Et apparut le péri-urbain
Le géographe Hervé Le Bras, a opportunément dressé une carte de la France des gilets jaunes. Où l’on s’aperçoit que ce ne sont ni les grandes villes, ni les campagnes qui sont mobilisées, mais ce que l’on appelle le péri urbain, ces « villes à la campagne » pour reprendre la boutade d’Alphonse Allais. Où l’on constate aussi, en Provence, que le Vaucluse et le Var sont plus impactés par ce mouvement insolite et inédit que les Bouches-du-Rhône. Pour faire un focus, comme le répètent à l’envi les chaînes d’information continue, prenons un exemple pour tenter de comprendre une partie de ces citoyens en colère. C’est un couple avec deux enfants dont un est adulte. Ils ont, parce que les crédits étaient incitatifs et pour un choix de vie, décidé de construire un pavillon en lisière du 13, à Saint Maximin ou à Pourrières. 20 minutes leur disait-on pour rejoindre par l’autoroute Aix les Milles, où travaille monsieur ou le Jas de Bouffan où madame est salariée ou l’avenue Schumann où étudie l’aînée. Problème, leurs horaires ne concordent pas et le covoiturage est inenvisageable. Comme beaucoup d’habitants du Pays d’Aix, ils ont trois véhicules (2,7 en moyenne par foyer fiscal aixois). Le petit dernier est inscrit à la cantine et à l’étude, pour attendre que ses parents aient chaque soir rejoint leur domicile. Des sommes qui sont venues grever le budget du couple (3500 euros net par mois), qui doit du coup batailler chaque fin de semaine, pour éviter que le caddie ne soit trop lourd. Car il faut payer le carburant, l’autoroute, parfois le parking. La fiscalité est du coup insupportable, y compris locale, même s’ils font partie de ces gens, comme en témoignait la présidente de la communauté du pays d’Aix Maryse Joissains, qui souhaitent avoir, à deux pas de chez eux, crèche, infrastructures administratives, sportives ou de santé. Mais le fait est là et leurs difficultés aussi. Ils ont l’impression d’avoir été bernés et ils sont incapables de dire par qui. Edgar Faure disait : « Oui le peuple français est le plus intelligent de la terre. Voilà pourquoi il ne réfléchit pas ».
Et un peuple ressurgit
Sur la devanture d’un magasin fermé de la rue de la République des manifestants ont détourné une chanson de feu Johnny Hallyday. Ils mettent les points sur les « i » ou plus exactement un « i » de plus à Marie qui devient mairie. « Oh mairie si tu savais tout le mal que tu m’as fait » (Photo). Ainsi va l’imaginaire lorsque les slogans ne sont plus écoutés. Les élus, à commencer par le premier d’entre eux, ne devraient pas sous-estimer cette révolte qui a surgi du ventre de Noailles après la tragédie de la rue d’Aubagne. Jean-Claude Gaudin, nous dit cruellement Le Monde dans son édition de vendredi, voit le crépuscule de sa gouvernance. Et en coulisses, après avoir rasé les murs, ceux qui l’ont accompagné fourbissent les dagues pour jouer les Brutus. A Marseille quelques gredins vous assurent, pour justifier leurs forfaits quotidiens, qu’ici règne une loi simplette « pas vu, pas pris ». Mais depuis quelques jours la lecture des rapports, des comptes-rendus, des déclarations, débouche sur une autre vérité que l’on peut traduire ainsi : ce n’est parce qu’ils n’ont rien voulu voir et entendre qu’ils ne seront pas pris. Et les contorsions un peu misérables des alliés récents du maire auront du mal à masquer leur complicité active ou leur silence coupable. Pointer du doigt deux élus qui louaient à vil prix des appartements indignes et oublier l’incurie de la politique menée en termes d’habitat ne suffira pas. Le temps n’est plus à s’épater, une fois l’an, lorsque les santons apparaissent ou à fraterniser autour de la bénédiction des navettes, il est après avoir pleuré huit morts innocentes et tendu la main à un millier de délogés, à mesurer, comme le dit la chanson, le mal qui a été fait.
