Paru le 7 janvier, l’ouvrage se diffuse à plus de 15000 exemplaires par jour, (21 € pièce). Les publics allemands et italiens viennent d’en recevoir la traduction.
Personnage central du livre, l’universitaire François s’installe un soir devant son téléviseur pour suivre une débat pré-électoral entre un musulman et une identitaire. Mais, « mon micro-onde a merdé. Il a inauguré un fonctionnement nouveau (tourner à toute vitesse en émettant un son quasi subsonique, sans pour autant chauffer les aliments), ce qui fait que j’ai dû terminer mes packages indiens à la poêle et que j’ai raté une grande partie des arguments échangés » (p.54). Cet homme – on n’ose parler de héros – ressemble diablement à l’auteur : dépressif, alcoolique occasionnel, hypocondriaque à pulsions lubriques sporadiques et velléités mystiques éphémères. Bref c’est un mec de notre temps. Surtout quand « des masses d’air anticycloniques s’étaient durablement installées de la Hongrie à la Pologne, empêchant la dépression centrée sur les îles britanniques de progresser vers le Sud » (p.53).
Moeurs claniques
En effet, toutes les dix ou vingt pages du roman, le lecteur a droit à un bulletin météo. Ou à une notice technique, comme on en croisait parfois dans Les particules élémentaires…Par exemple sur le « Volkswagen Touareg, doté d’un moteur V8 Diesel de 4,2 litres à injection directe » (p.126). Docteur en littérature, ce solitaire prématurément retraité de l’université apprécie le savoir-faire fellationique. Tout en traitant, sans nous dire pourquoi, Nietzsche de « vieille pétasse. »
François perd sa mère, puis son père dans une indifférence post-camusienne sidérante. Il se moque allègrement des moeurs claniques et tourmentées des cercles universitaires et médiatiques. Amateur de sexe et de pot au feu, il s’affiche puissamment misogyne.
Ni jupe ni short
Le double de Michel Houellebecq ne répétera pas que l’Islam est « la plus con des religions. » Entre-temps l’écrivain avoue avoir lu le Coran. Comme en glissant, sa créature finira ici par s’y soumettre, avec espoir de bonnes chères et chairs, à défaut de sa chaire escamotée. Il regrettera cependant à cet instant l’époque ou les filles pouvaient se promener en jupe ou en short.
Indolent et ramolli, ce célibataire assiste sans étonnement à l’effondrement d’une société décadente. Par delà sa hantise des parties de barbecue, l’abjection des pseudo-experts aux convictions variables telles des girouettes, lui reste la peinture de la sodomie tarifée ou de la stupidité d’un Bayrou en idiot disponible. La soumission au conformisme s’opère en basse intensité.
Ces trois cents pages pourraient former le vingt cinquième volume de la comédie humaine. Avec ce nouveau tableau d’une période désenchantée, d’un monde en voie de désagrégation, Houellebecq devient le Balzac du siècle qui s’ouvre.