La signature du contrat régional de filière pour le tourisme de croisière représente-elle un motif de satisfaction pour vous et les équipes du Club de la croisière Marseille Provence ?
Jean-François Suhas : Je suis vraiment ravi d’arriver à la conclusion de cette démarche qui a été longue. Nous travaillions sur ce dossier depuis deux ou trois ans. C’est toujours très difficile de lier les chambres de commerce, les clubs de la croisière et la Région. Sur ce point, je suis ravi de voir l’intelligence collective qui a été mise en œuvre. Nous avons et allons travailler tous ensemble, alors que depuis 20 ans, chacun agissait seul de son côté. La signature de ce contrat s’accompagne, par ailleurs, de la présentation de deux études, dont une financée en partie par l’État, via la Direccte. Elles nous permettent pour la première fois d’avoir une véritable image de l’économie de la croisière pour la région. Mais surtout de savoir ce qu’attendent les passagers et dans quelle mesure ils prescrivent après leurs séjours et peuvent ainsi devenir de véritables ambassadeurs de nos destinations. Tout cela vient confirmer ce qu’on pressentait et espérait.
Les données extraites de ces études vont-elles vous servir pour adapter l’offre pour les passagers de croisières à Marseille ?
J.-F.S. : Oui, évidemment, même si je ne vous cache pas que, nous aussi, nous faisons beaucoup d’études au travers des opérateurs. Nous avons à notre disposition toutes les retombées des compagnies qui opèrent à Marseille. Cela nous aide à cerner leurs attentes, mais aussi évaluer leurs offres. Avec ces deux nouvelles études, le plus intéressant, selon moi, est le volet économique. Les chiffres régulièrement annoncés, sur le panier moyen ou le pourcentage de passagers qui descendent en escale par exemple, sont souvent contestés. Désormais, nous avons des données à jour et vérifiées. Je pense qu’il serait intéressant de pouvoir renouveler ce type d’études tous les 5 ans pour mettre les informations à jour. Par ailleurs, ce qui est aussi intéressant dans le cas des deux études présentées, c’est qu’elles intègrent Nice et Toulon. Ce sont des ports qui accueillent plutôt des croisières de luxe alors que nous, nous sommes plutôt positionnés sur le « mass market ».
Lors de la présentation du contrat de filière pour le tourisme de croisière, vous avez parlé d’une note que vous avez rédigée sur la pollution des navires…
J.-F.S. : C’est une note que j’ai écrite grâce à mon expérience. Au fil de ma carrière, je suis devenu un spécialiste des questions industrielles du port. J’ai fait une école d’ingénieur à Marseille, l’ENSM (École nationale supérieure maritime, NDLR), donc je suis depuis 30 ans immergé dans les problématiques industrielles liées à l’exploitation d’un navire. Aussi, je trouvais très injuste la manière dont la question était traitée dans les médias. Je suis très souvent interviewé sur le sujet mais, malheureusement, la plupart du temps, mes propos ne sont pas repris. On préfère faire du sensationnel. Évidemment, je ne conteste en rien la nocivité des navires, mais je voulais juste expliquer pourquoi il y avait un transport maritime, à quoi il était destiné et me projeter vers la transition environnementale du secteur que tout le monde appelle de ses vœux. La réalité c’est qu’elle commence déjà à exister dans le maritime : les premiers bateaux au gaz arrivent, les ferries peuvent se brancher à quai et les paquebots le feront bientôt aussi… Nous faisons aussi de très gros efforts sur les rejets, en particulier atmosphériques. L’objectif de cette note de 20 pages est juste de présenter la réalité, ni plus ni moins.
Un point sur les chiffres : combien Marseille a-t-elle accueilli de croisiéristes en 2018 et quelles sont les prévisions pour 2019 ?
J.-F.S. : Nous avons terminé l’année 2018 avec 1,7 million de passagers. Et pour 2019, nous devrions atteindre 1,85 million. Ce qui représente une belle progression. Quant à l’objectif que nous nous sommes fixés il y a quatre ans, il devrait aussi être atteint : Marseille accueillera 2 millions de passagers de croisière en 2020. Nous y serons et peut-être même un peu au-delà. Mais, notre détermination absolue est que ces deux millions de visiteurs soient des gens heureux de venir à Marseille et que les Marseillais et l’ensemble des habitants de la métropole soient aussi satisfaits de les accueillir. Tout ça, sans oublier les exigences environnementales et en veillant à réduire au maximum l’impact de cette activité sur l’écologie locale.
Pour atteindre les chiffres de fréquentation que vous annoncez, on imagine que de nouveaux bateaux et de nouvelles compagnies vont venir opérer à Marseille…
J.-F.S. : Effectivement, déjà, rien que pour cette année, 17 nouveaux bateaux vont toucher Marseille. C’est énorme ! Les chantiers navals tournent à plein régime en ce moment et cela devrait continuer sur les 5 prochaines années. Donc, évidemment, nous allons avoir de nouvelles offres. Cette saison, nous avons, par exemple, deux nouveaux navires de MSC qui arrivent en escale à Marseille, et deux autres d’Aida-Costa qui, d’ailleurs, fonctionneront au GNL (gaz naturel liquéfié, NDLR). Pour nous, c’est vraiment un temps fort de voir ces prototypes d’une grande complexité commencer à opérer. Cela permet d’éliminer les particules. Il reste seulement du CO2, même si la quantité devrait baisser de 20 % à puissance égale. Nous sommes sur une trajectoire qui est prise au sérieux par les compagnies de croisière. Elles cherchent avant tout à préserver la santé de leurs passagers et sont aujourd’hui pleinement prêtes à collaborer avec nous. Ce qui, je le reconnais, n’était peut-être pas le cas il y a une dizaine d’années quand les opérateurs cherchaient avant tout à attirer des clients en baissant leurs tarifs.
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