C’est pas moi que je vous dis
Roland Carta, architecte omniprésent dans les périmètres où prospèrent les promoteurs immobiliers, a fait savoir avec un brin d’humour qu’il n’avait rien à voir avec son homonyme chargé d’identifier la dangerosité ou l’insécurité des immeubles marseillais en péril. En creux, notre homme de l’art souligne ainsi le fossé qui s’est creusé entre ceux qui bâtissent une nouvelle ville, promise à tous les succès, et ceux qui sont chargés de diagnostiquer la lèpre urbaine où tente de survivre une population oubliée. Aux Catalans, il suffit de s’attarder, l’œil attentif, dans les rues pour constater cette fracture sociale a priori irréversible. En bord de mer, il y a, depuis quelques jours, des panneaux hollywoodiens qui dessinent un futur réservé à quelques-uns. C’est la résidence conçue par Rudy Ricciotti qui permettra à quelques privilégiés d’évoluer entre paysage magique, plage de sable blanc et cercle des nageurs. On sera prié de ne regarder que vers le large et ces îles du Frioul sublimes lorsque le soleil sombre à l’ouest. A quelques pas de là, c’est un tout autre Marseille qui boîte bas et sera invité à passer son chemin. Il y a quelques années lors d’un reportage en Thaïlande j’avais été frappé par une incroyable réalité. Au pied de l’hôtel de 26 étages où je séjournais, il y avait un bidonville. Un employé que j’interrogeais me répondit « ils seront obligés de partir ». Le quartier des Catalans a un passé populaire riche. Des Marseillais seront obligés de refermer le livre de cette belle histoire.
Noir c’est noir
Black Friday un concept marketing né aux Etats-Unis a été comme Halloween adapté au commerce à la Française. Hélas pour nos champions des zones de chalandises, il y a cette année de l’eau dans le gaz. Les gilets jaunes ont ajouté à leurs revendications hétéroclites, celle qui vise les grandes surfaces accusées de martyriser le pouvoir d’achat. Ce vendredi noir à géométrie variable (de un à huit jours) a de forte chance d’être noir de chez noir, pour le millésime 2018. Mais les perturbateurs sans doctrine (les gilets jaunes) ne sont pas à Marseille et alentours les seules raisons de cette baisse d’activité. Comme trop d’infos tue l’info, trop de propositions commerciales tue l’attrait de ces mêmes propositions. Grand Littoral, les Terrasses du Port ; le complexe du Prado, ont de plus en plus des fins de mois difficiles. Ici, ça ferme. Là, ça n’arrive pas à ouvrir. Et l’on ne parle pas des rues de l’hypercentre qui les unes après les autres constatent que des rideaux se baissent. Là encore, il parait urgent de faire une pause et de réfléchir : est-ce qu’une promotion immobilière fait un avenir commercial ?
Le stadium un marronnier en béton
Conçu au début des années 90 et inauguré en 1994 par la municipalité socialiste de Vitrolles le Stadium de Rudy Ricciotti est toujours à l’abandon. Il a souffert de mille maux. La gestion municipale calamiteuse des socialistes, puis le passage dévastateur des Mégret aux affaires et de leurs militants qui estimaient que ce cube était destiné « aux pédés et aux arabes », enfin les atermoiements du pays d’Aix qui ne sait pas comment sortir cette salle polyvalente de l’impasse où elle a été abandonnée. Au congrès des maires les municipalités en ont appelé à l’Etat pour les aider à faire face à la fragilité de leur économie. Alors que d’aucuns voient poindre un énième projet pour sauver le cube au pied de l’Arbois, l’incongruité architecturale, qui a coûté il y a bientôt trente ans la bagatelle de 7 millions d’euros, vient rappeler brutalement que certains maires peuvent être de fins politiques mais de piètres gestionnaires. Avec ou sans aide de l’Etat.
Attention aux rebonds
Loïc Fauchon le président de la Safim se veut rassurant : le parc Chanot restera dévolu à la foire de Marseille et à ses activités connexes, spectacles et congrès notamment A quelques mètres de là, à l’OM, un certain Franck Mc Court chante une toute autre chanson. Il rêve de mettre le feu à ce décor suranné et de constituer un pôle olympien à l’instar de ce qui se fait dans le sport US où les clubs de NBA, de Base-Ball et même de Hockey, offrent une multitude de services à leurs supporters. On imagine aisément dans ce camp-là, un village de supporters, un musée digne de la réputation olympienne, des zones de chalandise. A quelques centaines de kilomètres au nord de Marseille, à Lyon, un certain Jean-Michel Aulas a déjà initié ce qui sera sans doute pour les plus grands, le club de football de demain. Lorsqu’on avait évoqué l’hypothèse d’un Parc Chanot sous label OM, Jean-Claude Gaudin s’était tourné vers Notre-Dame de la Garde et le Vieux-Port pour assurer que cet espace, où on fait deux fois par an la foire, était intouchable. En anglais on écrit « untouchable ». Presque le même mot, mais pas certain que MC Court le prononce comme Gaudin.