Avant Angelina Jolie, il y avait Laetitia Mendes. A 26 ans et en pleine santé, elle devient la plus jeune française à subir une double mastectomie préventive. Porteuse d’une mutation génétique, la jeune femme avait 80% de risque de développer un cancer du sein. Huit ans après, à l’occasion d’Octobre Rose, Laetitia revient sur sa vie, son combat et la création de GenetiCancer, dont elle est la présidente.
Elle court. Elle court. Elle n’a pas une minute. D’ordinaire, le rythme est déjà soutenu, mais chaque mois d’octobre, depuis plusieurs années, la cadence s’accélère. Elle devient plus intense et les émotions plus vives. De villes en villes, de conférences en interviews, de séances de dédicaces aux conseils en image, Laetitia Mendes revêt sa tenue de wonder-woman, pour défendre une cause chère à son cœur : la lutte contre le cancer du sein. Pourquoi elle plus qu’une autre ?
Il est vrai que son visage ne vous dit peut-être rien. Que son nom vous est tout aussi inconnu. Et pourtant, son histoire, sa vie et son combat font échos à ce que vivent ou ont vécu tant d’autres femmes. Durant de longues années, Laetitia a porté en elle un lourd secret et, avec lui, le sentiment d’avoir fait « quelque chose de mal », confie-t-elle, dans ce café du 5e arr. parisien, qu’elle affectionne. Y prendre son Coca 0% le matin, un petit plaisir qui la ravie, quand elle aurait pu à jamais en être privée, comme de ses matins câlins avec sa fille ou de ses fous rires avec Audrey, sa soeur. Ce petit « quelque chose de mal » dont elle parle, paradoxalement, c’est d’avoir voulu « sauver ma peau ».
« Je n’avais pas une minute à perdre »
Porteuse d’une mutation génétique, la jeune femme avait 80% de risque de développer un cancer du sein. Pour contrer la fatalité, Laetitia prend alors une décision radicale. « J’ai décidé de subir une ablation préventive des deux seins, parce que ma grand-mère et ma mère ont, elles-mêmes, développer un cancer du sein. » A 26 ans, dans la fleur de l’âge, Laetitia Mendes devient la plus jeune française à subir une double mastectomie préventive. Un pied-de-nez à la Grande Faucheuse qui a emporté sa mère, Brigitte, alors que Laetitia n’avait que 19 ans et qui a failli à maintes reprises avoir raison de mémé Monique, qui s’est éteinte à 78 ans, de manière accidentelle.
C’est lorsque Brigitte découvre la maladie, que Laetitia se fait dépister pour être fixée, à son tour. BRCA2. Quatre petites lettres et un chiffre qui vont bouleverser sa vie. Un terme barbare pour désigner « Reast Research Cancer », une mutation génétique transmise de génération en génération. Il n’a pas fallu longtemps à Laetitia pour prendre sa décision aussi extrême soit-elle. Mais du temps, deux ans et demi exactement, pour qu’un chirurgien accepte enfin de lui retirer des tissus sains. Deux ans et demi durant lesquels, « j’ai renoncé à allaiter ma fille parce que j’étais persuadée que mes seins étaient malades, et je me sentais coupable de lui avoir transmis cette terrible hérédité ». Plus de deux ans durant lesquels, elle tape à toutes les portes, avec cette épée de Damoclès au dessus de sa tête. « J’étais terrorisée à l’idée que le cancer se déclare, je n’avais pas une minute à perdre ». C’est finalement de l’Institut Curie, à Paris, que va venir la délivrance, « puis un deuil aussi d’une poitrine qui devait exister et battre autrement », poursuit Laetitia, émue. Un autre deuil. Encore un.
« Mon petit gène, ma seconde chance »
Se battre autrement. Vivre autrement. Se reconstruire. Laetitia n’y avait songé à aucun moment. « Je voulais vivre, c’était tout ce qui comptait pour moi ». Elle n’était pourtant pas au bout de ses peines. La reconstruction a elle aussi été douloureuse : Vivre avec des implants dont elle « avait l’impression qu’ils ne faisaient pas partie de moi ». Puis découvrir de surcroît qu’elle portait les fameuses prothèses frauduleuses PIP, qui l’ont contrainte à repasser au bloc.
Aujourd’hui, à 34 ans, Laetitia parle sereinement de cette période de sa vie, mais toujours avec ce petit quelque chose dans le regard. Intense et pétillant, il se voile parfois lorsqu’elle évoque ce passé douloureux. Quinze ans au total de souffrances, d’hôpitaux, de morts, de deuils, d’opérations, de séparation… puis en 2013, le début de la renaissance.
