouches-du-Rhône. Alors pour lui, aucune chance de pactiser avec le FN. « Comment voulez que l’on s’entende avec eux ?. Regardez ce qu’il s’est passé sur la question européenne aujourd’hui ! On va avoir un scrutin l’année prochaine, et on est opposé sur toutes les lignes. Et ne vous y trompez pas. La petite musique que l’on entend de madame Le Pen sur son soutien au candidat LR à Mayotte, c’est pour nous embêter ».
Le Front national en embuscade
Ce qui n’est pas de l’avis de Philippe Vardon, vice-président du groupe frontiste au conseil régional. Lui mise sur la recomposition de la carte politique qui s’opère actuellement pour attirer dans son sillage de nouveaux visages issus de la droite. « D’un côté, il y a les globalistes, les mondialistes qui se réunissent autour de Macron qui viennent de droite ou de gauche, et en face les nationaux. Effectivement, cette ligne de partage étant de plus en plus clair, on voit que LR est écartelé. L’initiative de Mariani est intéressante, pour a minima discuter et en finir avec ce mur artificiel entretenu par la gauche morale qui bloque les droites. Et peut-être même travailler ensemble. Nous accueillons ça avec intérêt ». Sans vouloir citer de noms, il avoue beaucoup discuter avec des conseillers régionaux de droite « proches de nos idées ». Le privilège de siéger en commissions et au sein de l’hémicycle, où il espère qu’une recomposition va également s’opérer. « Au moment où la question des futures élections régionales va se poser, est-ce que Renaud Muselier aura envie d’avoir une liste En Marche en face de lui ou va-t-il tenter, comme il a l’air de le prôner pour Marseille, pour une liste LR-EM ? ça ne correspondra pas à ce que des élus régionaux LR attendent en tout cas ».
L’héritage de Charles Millon
De son côté, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier ne voit pas d’élus de sa famille politique céder à la tentation frontiste, même s’il ne cache pas que des surprises ne sont pas impossibles. « La tentation d’un élu en situation difficile pour se faire réélire est de toujours trouver des alliances, mais pour l’instant personne n’a succombé à cette démarche-là et je ne souhaite pas que ça arrive ». Cette idée de passerelle entre les deux partis de droite existe depuis l’époque de Charles Millon. L’ex-ministre de la défense de Jacques Chirac avait été soutenu par le Front national en 1998 pour garder la présidence de la région Rhône-Alpes. L’homme de la réunion des droites avait également intégré l’équipe de campagne de François Fillon pour la présidentielle 2017. «Ceux qui ont fait le pas FN sont tous tombés, analyse Renaud Muselier. Celui qui a été le plus habile, c’est Jean-Claude, ici, qui a gouverné sans 49-3 durant toute la durée de sa mandature. » Jacques Chirac avait condamné en son temps ce soutien Lepeniste à Charles Millon, en rétablissant les limites à ne plus franchir. Un mur maintenu par Nicolas Sarkozy. Quant à Laurent Wauquiez, il semble sur la même lignée assumant une droite forte, se repositionnant sur des thèmes comme l’immigration ou la sécurité, sans s’allier au FN.
En tant que conseiller du président Les Républicains, Renaud Muselier croit en la capacité de son chef pour créer les conditions nécessaires permettant au parti de retrouver de sa superbe. « Il y a eu un cataclysme politique. On se retrouve les seuls à survivre, en tout cas les 20% incompressible. L’enjeu pour Laurent, c’est de faire fructifier ce socle ; la tâche est difficile car la famille est divisée, d’anciens leaders ne sont plus là, il y a des compétitions derrières avec des appétits légitimes, un Macron qui joue sur toutes les gammes… mais je crois fondamentalement dans le débat démocratique ».