Un décret du président de la République a nommé le 31 mars Catherine Geindre directrice du 3ème CHU de France, l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille (APHM). Depuis 2008 madame Geindre dirigeait l’hôpital d’Amiens , en Picardie. La Méditerranée n’est pas une découverte pour elle, puisqu’elle copilota le CHU de Nice, entre 2008 et 201. Femme énergique à lunettes et courts cheveux gris, elle est diplômée de l’école nationale de santé publique de Rennes, promotion 1981-83, et titulaire d’une maîtrise en droit public. Sa carrière commence aux hospices civils de Lyon, comme directrice d’hôpital entre 1984 et 2002. De 2003 à 2008, elle dirige l’institut de cancérologie de la Loire à Saint Étienne.
Mastodonte
Cette nomination fait suite à la démission de Jean-Jacques Romatet qui occupait ce poste depuis janvier 2013, sans parvenir à réduire un déficit de 77 millions sur un budget annuel d’1,2 milliard. La dette hospitalière n’est pas moins colossale : 1 milliard 100 millions d’euros ! Premier employeur de la région, le Centre hospitalier régional est un mastodonte. Quelques chiffres le prouvent : quatre hôpitaux, (Conception, Timone, Nord et Sud), 3 500 lits ; plus de 1800 médecins, et 12 000 salariés. En octobre dernier, un rapport de l’inspection des affaires sociales pointait de graves dysfonctionnements : « gestion archaïque », « système clientéliste » , état des finances jugé « inquiétant. »
L’emploi
Appelé à la grève ce jeudi 2 avril, le personnel s’inquiète lui pour l’emploi. Comprenant le doyen de la faculté de médecine et les chefs de service, la commission médicale avait récemment repoussé un projet entraînant la suppression de 500 emplois, et la fermeture d’autant de lits. En quatre ans, à Amiens, Catherine Geindre était parvenue à réduire le déficit, en mutualisant certains moyens. Elle avait là bas six mille employés à gérer, les marseillais sont le double, et ils veulent continuer à bien soigner. C’est aussi ce que la population demande : à être bien soignée. Espérons que Catherine Geindre quitte le nord avec une baguette magique.
De Jean-Claude Gaudin, Jacques Pfister, Jean-Marc Coppola, EELV, les réactions à la démission de Jean-Jacques Romatet :
> Suite à la démission de Jean-Jacques Romatet, Jacques Pfister, président de la CCI Marseille Provence, salue son action pour « œuvrer au rapprochement entre l’AP-HM et les acteurs économiques. » « En impliquant activement le 3e CHU de France dans la campagne de promotion des atouts économiques « Aix-Marseille-Provence, si vous saviez tout ce qui se passe ici » il a permis de révéler et de promouvoir de nombreux talents et projets innovants de cette filière d’excellence » souligne le président de la CCI Marseille Provence qui conclut :« La CCIMP souhaite que cette collaboration fructueuse initiée par Jean-Jacques Romatet, puisse perdurer au service du rayonnement et de l’attractivité économique du territoire ».
> Jean-Marc Coppola, vice-président de la Région Paca (Front de gauche). « La démission du directeur de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM), quelles qu’en soient les raisons, est révélatrice de la profondeur de la crise que traverse le service public hospitalier dans notre pays en général et dans la deuxième ville de France en particulier. Peut-être en avait-il assez de jouer les « punching ball » comme il en avait qualifié le rôle du directeur en se présentant à son premier Conseil de surveillance le 14 mars 2013. Cette crise est la conséquence directe de la saignée financière et humaine, orchestrée par l’Etat depuis plusieurs années. On peut d’ailleurs regretter la continuité politique dans ce domaine, et malheureusement beaucoup d’autres, entre les quinquennats de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Cela fait en réalité une vingtaine d’années que la santé et l’hôpital publics subissent un processus de démantèlement au profit d’une libéralisation et d’une mise en concurrence qui remettent en cause l’égalité d’accès aux soins. Représentant la Région Paca au sein du Conseil d’administration puis de surveillance de l’AP-HM, j’ai toujours voté contre les budgets marqués par l’austérité. Si les investissements de modernisation offrent une vitrine comme le nouveau bâtiment à la Timone, l’envers du décor est très préoccupant en termes d’hygiène et de sécurité. Nous avons pourtant parmi les meilleurs soignants, extrêmement dévoués… mais jusqu’à quand ?
Le 1er ministre et la ministre de la santé portent une lourde responsabilité que la nomination d’une nouvelle directrice n’allègera pas. Les millions d’économie demandés sont indécents quand les banques se gavent, en empochant les intérêts des emprunts de l’AP-HM sur le dos des malades. C’est indécent quand le troisième CHU de France agonise. L’hôpital public n’est pas une entreprise du CAC 40. Sa dette doit être effacée. Il en va de la santé et de la vie d’hommes, de femmes et d’enfants.
Je demande au maire de Marseille, président du Conseil de surveillance de l’AP-HM, qu’il sollicite une audience auprès de la ministre de la santé. Audience à laquelle je suis prêt à participer en tant que représentant de la Région pour réclamer et obtenir les moyens d’un hôpital public de qualité. »> Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille et vice-président du Sénat :« Le départ de Jean-Jacques Romatet le directeur général de l’APHM, n’est pas le fait du hasard. Il est la conséquence directe des exigences de l’Agence Régionale de Santé qui impose un plan de réformes drastique provoquant aussi bien l’hostilité des médecins que le rejet du personnel. Quand j’ai rencontré, hier, la Ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, Marisol Touraine, j’ai demandé que Marseille bénéficie, dans ce contexte, de la même considération et du même traitement que les deux autres grands CHU nationaux à Paris et à Lyon. Il est essentiel que la politique du gouvernement ne dégrade pas ce merveilleux équipement que constitue l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille, et la qualité du service qu’il propose aux Marseillais et aux Provençaux. Ce n’est pas seulement leur santé qui est en jeu ici. L’APHM constitue aussi un outil essentiel pour le rayonnement de Marseille, à l’échelle régionale et internationale. J’attends du gouvernement qu’il respecte notre ville ! »
> Le groupe EELV des Bouches-du-Rhône : « L’endettement de la l’AP-HM n’est pas nouveau, mais il atteint aujourd’hui un seuil critique. Il est la conséquence de décennies de mauvaise gestion administrative et humaine, ajouté à cela l’impérieuse nécessité de rénover des bâtiments laissés en l’état pendant plus de 30 ans. Les récents travaux de modernisation dont le BMT n’ont fait qu’aggraver la situation. Nous appelons les élus de la Ville, du Département et de la Région à prendre leur responsabilité pour soutenir l’accès à tous à la médecine publique au travers du plus grand centre hospitalier de la région Paca, qui accueille plus de 40% de non marseillais. L’AP-HM c’est non seulement le plus important employeur de la Ville, mais un centre de formation universitaire, et un pôle mondialement reconnu de recherche médicale. Si les causes de ce déficit structurel doivent être regardées en face (cf le récent rapport de l’Igas : gestion des ressources humaines, coûts structurels trop important, prédominance des administratifs par rapport aux soignants …) le nouveau Contrat de Retour à l’Équilibre Financier va étouffer l’hôpital. Nous demandons à l’ARS et à la Ministre de la Santé de revenir sur cette décision et d’accompagner de manière plus réaliste l’AP-HM vers une gestion plus vertueuse. »