Dans l’ombre durant toute ses années, elle sort enfin du silence un fameux 14 mai 2013. Une annonce, celle d’Angelina Jolie, va libérer sa parole. En révélant sa double ablation des seins pour se prémunir d’un cancer génétique, la star lui donne enfin le courage dont elle a besoin pour raconter son combat. « Depuis ce jour, tout a pris un sens ». Elle se livre dans « Mon petit gène, ma seconde chance », un témoignage poignant, pour sensibiliser toutes les femmes au dépistage. « J’avais envie de partager mon expérience, de parler pour briser le tabou de tant de femmes mais aussi d’apporter un peu de réconfort ». Un livre aussi pour sa fille et sa sœur, Audrey. Elle aussi porteuse du gène, pendant longtemps elle n’a pas voulu entendre parler de mastectomie. Ce n’est que l’année dernière qu’elle franchit le cap. « Enfin. C’était un vrai soulagement, confie Laetitia, les larmes aux yeux. Sinon, tout ceci, tout ce que nous avons enduré, ce que j’ai enduré, n’aurait servi à rien ».
Du relooking solidaire à la fondation GenetiCancer
Ces années de résilience, de courage et de volonté l’ont amenée à faire de cette épreuve une véritable force. Contrer la mort lui a donné un élan insoupçonné, une soif de vivre inébranlable. Celle qui rêvait, à ses heures perdues, d’être meneuse de revue, crée Charism, une agence de conseils en images. Comme un symbole pour réparer aussi cette image d’elle-même altérée, brisée. De son histoire, de ses blessures et de ses failles, elle voulait briller plus que jamais, et faire briller d’autres femmes.
Aujourd’hui, elle consacre une partie de son travail à relooker aussi bien celles et ceux qui se sentent différents, que des personnes malades. Laetitia intervient également auprès des patients à l’institut Curie. « C’est vrai que cela peut paraître très superficiel, le maquillage, la beauté, l’esthétisme, mais finalement, c’est le premier contact que l’on a face au miroir. Les aider à mieux apprécier et valoriser leurs atouts plutôt que de se dévaloriser, se déprécier dans des moments aussi terribles, cela semble avoir du sens ».
En 2014, au moment de la création de Charism, elle nourrissait l’ambition de lancer une fondation mettant en lumière les cancers génétiques et/ou héréditaires. Mieux les connaître, pour les combattre. Il y a quelques mois, GenetiCancer est né. En ligne depuis le mois de septembre, il compte déjà 35 ambassadrices dans toute la France. (lire encadré).
A force d’épreuves, Laetitia se sent « invincible », étonnamment, comme le titre du film signé… Angelina Jolie. Peut-être un jour les deux femmes se rencontreront-elle ? Fidèle à elle-même, Laetitia respire la joie de vivre. Pouvait-il en être autrement lorsque étymologiquement en latin son prénom signifie l’allégresse ? C’est ce qu’elle porte en elle. C’est ce qu’elle aspire à véhiculer autour d’elle, pour aider toutes celles qui ont traversé et traversent les mêmes souffrances. Pour que toutes ces « mutantes », comme elle, (re)voient, un jour, la vie en rose.
Les ambassadrices « GenetiCancer » prêchent pour vos seins
L’association dédiée à la lutte contre les cancers génétiques et/ou d’origine héréditaires a été créée en janvier 2016 et le site mis en ligne en septembre. GenetiCancer compte déjà 35 ambassadrices en France et Outre-Mer. Accompagnements à la consultation, informations, conseils… L’objectif est de mailler le territoire, « tisser cette toile et le royaume GenetiCancer », explique Laetitia. Ces volontaires qui s’engagent avec « passion, conviction, valeur et force » sont ainsi le relais à l’échelle régionale « ce qui permet de toujours trouver un accompagnement où que nous soyons, encourager les patient(e)s à aller montrer leur poitrine, et face à la maladie, dédramatiser aussi parfois, ce qui ne veut pas dire banaliser les situations mais mieux les appréhender. Le but est de ne plus être seul(e) dans les démarches qu’elles soient aussi bien administratives que médicales ».
GenetiCancer s’implique également dans la lutte contre le cancer du sein en organisant des conférences et tables rondes. Elle est également soutenue par un comité de scientifiques et de médecins qui ont participé à l’élaboration du site pour rendre les contenus à destination des patient(e)s pertinents et performants. Il est possible, par exemple, d’avoir accès à un test très rapide pour évaluer son risque, et en fonction du résultat être aiguillé(e)s vers un annuaire de professionnels pour prendre un premier rendez-vous. L’association de patients se positionne comme un « réseau de familles ». Ses ambassadrices peuvent être des ambassadeurs car ce sont des frères, des pères, des époux… qui vivent indirectement la maladie, et parfois directement. « Ils ne sont pas exclus, ils sont souvent un peu plus frileux, mais les hommes aussi peuvent être porteurs d’une mutation BRCA1 ou BRCA2 et ont des risques accrus de cancer du sein et, surtout, de cancer de la prostate, c’est pourquoi à GenetiCancer nous parlons de familles à risques ».
GenetiCancer marque une étape supplémentaire dans le combat de Laetitia Mendes pour la lutte contre le cancer du sein. Une manière aussi de passer le flambeau afin que d’autres, à leur tour, prêchent cette « sainte » parole : « se faire dépister peut sauver des vies ».
Liens utiles :
contact@geneticancer.org
http://geneticancer.org/
Facebook : page GenetiCancer